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fa profeffion. Dès fes plus jeunes ans il a écrit quelques Chanfons fpirituelles, mifes en mufique par Goudimel, & imprimées à Paris & autres lieux. Il a écrit de fort doctes & bien laborieux Commentaires fur les Amours de Pierre de Ronfard, lefquels ont été imprimés à Paris, par diverfes fois chez. Gabriel Buon, & encore cette année 1584, in-fol. ou bien en grande marge; il a écrit plufieurs Oraifons Latines, prononcées par lui à Rome devant les Papes & tout leur Confiftoire ou Affemblée de Cardinaux, lefquelles ont été faites Françoifes, foit par lui ou autres, & enfin imprimées à Paris, à Lyon, à Rouen & autres lieux, & entre autres celles pour Antoine & Jeanne, Roi & Roine de Navarre, & celle pour Antoine de Bourbon Roi de Navarre & Jeanne d'Albreth, Roine & Princeffe de Bearn prononcées à Rome, l'an 1560. Il a écrit & compofé plufieurs autres Livres en notre langue, defquels je n'ai pas connoiffance: quant à fes compofitions Latines foit en vers ou en profe, nous en ferons mention dans notre Bibliothèque Latine, laquelle contiendra les vies & compofitions Latines de tous hommes de la Nation Gauloife ou Françoife, fans faire mention des Etrangers, defquels le nombre eft de cinq ou fix mille, fi je veux y comprendre ceux de la Gaule Belgique ou Baffe Almagne, &c. Je dirai encore ceci (avant que finir ce propos de M. Muret,) que il s'en eft trouvé plufieurs qui l'ont calomnié, & ont mis des Epîtres en fon nom pleines d'injures, lesquelles intéressoient beaucoup fon honneur, & dont il ne fut jamais Auteur, comme il l'a protesté en la dernière édition de fefdites Epîtres 2. Et pour montrer qu'il eft exempt de ce que l'on lui met affus, je veux bien ici employer fon anagramme ou nom tourné, qui est tel Marc Antoine de Muret. Nature droit m'a mené. Et vous voyez en cela que le proverbe eft vrai, qui dit ainfi :

Conveniunt rebus nomina fæpè fuis,

qui eft à dire en François :

Les noms le plus fouvent à leurs effets reffemblent.

Il florit à Rome cette année 1584, encore que plufieurs ayent

fait courir le bruit qu'il fût mort, non fans s'étudier à perpétuer fa mémoire par tous louables & vertueux offices.

On l'a originairement nommé DE MURET, par rapport au nom du Village où il naquit dans le Limofin; mais il y a long-temps qu'on ne dit plus que MURET. On fait qu'il mourut à Rome, âgé à peu-près de foixante ans, le 4 Juin 1585. (Il étoit né dans le Bourg de Muret le 12 Avril 1526, ainfi il n'avoit qué cinquante-neuf ans, un mois & vingt-deux jours.).... (M. DE LA MONNOYE).

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2 Les Epîtres injurieuses à Muret, défignées par La Croix du Maine, fur la fin de cet article, fe trouvent au Ille. Liv. des Epiftola clarorum virorum, recueillies par Michel Brutus, & imprimées à Lyon in-8°. chez Antoine Gryphe 1561. Parmi ces Epîtres il y en a onze de Muret à Lambin, & quatre de Lambin à Muret. Celui-ci auroit fouhaité que ces Lettres n'euffent point à caufe de l'idée qu'elles donnoient de certaines chofes défagréables qui étoient arrivées à Touloufe, & même des bruits fâcheux de même nature, qui avoient couru contre lui, pendant qu'il étoit à Padoue. De plus la dernière fettre de Lambin, datée de Lucques le premier d'Août 1559, étoit d'un bout à l'autre une invective contre Muret, qu'il prétendoit s'être approprié diverfes Remarques fur Horace, que lui Iambin lui avoit communiquées. Il finiffoit par le railler fur le XXI. Chap. du VIII. Liv. de fes Diverfes Leçons, où il eft dit que les femmes fçavantes font d'ordinaire impudiques; lui remontrant combien il étoit dangereux d'irriter ce fexe vindicatif, & que l'exemple d'Orphée auroit dû lui faire peur. Muret ulcéré ne voulut plus avoir de commerce avec Lambin, & prit le parti de défavouer les onze Lettres qu'il lui avoit écrites, proteftant qu'elles étoient de celui qui les lui avoit fuppofées. Lorfqu'il vint cependant de Rome à Paris en 1561, avec le Cardinal d'Eft fon patron, il ne laiffa pas d'y voir Lambin; & fi l'on s'en tient, à ce que dix-huit mois après, il en écrivit à Nicot, ce fut dans cette entrevue que Lambin la larme à l'œil, en présence de Turnébe & de Dorat, lui demanda pardon de fon offenfe. De ces deux témoins, l'un qui eft Turnèbe, étoit mort il y avoit quatorze ans ; l'autre qui eft Dorat, étoit fon compatriote & fon parent. Lambin de fon côté, n'a témoigné dans fes écrits, aucune aigreur contre Muret. Bien loin de-là, en 1563, il lui dédia comme à un de fes meilleurs amis, le IV Liv. de fes Commentaires fur Lucrèce. Muret au contraire, de retour à Rome, fe répandit en injures contre Lambin, que dans fes Lettres à Gifanius il traite de perfide & d'impofteur. Enfin l'an 1579, lorfqu'il forma le deffein de faire imprimer fes Lettres & de les dédier à Nicot, il prit cette occafion de parler de la malice qu'avoit eu un favant qu'il ne nomme point, de lui fuppofer des Lettres dont il étoit lui-même l'Auteur. En effet, ce qui eft remarquable, il n'a fait entrer dans la Collection qu'il a dédiée à Nicot, aucune des onze Lettres dont j'ai parlé, quoiqu'elles foient très-certainement de lui. Mais ce qui n'eft guère moins remarquable, c'eft

qu'en cette même année 1579, elles furent réimprimées fous fon nom in-16. à Paris, dans le temps qu'à Rome, il les défavouoit fi hautement. (idem).

Muret fut Profeffeur de Troisième au Collège du Cardinal le Moine, où Turnèbe profeffoit la Rhétorique, & Buchanan la feconde. Quels Savans réunis dans un même College & combien les chofes ont changé? On a prétendu qu'alors, fur l'imputation d'une habitude vicieufe & contre nature, il fut pourfuivi, mis en prifon au Châtelet, d'où il fat renvoyé, faute de preuves fuffifantes. Il quittà Paris & fe retira à Toulouse, où il fe fit Répétiteur en Droit. La même accufation renouvelée, le força encore de s'enfuir, fur l'avis que lui donna un Confeiller au Parlement, par ce vers de Virgile:

pas

Heu fuge crudeles terras, fuge littus avarum.

De-là il vint à Padoue, où l'on prétend qu'il fut encore inquiété pour le même fait; il paffa à Venife, où il tomba malade, & ce fut alors qu'il fit cette belle réponse qui engagea les Médecins à avoir un foin particulier de fa fanté. Voy. le Naudaana, pag. 41, & les Additions pag. 169. Bèze, Hift. Eccl. Liv. IV. pag. 554, a donné autant de poids qu'il a pu à ces accufations, & cela n'eft étonnant. Muret fit à Rome une Harangue pour juftifier le Maffacre de la S. Barthelemi, & y vivoit penfionné de la Ligue, & foutenoit ce parti par fes écrits: il étoit tout naturel que les Huguenots le regardaffent comme leur ennemi, & fiffent valoir toutes les circonftances qui pouvoient le rendre odieux. On s'accorde cependant à dire que fa conduite. fut irréprochable à Rome. Le Cardinal Hippolite d'Eft, avec lequel il fit un voyage en France en 1572, le protégea conftamment & lui fit beaucoup de bien; il avoit profeffé à Rome dès 1563 le Droit, la Philofophie & l'Hiftoire, & neuf ans avant fa mort, il y fut ordonné Prêtre, ce qui prouve que fes mœurs étoient alors plus pures, fi Bèze & Scaliger ont eu quelque raifon dans les crimes honteux qu'ils lui ont imputés -Il y a des chofes curieufes dans les Varia Lectiones: Liv. XVI. Ch. 4. il y fait la critique de la févérité du Pape Pie V, qui cependant a été canonifé: ce chapitre eft beau.- Son' Jugement fur Suétone, (Orat. XVII. de Tacito) eft ridicule & fent la bigotterie: il décrie cet Auteur à caufe des détails obfcènes qui s'y trouvent. Nous ferions bien obligés à tous les Hiftoriens, s'ils nous donnoient des anecdotes fur les perfonnes dont ils parlent, auffi curieufes que celles qu'on trouve dans Suétone, & qui caractérisent mieux, que les actions d'éclat connues de tout le monde- Un Poëte Allemand, nommé LAMBERTUS, fit des vers contre lui, fur ce qu'il avoit dit, qu'il voudroit avoir été damné un mois, & avoir fait les Géorgiques. Il eft cenfuré, fans être nommé, comme Commentateur de Ronfard par Verville, Palais des Curieux, pag. 502. » Le Commentateur » devroit y prendre garde, mais il écrit beaucoup de chofes qu'il n'entend » pas. On trouve plufieurs particularités fur lui dans l'Anti-Baillet, Part. I, Paragr. 23, avec les notes de la Monnoie, & dans le Ménagiana, Tom. III, pag. 132.-Baluze Limofin comme Muret, dit, dans une lettre à Sorbiere

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» écrite de Fontainebleau en 1661 ». Si Butavi tui velint, novam operum illius (Mureti editionem procurare, lubens fubminiftrabo cuncta ejus volumina que apud me funt, fcis autem effe plura.- (La dernière édition des Œuvres de Muret & la plus complette eft celle de Verone 1727 & 1730, en cinq vol. in-8. On y trouve beaucoup de fcience, de goût, de critique, une connoiffance parfaite de la langue Latine, une élocution pure. Muret étoit grand verlificateur, mais il avoit peu de ce génie & de cet enthoufiafme qui font & conftituent le Poëte & l'Orateur.) Il a peu fait de vers François, on connoît de lui un Sonnet en cette langue, au devant de la Médée de Jean de la Pérufe, & quelques vers pour le Roman de Dom Florès, du sieur des Efars. (M. FALCONET).

Voy. les Mémoires de Niceron, Tom. XXVII. On y trouvera beaucoup de détails curieux fur la vie de ce Savant. Il fournit un exemple bien fingulier de ces doubles réputations qui femblent inexplicables. D'un côté on lui imputoit le livre fameux des Trois Impofteurs, l'Aloyfia Sigea; & ce qui est plus fort que ces calomnies, on le brûloit à Touloufe en effigie en 1554, comme Huguenot & Sodomite, ainfi que le portent les Regiftres de Touloufe. D'un autre côté, on le cite comme un dévot, grand partifan de la Ligue, & fi pénétré de zèle lorfqu'il fut Prêtre, que neuf ou dix ans avant fa mort, il pleuroit toujours en difant la Meffe. (Borboniana, page 253.)

MARC CLAUDE DE BUTET, Gentilhomme Savoisien, très-excellent Poëte & bien aimé de fon Alteffe, foit pour les Mathématiques ou autres difciplines, efquelles il eft fort bien verfé. Il a écrit une Ode de la paix, imprimée à Paris chez Gabriel Buon, l'an 1559 *. Le premier & fecond Livres de ses vers François, ensemble l'Amalthée, imprimés à Paris chez Michel Fezandat, l'an 1561; le troifième Livre de fes vers François, auquel il loue la vertu des plus illuftres perfonnes de fon pays. Il n'est encore imprimé; il a écrit quelques Poëmes contre Berthelemy Aneau de Bourges, &c. l'Hiftoire de Job, écrite en vers François, non encore imprimée; la Maison Ruinée, non imprimée; Epithalame ou Noffes de Philibert Emanuel, Duc de Savoye, & de Madame Marguerite de France, Ducheffe de Berry, fœur unique du Roi, imprimé à Paris l'an 1559, chez Robert Eftienne. Je n'ai pas connoiffance de fes autres écrits Latins ou François, pour n'avoir jamais eu ce bien de le voir ou connoître. Il florit en Savoye cette année 1584.

* M. C. de Butet étoit un Gentilhomme de Savoie, dont la famille vivoit

avec honneur à Chamberry, & s'étoit diftinguée par les armes. Il fut envoyé à Paris pour y faire fes études. Ses talens le firent connoître du Cardinal de Chatillon, qui le préfenta à Marguerite de France, qui époufa Emmanuel Philibert, Duc de Savoie. Il fuffifoit alors d'avoir des idées extraordinaires pour fe faire une réputation; il effaya le premier, de faire des vers François mefurés, comme ceux des Grecs & des Latins, & d'y conferver la rime. » Le premier, dit Pâquier, Recherc. Tom I, Liv. VII, Chap. XI, p. 733, fut » Claude de Butet, dans fes Œuvres Poëtiques, mais avec un affez malheu» reux fuccès. «Cependant il en tira gloire dans la fuite de fa vie, comme d'une invention nouvelle qui lui étoit due. On n'a point de Recueil complet de fes Poëfies, quoiqu'il ait paffé fa vie à faire des vers, toujours amoureux, jamais heureux, & toujours devant mourir d'amour, ainfi que le doit un Poëte paffionné. Il fit en conféquence fon épitaphe, qu'il adreffe à un de fes amis, dans un Sonnet, & qui felon fes termes, ne devoit contenir que ce trifte écriteau :

Ci dedans eft l'amant qui facra fa jeunesse
Aux Neuf-Sœurs, & aima une demi-Déelle,
Bien digne d'être aimé d'un amour auffi fort:
Par les vers il la fit ici bas immortelle,
Ecrivant les beautés; toutefois la cruelle,
Ha, trop ingratement ! lui a donné la mort.

Voyez les Recherches de Pâquier, ubi fup. & la Bibl. Franç. de l'Abbé Goujet, Tom. XII. pag. 353.

MARC DU VAL, Peintre du Roi*, (furnommé BERTIN, à cause de fon beau-père qui s'appelloit de ce nom.) Il naquit ës Fauxbourgs de S. Vincent près la ville du Mans, & c'étoit l'un des plus excellents de notre temps pour le crayon, & pour le burin, ou gravure en taille douce, & encore pour la peinture en huile. Il étoit furnommé le Sourd, de par fon maître le Roi Charles IX, d'autant qu'il avoit l'ouie fourde. Il a fait imprimer plufieurs vifages des Rois & Roines, Princes, Princeffes & grands Seigneurs de France, lefquels il avoit lui-même gravés & faits en taille douce, & fe délibéroit ( fi la mort ne l'eût fi-tôt furpris) de faire un jufte volume des vifages de tous les Rois & Roines de France, & autres Seigneurs de marque. Il mourut à Paris le treizième jour de Septembre, l'an 1581, fur les onze heures du foir, qui étoit l'heure qu'il avoit prédit : fa femme s'appelloit Catherine le Jolly, fa demeure étoit à Paris en la rue

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