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des choses cachées et obscures, qu'au jugement de Dieu on ne vous reprochera point d'avoir ignorées?

C'est une grande folie de négliger ce qui est utile et nécessaire, pour s'appliquer curieusement à ce qui nuit. Nous avons des yeux, et nous ne voyons point.

2. Que nous importe tout ce qu'on dit sur les genres et sur les espèces?

Celui à qui parle le Verbe éternel est délivré de bien des opinions.

Tout vient de ce Verbe unique de lui procède toute parole, il en est le principe, et c'est lui qui parle en dedans de nous'.

Sans lui nulle intelligence; sans lui nul jugement n'est droit.

Celui pour qui une seule chose est tout, qui rappelle tout à cette unique chose, et voit tout en elle, ne sera point ébranlé, et son cœur demeurera dans la paix de Dieu.

O vérité, qui êtes Dieu, faites que je sois un avec vous dans un amour éternel.

Souvent j'éprouve un grand ennui à force de lire et d'entendre: en vous est tout ce que je désire, tout ce que je veux.

Que tous les docteurs se taisent: que toutes les créatures soient dans le silence devant vous parlez-moi vous seul.

3. Plus un homme est recueilli en luimême, et dégagé des choses extérieures, plus

1 Joan. VIII, 23.

son esprit s'étend et s'élève sans aucun travail, parce qu'il reçoit d'en haut la lumière de l'intelligence.

Une âme pure, simple, ferme dans le bien, n'est jamais dissipée au milieu même des plus nombreuses occupations, parce qu'elle fait tout pour honorer Dieu, et que, tranquille en elle-même, elle tâche de ne se rechercher en rien.

Qu'est-ce qui vous fatigue et vous trouble, si ce n'est les affections immortifiées de votre cœur ?

4. L'homme bon et vraiment pieux dispose d'abord au dedans de lui tout ce qu'il doit faire au dehors: il ne se laisse point entraîner, dans ses actions, au désir d'une inclination vicieuse mais il les soumet à la règle d'une droite raison.

:

Qui a un plus rude combat à soutenir que celui qui travaille à se vaincre ?

C'est là ce qui devrait nous occuper uniquement combattre contre nous-mêmes, devenir chaque jour plus forts contre nous, chaque jour faire quelques progrès dans lé bien.

Toute perfection, dans cette vie, est mêlée de quelque imperfection; et nous ne voyons rien qu'à travers une certaine obscurité.

L'humble connaissance de vous-même est une voie plus sûre pour aller à Dieu, que les recherches profondes de la science.

Ce n'est pas qu'il faille blâmer la science, ni

la simple connaissance d'aucune chose car elle est bonne en soi et dans l'ordre de Dieu; seulement on doit préférer toujours une conscience pure et une vie sainte.

Mais parce que plusieurs s'occupent davantage de savoir que de bien vivre, ils s'égarent souvent, et ne retirent que peu ou point de fruit de leur travail.

5. Oh! s'ils avaient autant d'ardeur pour extirper leurs vices et pour cultiver la vertu, que pour remuer de vaines questions, on ne verrait pas tant de maux et de scandales dans le peuple, ni tant de relâchement dans les monastères.

Certes, au jour du jugement on ne nous demandera point ce que nous avons lu, mais ce que nous avons fait; ni si nous avons bien parlé, mais si nous avons bien vécu.

Dites-moi où sont maintenant ces maîtres et ces docteurs que vous avez connus, lorsqu'ils vivaient encore, et qu'ils fleurissaient dans leur science?

D'autres occupent à présent leurs places, et je ne sais s'ils pensent seulement à eux.

Ils semblaient, pendant leur vie, être quelque chose, et maintenant on n'en parle plus.

Oh! que la gloire du monde passe vite! Plût à Dieu que leur vie eût répondu à leur science! Ils auraient lu alors et étudié avec fruit.

Qu'il y en a qui se perdent dans le siècle par une vaine science, et par l'oubli du ser vice de Dieu !

Et parce qu'ils aiment mieux être grands que d'être humbles, ils s'évanouissent dans leurs pensées.

Celui-là est vraiment grand, qui a une grande charité.

Celui-là est vraiment grand, qui est petit à ses propres yeux, et pour qui les honneurs du monde ne sont qu'un pur néant.

Celui-là est vraiment sage, qui, pour gagner Jésus-Christ, regarde comme de la boue toutes les choses de la terre1.

Celui-là possède la vraie science, qui fait la volonté de Dieu, et renonce à la sienne.

RÉFLEXION.

Il y a deux doctrines, mais il n'y a qu'une vérité. Il y a deux doctrines, l'une de Dieu, immuable comme lui; l'autre, de l'homme, changeante comme lui. La sagesse incréée, le Verbe divin répand la première dans les âmes préparées à la recevoir; et la lumière qu'elle leur communique est une partie de lui-même, de la vérité substantielle et toujours vivante. Offerte à tous, elle est donnée avec plus d'abondance à l'humble de cœur ; et comme elle ne vient pas de lui, qu'elle peut à chaque instant lui être retirée, qu'elle ne dépend en aucune façon de l'intelligence qu'elle éclaire, il la possède sans être tenté de vaine complaisance dans sa possession. La doctrine de l'homme, au contraire, flatte son orgueil, parce qu'il en est le père. « Cette idée m'appartient; j'ai «dit cela le premier; on ne savait rien là-dessus avant << moi. » Esprit superbe, voilà ton langage. Mais bientôt on conteste à cette puissante raison ce qui fait sa joie; on rit de ses idées fausses qu'elle a crues vraies, de

1 Philipp. III, 8.

ses découvertes imaginaires : le lendemain on n'y pense plus, et le temps emporte jusqu'au nom de l'insensé qui ne vécut que pour être immortel sur la terre. O Jésus, daignez mettre en moi votre vérité sainte et qu'elle me préserve à jamais des égarements de mon propre esprit !

CHAPITRE IV.

De la Prévoyance dans les actions.

1. Il ne faut pas croire à toute parole, ni obéir à tout mouvement intérieur ; mais peser chaque chose selon Dien, avec prudence et avec une longue attention.

Hélas! nous croyons et nous disons plus facilement des autres le mal que le bien, tant nous sommes faibles!

Mais les parfaits n'ajoutent pas foi aisément à tout ce qu'ils entendent, parce qu'ils connaissent l'infirmité de l'homme, enclin au mal et léger dans ses paroles.

2. C'est une grande sagesse que de ne point agir avec précipitation, et de ne pas s'attacher obstinément à son propre sens.

Il est encore de la sagesse de ne pas croire indistinctement tout ce que les hommes disent; et ce qu'on a entendu ou cru, de ne point aller aussitôt le rapporter aux autres.

Prenez conseil d'un homme sage et de conscience; et laissez-vous guider par un autre

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