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vrai1. Cette science est de celles qu'il faudrait ignorer.

Les poisons qui coagulent le sang au lieu de déchirer les membranes, sont l'opium, la ciguë, la jusquiame, l'aconit, et plusieurs autres. Les Athéniens avaient raffiné jusqu'à faire mourir par ces poisons réputés froids leurs compatriotes condamnés à mort. Un apothicaire était le bourreau de la république. On dit que Socrate mourut fort doucement, et comme on s'endort; j'ai peine à le croire.

Je fais une remarque sur les livres juifs, c'est que chez ce peuple vous ne voyez personne qui soit mort empoisonné. Une foule de rois et de pontifes périt par des assassinats; l'histoire de cette nation est l'histoire des meurtres et du brigandage; mais il n'est parlé qu'en un seul endroit d'un homme qui se soit empoisonné lui-même, et cet homme n'est point un Juif; c'était un Syrien nommé Lysias, général des armées d'Antiochus Épiphane. Le second livre des Machabées

'Il est très vraisemblable que c'est un conte populaire: il serait plus facile qu'on ne croit de pénétrer ces prétendus secrets; mais ceux qui savent quelque chose sur ces objets doivent avoir la prudence de se taire. Ce n'est pas qu'il ne soit utile que ces vérités soient connues comme toute autre espèce de vérité; mais on ne doit les publier que dans des ouvrages qui fassent connaître en même temps le danger, les précautions qui peuvent en préserver, et les remèdes. (Éd. de Kehl.)

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dit qu'il s'empoisonna', vitam veneno finivit. Mais ces livres des Machabées sont bien suspects. Mon cher lecteur, je vous ai déja prié de ne rien croire de léger.

Ce qui m'étonnerait le plus dans l'histoire des mœurs des anciens Romains, ce serait la conspiration des femmes romaines pour faire périr par · le poison non pas leurs maris, mais en général les principaux citoyens. C'était, dit Tite-Live, en l'an 423 de la fondation de Rome : c'était donc dans le temps de la vertu la plus austère; c'était avant qu'on eût entendu parler d'aucun divorce, quoique le divorce fût autorisé; c'était lorsque les femmes ne buvaient point de vin, ne sortaient presque jamais de leurs maisons que pour aller aux temples. Comment imaginer que tout à coup elles se fussent appliquées à connaître les poisons, qu'elles s'assemblassent pour en composer, et que sans aucun intérêt apparent elles donnassent ainsi la mort aux premiers de Rome?

Laurent Échard, dans sa compilation abrégée, se contente de dire « que la vertu des dames ro<<maines se démentit étrangement; que cent << soixante-dix d'entre elles, se mêlant de faire le « métier d'empoisonneuses, et de réduire cet art << en préceptes, furent tout à la fois accusées, con« vaincues et punies. >>

1 Chap. x, v. 13.

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Tite-Live ne dit pas assurément qu'elles réduisirent cet art en préceptes. Cela signifierait qu'elles tinrent école de poisons, qu'elles professèrent cette science: ce qui est ridicule. Il ne parle point de cent soixante-dix professeuses en sublimé corrosif ou en vert-de-gris. Enfin il n'affirme point qu'il y eut des empoisonneuses parmi les femmes des sénateurs et des chevaliers.

Le peuple était extrêmement sot et raisonneur à Rome comme ailleurs; voici les paroles de TiteLive:

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I « L'année 423 fut au nombre des malheu«< reuses; il y eut une mortalité causée par l'intempérie de l'air, ou par la malice humaine. Je << voudrais qu'on pût affirmer avec quelques au<< teurs que la corruption de l'air causa cette épi« démie, plutôt que d'attribuer la mort de tant << de Romains 'au poison, comme l'ont écrit faus<< sement des historiens pour décrier cette année. »

On a donc écrit faussement, selon Tite-Live, que les dames de Rome étaient des empoisonneuses; il ne le croit donc pas : mais quel intérêt avaient ces auteurs à décrier cette année? c'est ce que j'ignore.

Je vais rapporter le fait, continue-t-il, tel qu'on l'a rapporté avant moi. Ce n'est pas là le discours d'un homme persuadé. Ce fait d'ailleurs ressemble 1 Première décade, liv. VIII.

bien à une fable. Un esclave accuse environ soixante-dix femmes, parmi lesquelles il y en a de patriciennes, d'avoir mis la peste dans Rome en préparant des poisons. Quelques unes des accusées demandent permission d'avaler leurs drogues, et elles expirent sur-le-champ. Leurs complices sont condamnées à mort sans qu'on spécifie le genre de supplice.

J'ose soupçonner que cette historiette, à laquelle Tite-Live ne croit point du tout, mérite d'être reléguée à l'endroit où l'on conservait le vaisseau qu'une vestale avait tiré sur le rivage avec sa ceinture, où Jupiter en personne avait arrêté la fuite des Romains, où Castor et Pollux étaient venus combattre à cheval, où l'on avait coupé un caillou avec un rasoir, et où Simon Barjone, surnommé Pierre, disputa de miracles avec Simon le magicien, etc.

Il n'y a guère de poison dont on ne puisse prévenir les suites en le combattant incontinent. Il n'y a point de médecine qui ne soit un poison quand la dose est trop forte.

Toute indigestion est un empoisonnement.

Un médecin ignorant et même savant, mais inattentif, est souvent un empoisonneur; un bon cuisinier est à coup sûr un empoisonneur à la longue, si vous n'êtes pas tempérant.

Un jour le marquis d'Argenson, ministre d'état

DICTIONN. PHILOS. T. IV.

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au département étranger, lorsque son frère était ministre de la guerre, reçut de Londres une lettre d'un fou (comme les ministres en reçoivent à chaque poste): ce fou proposait un moyen infaillible d'empoisonner tous les habitans de la capitale d'Angleterre. « Ceci ne me regarde pas, nous « dit le marquis d'Argenson; c'est un placet à mon «< frère. »

ENCHANTEMENT.

Magie, Évocation, Sortilége, etc.

Il n'est guère vraisemblable que toutes ces abominables absurdités viennent, comme le dit Pluche, des feuillages dont on couronna autrefois les têtes d'Isis et d'Osiris. Quel rapport ces feuillages pouvaient-ils avoir avec l'art d'enchanter les serpens, avec celui de ressusciter un mort, ou de tuer des hommes avec des paroles, ou d'inspirer de l'amour, ou de métamorphoser des hommes en bêtes ?

Enchantement, incantatio, vient, dit-on, d'un mot chaldéen que les Grecs avaient traduit par éπon yovela, chanson productrice, Incantatio vient de Chaldée! allons, les Bochart! vous êtes de grands voyageurs; vous allez d'Italie en Mésopotamie en un clin d'oeil; vous courez chez le grand et savant peuple hébreu; vous en rapportez tous

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