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y en a plus dans les autres, afin de conserver l'humilité.

Vous ne hasardez rien à vous mettre audessous de tous: mais il vous serait très-nuisible de vous préférer à un seul.

L'homme humble jouit d'une paix inaltérable; la colère et l'envie troublent le cœur du superbe.

RÉFLEXION.

En considérant la faiblesse de l'homme, la fragilité de sa vie, les souffrances dont il est assailli de toutes parts, les ténèbres de sa raison, les incertitudes de sa volonté inclinée au mal dès l'enfance on s'étonne qu'un seul mouvement d'orgueil puisse s'élever dans une créature si misérable; et cependant l'orgueil est le fond même de notre nature dégradée. Selon la pensée d'un Père, il nous sépare de la sagesse; il fait que nous voulons étre nous-mêmes notre bien, comme Dieu lui-même est son bien 2: tant il y a de folie dans le crime! C'est alors que l'homme se recherche et s'admire dans tout ce qui le distingue des autres et l'agrandit à ses propres yeux, dans les avantages du corps, de l'esprit, de la naissance, de la fortune, do la grâce même, abusant ainsi à la fois des dons du créateur et du rédempteur. Oh! que ce désordre est effrayant et combien nous devons trembler lorsque nous découvrons en nous un sentiment de vaine complaisance, ou qu'il nous arrive de nous préférer à l'un de nos frères! Rappelons-nous souvent le pharisien de l'Evangile, sa fausse piété, si contente d'elle-même et si coupable devant Dieu, son mépris pour le publicain qui s'en alla justifié à cause de l'humble aveu de sa misère, et disons au fond du cœur avec celui-ci: Mon Dieu, ayez pitié de moi pauvre pécheur 3!

1 Gen. VIII, 21.-2 S. Aug. de lib. arbitr., lib. III, cap. XXIV. 3 Luc, XVIII, 13.

CHAPITRE VIII.

Éviter la trop grande familiarité.

1. N'ouvrez pas votre cœur à tous indistinctement1; mais confiez ce qui vous touche à l'homme sage et craignant Dieu.

Ayez peu de commerce avec les jeunes gens et les personnes du monde.

Ne flattez point les riches, et ne désirez point de paraître devant les grands.

Recherchez les humbles, les simples, les personnes de piété et de bonnes mœurs; et ne vous entretenez que de choses édifiantes.

N'ayez de familiarité avec aucune femme ; mais recommandez à Dieu toutes celles qui sont vertueuses.

Ne souhaitez d'être familier qu'avec Dieu et les Anges, et évitez d'être connu des hommes.

2. Il faut avoir de la charité pour tout le monde; mais la familiarité ne convient point. Il arrive que, sans la connaître, on estime une personne sur sa bonne réputation : et en se montrant, elle détruit l'opinion qu'on avait d'elle.

Nous nous imaginons quelquefois plaire aux autres par nos assiduités; et c'est plutôt alors que nous commençons à leur déplaire par les défauts qu'ils découvrent en nous.

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RÉFLEXION.

Il faut se prêter aux hommes, et ne se donner qu'à Dieu. Un commerce trop étroit avec la créature partage l'âme et l'affaiblit: elle doit vivre plus haut. Notre conversation est dans le ciel, dit l'Apôtre 1.

CHAPITRE IX.

De l'obéissance et du renoncement à son propre sens.

1. C'est quelque chose de bien grand que de vivre sous un supérieur, dans l'obéissance, et de ne pas dépendre de soi-même..

Il est beaucoup plus sûr d'obéir que de commander.

Quelques-uns obéissent plutôt par nécessité que par amour; et ceux-là, toujours souffrants, sont portés au murmure. Jamais ils ne posséderont la liberté d'esprit, à moins qu'ils ne se soumettent de tout leur cœur, à cause de Dieu.

Allez où vous voudrez, vous ne trouverez de repos que dans une humble soumission à la conduite d'un supérieur. Plusieurs, s'imaginant qu'ils seraient meilleurs en d'autres lieux, ont été trompés par cette idée de changement.

2. Il est vrai que chacun aime à suivre son propre sens, et à plus d'inclination pour ceux qui pensent comme lui.

↑ Philipp, 111, 20.

Mais si Dieu est au milieu de nous, il est quelquefois nécessaire de renoncer à notre sentiment pour le bien de la paix.

Quel est l'homme si éclairé, qu'il sache tout parfaitement ?

Ne vous fiez donc pas trop à votre sentiment; mais écoutez aussi volontiers celui des autres.

Si votre sentiment est bon, et qu'à cause de Dieu vous l'abandonniez pour en suivre un autre. vous en retirerez plus d'avantage.

3. J'ai souvent ouï dire qu'il est plus sûr d'écouter et de recevoir un conseil, que de le donner.

Car il peut arriver que le sentiment de chacun soit bon: mais ne vouloir pas céder aux autres, lorsque l'occasion ou la raison le demande, c'est la marque d'un esprit superbe et opiniâtre.

RÉFLEXION.

Le Christ s'est rendu obéissant jusqu'à la mort, et à la mort de la croix 1. Qui oserait après cela refuser d'obéir? Nul ordre dans le monde, nulle vie que par l'obéissance: elle est le lien des hommes entre eux et avec leur auteur, le fondement de la paix et le principe de l'harmonie universelle. La famille, la cité, l'Eglise ou la grande société des intelligences, ne subsistent que par elle, et la perfection la plus haute n'est, pour les créatures, qu'une plus parfaite obéissance, elle seule nous garantit de l'erreur et du péché. Qu'est-ce que l'erreur? la pensée d'un esprit faillible, qui ne reconnaît point de maître et n'obéit qu'à

1 Philipp., II, 8.

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soi. Qu'est-ce que le péché? l'acte d'une volonté corrompue, qui ne reconnaît point de maître et n'obéit qu'à soi. Mais à qui devrons-nous obéir? à un homme comme nous? Non, non, l'homme n'a sur l'homme aucun légitime empire; son pouvoir n'est que la force, et quand il commande en son propre nom il usurpe insolemment un droit qui ne lui appartient en aucune manière. Dieu est l'unique monarque, et toute autorité légitime est un écoulement, une participation de sa puissance éternelle, infinie. Ainsi, comme l'enseigne l'Apôtre, le pouvoir vient de Dieu 1, et il est soumis à une règle divine, aussi bien dans l'ordre temporel que dans l'ordre religieux; de sorte qu'en obéissant au pontife, au prince, au père, à quiconque est réellement le ministre de Dieu pour le bien 2, c'est à Dieu seul qu'on obéit. Heureux celui qui comprend cette céleste doctrine : délivré de la servitude de l'erreur et des passions, de la servitude de l'homme, il jouit de la vraie liberté des enfants de Dieu 3.

CHAPITRE X.

Qu'il faut éviter les entretiens inutiles.

1. Evitez, autant que vous pourrez, le tumulte du monde; car il y a du danger à s'entretenir des choses du siècle, même avec une intention pure.

Bientôt la vanité souille l'âme, et la captive. Je voudrais souvent m'être tû, et ne m'être point trouvé avec des hommes.

D'où vient que nous aimons tant à parler et à converser, lorsque si rarement il arrive 1 Rom., XIII, 1. — 2 Ibid.

3 Ibid., VIII,

21.

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