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Clé. Vous prenez pour mépris son trop de déférence,
Dont il ne faut tirer qu'une pleine assurance

Qu'un ami si parfait, que vous osez blâmer,

1865

Vous aime plus que lui, sans vous moins estimer.

Si pour lui votre foi sert aux juges d'otage,
Permettez qu'auprès d'eux la mienne la dégage,

Et, sortant du péril d'en être inquiété,

Remettez-lui, monsieur, toute sa liberté ;

1870

Ou, si mon mauvais sort vous rend inexorable,

Au lieu de l'innocent arrêtez le coupable:

C'est moi qui me sus hier sauver sur son cheval,

Après avoir donné la mort à mon rival;

1875

Ce duel fut l'effet de l'amour de Climène,
Et Dorante sans vous se fût tiré de peine,
Si devant le prévôt son cœur trop généreux
N'eût voulu méconnaître un homme malheureux.
Phi. Je ne demande plus quel secret a pu faire
Et l'amour de la sœur, et l'amitié du frère ;
Ce qu'il a fait pour vous est digne de vos soins.
Vous lui devez beaucoup, vous ne rendez pas
D'un plus haut sentiment la vertu n'est capable;
Et puisque ce duel vous avait fait coupable,
Vous ne pouviez jamais envers un innocent
Être plus obligé ni plus reconnaissant.

moins:

Je ne m'oppose point à votre gratitude;
Et si je vous ai mis en quelque inquiétude,
Si d'un si prompt départ j'ai paru me piquer,
Vous ne m'entendiez pas, et je vais m'expliquer.

On nomme une prison le nœud de l'hyménée ;
L'amour même a des fers dont l'âme est enchaînée;
Vous les rompiez pour moi, je n'y puis consentir.
Rentrez dans la prison dont vous vouliez sortir.
Do. Ami, c'est là le but qu'avait votre colère?

S. M.

1880

1885

1890

1895 6

Phi. Ami, je fais bien moins que vous ne vouliez faire.
Clé. Comme à lui je vous dois et la vie et l'honneur.

Mé. Vous m'avez fait trembler pour croître mon bonheur. Phi. (à Mélisse). J'ai voulu voir vos pleurs pour mieux voir votre flamme,

Et la crainte a trahi les secrets de votre âme.

Mais quittons désormais des compliments si vains.

1900

(À Cléandre). Votre secret, monsieur, est sûr entre mes

mains ;

Recevez-moi pour tiers d'une amitié si belle,

Et croyez qu'à l'envi je vous serai fidèle.

Cli. (seul). Ceux qui sont las debout se peuvent aller

seoir;

Je vous donne en passant cet avis, et bonsoir.

1905

L'effet de cette pièce n'a pas été si avantageux que celui de la précédente, bien qu'elle soit mieux écrite. L'original Espagnol est de Lope de Vègue sans contredit, et a ce défaut que ce n'est que le valet qui fait rire, au lieu qu'en l'autre les principaux agréments sont dans la bouche du maître. L'on a pu voir par les divers succès quelle différence 5 il y a entre les railleries spirituelles d'un honnête homme de bonne humeur, et les bouffonneries froides d'un plaisant à gages. L'obscurité que fait en celle-ci le rapport à l'autre a pu contribuer quelque chose à sa disgrâce, y ayant beaucoup de choses qu'on ne peut entendre, si l'on n'a l'idée présente du Menteur. Elle a encore quelques défauts par- 10 ticuliers. Au second acte, Cléandre raconte à sa sœur la générosité de Dorante qu'on a vue au premier, contre la maxime, qu'il ne faut jamais faire raconter ce que le spectateur a déjà vu. Le cinquième est trop sérieux pour une pièce si enjouée, et n'a rien de plaisant que la première scène entre un valet et une servante. Cela plaît si fort en Espagne, 15 qu'ils font souvent parler bas les amants de condition, pour donner lieu à ces sortes de gens de s'entredire des badinages; mais en France, ce n'est pas le goût de l'auditoire. Leur entretien est plus supportable au premier acte, cependant que Dorante écrit: car il ne faut jamais laisser le théâtre sans qu'on y agisse, et l'on n'y agit qu'en parlant. Ainsi 20 Dorante qui écrit ne le remplit pas assez; et toutes les fois que cela arrive, il faut fournir l'action par d'autres gens qui parlent. Le second débute par une adresse digne d'être remarquée, et dont on peut former cette règle, que, quand on a quelque occasion de louer une lettre, un billet, ou quelque autre pièce éloquente ou spirituelle, il ne faut jamais 25 la faire voir, parce qu'alors c'est une propre louange que le poëte se donne à soi-même; et souvent le mérite de la chose répond si mal aux éloges qu'on en fait, que j'ai vu des stances présentées à une maîtresse, qu'elle vantait d'une haute excellence, bien qu'elles fussent trèsmédiocres; et cela devenait ridicule. Mélisse loue ici la lettre que 30 Dorante lui a écrite ; et comme elle ne la lit point, l'auteur a lieu de croire qu'elle est aussi bien faite qu'elle le dit. Bien que d'abord cette pièce n'eût pas grande approbation, quatre ou cinq ans après la troupe du Marais la remit sur le théâtre avec un succès plus heureux; mais aucune des troupes qui courent les provinces ne s'en est chargée. Le 35 contraire est arrivé de Théodore, que les troupes de Paris n'y ont point rétablie depuis sa disgrâce, mais que celles des provinces y ont fait assez passablement réussir.

NOTES.

PREFACE.

P. 3, 1. 13. Bernard le Bovier de Fontenelle (1657-1757) was the nephew of Corneille. He has obtained much reputation by his work entitled éloges des Académiciens, which is considered as a masterpiece of style and criticism.

VIE DE CORNEILLE.

P. 5, 1. 3. 1606. June 6.

1. 4. la vicomté. Comté and vicomté were formerly always feminine. We still say la Franche-Comté, when mentioning the province of France of which the capital is Besançon.

1. 5. aux Jésuites=chez les Jésuites.

1. 16.

au nouvel auteur=dans le nouvel auteur.

1. 17. troupe de comédiens, the company which settled down in the Marais du Temple.

1. 25. tel ouvrage, many a work.

P. 6, 1. 23. Alexander Hardy (1560?—1632), a very voluminous author; his répertoire of tragedies, comedies, and tragi-comedies includes upwards of 600 works.

1. 24. le théâtre, here, stage-effect.

1. 25. les mouvements, the action.

1. 28. honnêtes gens, gentlefolk.

P. 7, 1. 4. Armand Jean Duplessis, cardinal de Richelieu (15851642).

1. 5. des poëtes. "Sint Mæcenates, non deerunt, Flacce, Marones." 1. 8. leurs grâces, their favours, their liberalities.

1. II. celle des vingt-quatre heures, the well-known rule that the action of a dramatic work must not be supposed to extend beyond twenty-four hours.

1. 12. dont on s'avisa, of which authors bethought themselves.

1. 15. que si. Que here is redundant.

1. 36. L. Annæus Seneca (?-A.D. 65).

il ne laissa pas de... liter. he did not leave from, i.e. he nevertheless. P. 8, 1. 9. à qui en voulait-on? Against whom were these caricatures directed?

1. 14. There is an English imitation of Le Cid by Rutter (London, 1637-40, 2 vols. 12mo.), and a translation by Bell, 1714. A German version by G. Greflinger was published at Hamburg, 1679, 8vo.

1. 25. Paul Pellisson-Fontanier (1624—1693), a distinguished writer; composed a well-known histoire de l'Académie Française, which was continued by the Abbé d'Olivet.

1. 28. il faut s'en prendre, we must find fault with.

1. 29. où c'eût été très-mal parler... It would have been a want of manners on the part of courtiers to praise a work which Richelieu disliked so much.

P. 9, 1. 1. Georges de Scudéri (1601—1667), a wretched author, whose conceit was equalled only by his literary worthlessness.

"Bienheureux Scudéri, dont la fertile plume

Peut tous les mois sans peine enfanter un volume." (Boileau.)

Scudéri's Observations were published in 1637.

1. 2.

The Académie Française was founded in 1634.

1. 5. l'autre partie. The word partie in law language means one of the suitors, either plaintiff or defendant.

1. 14. ...donna ses sentiments sur le Cid. In 1637. 1. 20. reprenant, noticing.

1. 34. l'hôtel de Rambouillet. Catherine de Vivonne, marchioness de Rambouillet, used to receive at her house (1600-1665) all the aristocracy of French rank and genius. A literary coterie was thus formed which assumed the rather ambitious position of deciding en dernier ressort on all topics connected with taste. Madame de Rambouillet's friends were known by the epithet of Précieux and Précieuses, and brought down upon themselves the witty attacks of Molière.

66

P. 10, l. I. Vincent Voiture (1598-1648), chiefly known by his letters. 'Though much too laboured and affected," says Mr Hallam, “they are evidently the original type of the French epistolary school." don Bertrand.... Play of Thomas Corneille, performed in

1. 20.

1650.

Le Geôlier... Another play of Thomas Corneille, performed in 1657. 1. 26. Jean Baptiste Poquelin de Molière (1622—1673).

P. 11, 1. 20. The queen Anne of Austria and Cardinal Mazarin had detected in the character of Don Sanche a supposed similarity to that of

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