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grande raison, disait-il, c'est qu'il était allié par les femmes à un parent de l'évêque de Meaux, Bossuet, auteur d'un discours éloquent sur l'Histoire non universelle; mais ce n'est pas là une raison péremptoire.

Gardez-vous des contes bleus en tout genre.

Diodore de Sicile fut le plus grand compilateur de ces contes. Ce Sicilien n'avait pas un esprit de la trempe de son compatriote Archimède, qui chereha et trouva tant de vérités mathématiques.

Diodore examine sérieusement l'histoire des Amazones et de leur reine Myrine; l'histoire des Gorgones qui combattirent contre les Amazones; celle des Titans, celle de tous les dieux. Il approfondit l'histoire de Priape et d'Hermaphrodite. On ne peut donner plus de détails sur Hercule: ce héros parcourt tout l'hémisphère, tantôt à pied et tout seul comme un pèlerin, tantôt comme un général à la tête d'une grande armée. Tous ses travaux y sont fidèlement discutés; mais ce n'est rien en comparaison de l'histoire des dieux de Crète.

Diodore justifie Jupiter du reproche que d'autres graves historiens lui ont fait, d'avoir détrôné et mutilé son père. On voit comment ce Jupiter alla combattre des géans, les uns dans son île, les autres en Phrygie, et ensuite en Macédoine et en Italie.

Aucun des enfans qu'il eut de sa sœur Junon et de ses favorites, n'est omis.

On voit ensuite comment il devint dieu, et dieu suprême.

C'est ainsi que toutes les histoires anciennes ont été écrites. Ce qu'il y a de plus fort, c'est qu'elles étaient sacrées; et en effet, si elles n'avaient pas été sacrées, elles n'auraient jamais été lues.

Il n'est pas mal d'observer que, quoiqu'elles fussent sacrées, elles étaient toutes différentes; et de province en province, d'ile en île, chacune avait une histoire des dieux, des demi-dieux et des héros, contradictoire avec celle de ses voisins; mais aussi ce qu'il faut bien observer, c'est que les peuples ne se battirent jamais pour cette mythologie.

L'histoire honnête de Thucydide, et qui a quelques lucyrs de vérité, commence à Xerxès; mais avant cette époque, que de temps perdu!

DIRECTEUR.

Ce n'est ni d'un directeur de finances, ni d'un directeur d'hôpitaux, ni d'un directeur des bâtimens du roi, etc., etc., que je prétends parler, mais d'un directeur de conscience; car celui-là dirige tous les autres; il est le précepteur du genre humain. Il sait et enseigne ce qu'on doit faire et ce

qu'on doit omettre, dans tous les cas possibles. Il est clair qu'il serait utilé que dans toutes les cours il y eût un homme consciencieux, que le monarque consultât en secret dans plus d'une oor casion, et qui lui dît hardiment: Non licet. Louisle-Juste n'aurait pas commencé son triste et malheureux règne, par assassiner son premier ministre et par emprisonner sa mère. Que de guerres aussi funestes qu'injustes de bons directeurs nous auraient épargnées! que de cruautés ils auraient prévenues!

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Mais souvent on croit consulter un agneau, et on consulte un renard. Tartufe était le directeur d'Orgon. Je voudrais bien savoir quel fut le directeur de conscience qui conseilla la Saint-Barthélemi.

Il n'est pas plus parlé de directeurs que de confesseurs dans l'Évangile. Chez les peuples que notre courtoisie ordinaire nomme païens, nous ne voyons pas que Scipion, Fabricius, Caton, Titus, Trajan, lès Antonin, eussent des directeurs. Il est bon d'avoir un ami scrupuleux, qui vous rappelle à vos devoirs; mais votre conscience doit être le chef de votre conseil.

Un huguenot fut bien étonné,quand une dame catholique lui apprit qu'elle avait un confesseur pour l'absoudre de ses péchés, et un directeur pour l'empêcher d'en commettre. Comment votre

vaisseau, lui dit-il, madame, a-t-il

souvent, ayant deux si bons pilotes?

pu

faire eau si

Les doctes observent qu'il n'appartient pas à tout le monde d'avoir un directeur. Il en est de cette charge dans une maison, comme de celle d'écuyer; cela n'appartient qu'aux grandes dames. L'abbé Gobelin, homme processif et avide, ne dirigeait que madame de Maintenon. Les directeurs à la ville servent souvent quatre ou cinq dévotes à la fois; ils les brouillent tantôt avec leurs maris, tantôt avec leurs amans, et remplissent quelquefois les places vacantes.

Pourquoi les femmes ont-elles des directeurs et les hommes n'en ont-ils point? c'est par la raison que madame de La Vallière se fit carmélite quand elle fut quittée par Louis XIV, et que M. de Turenne étant trahi par madame de Coetquen ne se fit

moine.

pas

Saint Jérôme et Rufin son antagoniste étaient grands directeurs de femmes et de filles; ils ne trouvèrent pas un sénateur romain, pas un tribun militaire à gouverner. Il faut à ces gens-là du devoto femineo sexu. Les hommes ont pour eux trop de barbe au menton, et souvent trop de force dans l'esprit. Boileau a fait, dans la Satire des Femmes, le portrait d'un directeur :

Nul n'est si bien soigné qu'un directeur de femmes.
Quelque léger dégoût vient-il le travailler,

Une froide vapeur le fait-elle bâiller,

Un escadron coiffé d'abord court à son aide :

L'une chauffe un bouillon, l'autre apprête un remède;
Chez lui sirops exquis, ratafias vantés,

Confitures, surtout, volent de tous côtés, etc.

Ces vers sont bons pour Brossette. Il y avait, ce me semble, quelque chose de mieux à nous dire.

DISPUTE.

On a toujours disputé, et sur tous les sujets: Mundum tradidit disputationi eorum 1. Il y a eu de violentes querelles pour savoir si le tout est plus grand que sa partie; si un corps peut être en plusieurs endroits à la fois; si la matière est toujours impénétrable; si la blancheur de la neige peut subsister sans neige; si la douceur du sucre peut se faire sentir sans sucre; si on peut penser sans tête.

Je ne fais aucun doute que, dès qu'un janséniste aura fait un livre pour démontrer que deux et un font trois, il ne se trouve un moliniste qui démontre que deux et un font cinq.

Nous avons cru instruire le lecteur et lui plaire en mettant sous ses yeux cette, pièce de vers sur les disputes. Elle est fort connue de tous les gens de goût de Paris; mais elle ne l'est point des savans, qui disputent encore sur la prédestination

'Ecclésiaste, chap. III, v. II.

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