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EPISTRE

AU TRÈS-CHRESTIEN

ROY DE FRANCE ET DE POLONGNE,

HENRY

III

D U NOM.

SIRE, il y a aujourd'huy un an, que je reçeu tant

de

'd'honneur de voftre Majefté, qu'il luy pleut recevoir ce que je luy prefentay, touchant mes Desseins & Projects, pour dresser une Bibliotheque, parfaite & accomplie en toutes fortes, lequel j'ay de rechef fait imprimer, afin que une chofe fi louable ne demeuraft enfevelie. Or, eft-il (Sire) que puis ce temps là je n'ay peu avoir ce bien, que de pouvoir faire entendre à voftre Majefté, & luy expliquer les articles principaux contenuz en mes Projects. Mais j'ay opinion que cet œuvre ou pluftoft hiftoire des Efcrivains en langue Françoife, tefmoignera de ma diligence touchant la recherche que j'ay faite pour illuftrer voftre Royaume; & fervira de preuve

que mes deffeins ne font pas des promesses feulement, mais des effects plus que fuffifans, pour certifier de ce que j'ay toujours defiré que l'on cogneuft en moy: fçavoir, une très-dévotieufe affection de faire fervice à voftre Majefté en toutes fortes. C'est donc cette BIBLIOTHEQUE FRANÇOISE que je confacre à vofire Majefté (Sire) fi c'eft fon plaifir de l'ac cepter de telle affection, comme je luy en fay très-humble offre & préfent, & cela n'est que comme ün avant-coureur des autres volumes que j'ay efcrits fur toutes fortes de matières ou fubjects, defquelles le nombre eft infiny & presqu'incroyable. Car fi je dy qu'il y en a plus de fept ou huit cents, `non-feulement encommencez, mais prefque achevez, j'ay peur que l'on ne veuille adjouter foy à mes propos, toutesfois j'en peux toujours faire preuve à ceux qui la décroiroient, en leur montrant ce que j'en ay de fait.

Or pour venir à parler de cette BIBLIOTHEQUE FRANÇOISE, voicy ce qu'elle contient, fçavoir, eft un Catalogue général de tous les hommes & femmes qui ont efcrit & compofé des œuvres de leur invention, ou bien auffi qui ont fait des Traductions en langage François depuis cinq cents ans & plus, jusques au temps de vostre règne, lequel je prie à Dieu vouloir bien conferver, & contient encores un Abrégé des vies des plus renommez entre ceux que j'y ay compris, defquels le nombre eft de trois mille ou peu s'en fault. Mais pour dire ce qui m'a fait choisir cet œuvre pour en faire préfent à voftre Majefté, pluftoft que pas un des au

tres que j'ay prefts à mettre en lumière, ç'a efté pour deux occafions principales, dont la premiere eft pour avoir eu desir d'avoir l'amitié de tant d'hommes doctes qui font aujourd'huy vivants, defquels la plus grande partie eft employée au fervice de voftre Majefté; & cela fera caufe qu'ils pourront, (s'il leur plaift me vouloir tant porter d'amitié) lui recommander mes deffeins & projects pour les accepter, & enfin les mettre à exécution. La feconde raison a été pour monstrer combien c'est un grand honneur & louange à la France, (& par conféquent à celuy qui en eft le Roy & Prince Souverain) de fe pouvoir vanter qu'elle eft fi florissante en hommes doctes, non-feulement qui font bien verfez ès langues Hébraïque, Grecque, Latine, & autres eftrangeres, mais fur-tout en celle de leur pays & que le nombre eft fi grand de ceux qui ont compofé en icelle langue Françoise, qu'il y en a plus de trois mille, ce qui ne fe pourra rencontrer ès autres nations étrangères, foyent Italiens, Espagnols, Allemans, Flamans, Anglois, Efcoffois, & autres femblables. Car fi nous voulons prendre garde aux Italiens, (lefquels j'ay mis pluftoft en avant que les autres, pour ce qu'ils ont de tout temps flory aux lettres & aux armes) nous trouverons que ceux qui ont fait la recherche des autheurs qui ont efcrit en leur langue, depuis le temps que ces trois doctes hommes Florentins, Dante, Petrarque & Bocace, floriffoient (il y a trois cents ans & plus) n'en ont mis en leur Catalogue que trois cents, qui ont efcrit ou traduit des œuvres en langue Italienne: ce que pour

ront tefmoigner avec moy, tous ceux qui auront fait lecture du livre d'Antoine-François Dony Florentin, lequel a mis en lumière un fien œuvre, qu'il a intitulé la Librairie, c'est-à-dire, le Catalogue des livres Italiens, anciens & modernes, qu'il a fait imprimer depuis quatre ans en çà, fçavoir eft en l'an de falut 1580. Que fi quelques-uns veulent dire qu'il n'a voulu faire mention que des plus excellens Écrivains, & qu'il n'a parlé de ceux qui ont peu de réputation, je veux bien accorder qu'il en a paffe beaucoup fous filence. Mais prenons le cas que ceux qu'il a obmis fuft deux fois auffi grand que ceux dont il a parlé, le tout ne feroit que de neuf cens, & c'est bien loing de trois mille, comme nous avons entre les noflres; ce que j'ay expressement allégué (Sire) afin de monflrer que voftre Royaume n'est pas feulement célebré & renommé par tout l'Univers, à caufe des hommes illuftres & vaillans en guerre, mais encores pour les doctes & Sçavans perfonnages qui ont de tout temps fait profeffion des lettres. Mais pour laiffer ce propos & venir aux autres œuvres que j'ai compofez, pour illuftrer la France & les Gaules, je ne craindray point de dire que fi j'appercoy tant foit peu que ce premier volume de ma Bibliothéque vous ait agréé ou pleu en aucune forte, je continueray à mettre les autres en lumière, en peu de temps: fçavoir eft le fecond volume, qui eft divifé felon les arts & fciences, & lequel enfeigne à trouver promptement tous les autheurs qui ont efcrit de chacun fubject ou matière, quelle qu'elle puisse être ;

qui eft l'œuvre le plus defiré de tous nos François. Car celà eft.de tel foulagement, qu'en un inftant l'on trouve tous ceux qui ont écrit des chofes pareilles, & d'un mefme argument, pour lesquelles chofes fçavoir autrement, que par ce fecond volume de la Bibliothéque Françoife, il feroit trop difficile & malaisé, finon à ceux qui auroient veu & leu tous les autheurs qui ont jamais efcrit en François.

Le troifiefme volume eft des Éfcrivains en Latin, natifs de la France & des Gaules, lefquels font en nombre de cinq ou fix mille, fans faire mention des autres võlumes qui en dépendent encores.

des

Et quant eft des maifons nobles de France, (qui eft l'œuvre que je mettray en lumière après les fufdits, fi vofire Majefté ne me commande de faire du contraire) c'est celuy de la Nobleffe de voftre Royaume, à la compofition duquel j'ay ufé de telle diligence, pour rechercher toutes les maifons qui ont tiltre ou qualité de Noble, que j'en ay recueils de plus de vingt mille, lefquels j'ay mis par ordre d'a, b,c, pour ne fafcher aucun, quand je les feray imprimer. Ce qui adviendra lorsqu'il plaira à vostre Majefté de me commander que cela fe face: car je luy ay toujours tant porté de refpect, que je n'ay defiré mettre en évidence, finon toutes chofes à la gloire & honneur des François, vos trèshumbles fubjects.

SIRE, voilà ce que j'avois à dire maintenant touchant aucuns de mes œuvres : & fi vofire Majefté defiroit de fçavoir

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