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que nous rentrions dans le silence avec une conscience qui ne soit pas blessée ?

C'est que nous cherchons dans ces entretiens une consolation mutuelle, et un soulagement pour notre cœur fatigué de pensées diverses.

Nous nous plaisons à parler, à occuper notre esprit de ce que nous aimons, de ce que nous souhaitons, de ce qui contrarie nos désirs.

2. Mais souvent, hélas! bien vainement : car cette consolation extérieure n'est pas un médiocre obstacle à la consolation que Dieu donne intérieurement.

Il faut donc veiller et prier, afin que le temps ne se passe pas sans fruit.

S'il est permis, s'il convient de parler, parlez de ce qui peut édifier.

La mauvaise habitude et le peu de soin de notre avancement, nous empêchent d'observer notre langue.

Cependant, de pieuses conférences sur les choses spirituelles, entre des personnes unies selon Dieu et animées d'un même esprit, servent beaucoup au progrès dans la perfection.

RÉFLEXION.

Il est écrit que nous rendrons compte, au jour du jugement, même d'une parole oiseuse 1. Ne nous étonnons pas de tant de rigueur : tout est sérieux dans la vie humaine, dont chaque moment peut avoir de si

Matth., XII, 36.

formidables conséquences. Ce temps que vous dissi. pez en des entretiens inutiles, vous était donné pour gagner le ciel. Comparez la fin pour laquelle vous l'avez reçu avec l'usage que vous en faites; et cependant que savez-vous s'il vous sera seulement accordé une heure de plus ?

CHAPITRE XI.

Des moyens d'acquérir la paix intérieure, et du soin

d'avancer dans la vertu.

Nous pourrions jouir d'une grande paix, si nous voulions ne nous point occuper de ce que disent et de ce que font les autres, et de ce dont nous ne sommes point chargés.

Comment peut-il être longtemps en paix, celui qui s'embarrasse de soins étrangers, qui cherche à se répandre au dehors, et ne se recueille que peu ou rarement en lui-même ?

Heureux les simples, parce qu'ils posséderont une grande paix !

2. Comment quelques Saints se sont-ils élevés à un si haut degré de vertu et de contemplation?

C'est qu'ils se sont efforcés de mourir à tous les désirs de la terre, et qu'ils ont pu ainsi s'unir à Dieu par le fond le plus intime de leur cœur, et s'occuper librement d'eux-mêmes.

Pour nous, nous sommes trop à nos passions, et trop inquiets de ce qui se passe. Rarement nous surmontons parfaitement

un seul vice; nous n'avons point d'ardeur pour faire chaque jour quelque progrès, et ainsi nous restons tièdes et froids.

3. Si nous étions tout à fait morts à nousmêmes, et moins préoccupés au dedans de nous, alors nous pourrions aussi goûter les choses de Dieu, et acquérir quelque expérience de la céleste contemplation.

Le plus grand, l'unique obstacle, c'est qu'asservis à nos passions et à nos convoitises, nous ne faisons aucun effort pour entrer dans la voie parfaite des Saints.

Et, s'il arrive que nous éprouvions quelque légère adversité, nous nous laissons aussitôt abattre, et nous recourons aux consolations humaines.

4. Si, tels que des soldats généreux, nous demeurions fermes dans le combat, nous verrions certainement le secours de Dieu descendre sur nous du Ciel.

Car il est toujours prêt à aider ceux qui résistent, et qui espèrent en sa grâce; et c'est lui qui nous donne des occasions de combattre, afin de nous rendre victorieux.

Si nous plaçons uniquement le progrès de la vie chrétienne dans les observances extérieures, notre dévotion sera de peu de durée.

Mettons donc la cognée à la racine de l'arbre, afin que, dégagés des passions, nous possédious notre âme en paix.

5. Ei nous déracinions chaque année un seul vice, bientôt nous serions parfaits.

Mais nous sentons souvent au contraire que nous étions meilleurs, et que notre vie était plus pure, lorsque nous quittâmes le siècle, qu'après plusieurs années de profession.

Nous devrions croître chaque jour en ferveur et en vertu, et maintenant on compte pour beaucoup d'avoir conservé une partie de sa ferveur.

Si nous nous faisions d'abord un peu de violence, nous pourrions tout faire ensuite aisément et avec joie.

6. Il est dur de renoncer à ses habitudes; mais il est plus dur encore de courber sa propre volonté.

Cependant si vous ne savez pas vous vaincre en des choses légères, comment remporterez-vous des victoires plus difficiles?

Résistez dès le commencement à votre inclination rompez sans aucun retard toute habitude mauvaise, de peur que peu à peu elle ne vous engage dans de plus grandes difficultés.

Oh! si vous considériez quelle paix pour vous, quelle joie pour les autres, en vivant comme vous le dévez, vous auriez, je crois, plus d'ardeur pour votre avancement spirituel.

RÉFLEXION.

Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix, non comme le monde la donne 1. Quelle aimable dou ceur, quel touchant amour dans ces paroles de Jésus1 Joan., XIV, 27.

Christ, et en même temps quelle instruction profonde. Tous les hommes souhaitent la paix, mais il y a deux paix, la paix de Jésus-Christ et la paix du monde. Le monde dit à l'ambitieux : Le désir des grandeurs te trouble et t'agite, monte, élève-toi. Il dit à l'avare: L'envie des richesses te dévore, amasse, amasse, sans t'arrêter jamais. Il dit au mondain tourmenté de ses convoitises: Enivre-toi de tous les plaisirs. Il dit enfin à chaque passion: Jouis et tu auras la paix. Promesse menteuse Les soucis, la tristesse, l'inquiétude, le dégoût, les remords, voilà la paix du monde. Jésus dit: Triomphez de vous-même, combattez vos désirs, domptez vos convoitises, brisez vos passions: et l'âme docile à ses commandements repose dans un calme ineffable. Les peines de la vie, les souffrances, les injustices, les persécutions, rien n'altère sa paix; et cette céleste paix, qui surpasse tout sentiment 1, l'accompagne au dernier passage, et la suit jusqu'au ciel où se consommera sa félicité.

CHAPITRE XII.

De l'avantage de l'adversité.

1. Il nous est bon d'avoir quelquefois des peines et des traverses, parce que souvent elles rappellent l'homme à son cœur, et lui font sentir qu'il est en exil, et qu'il ne doit mettre son espérance en aucune chose du monde.

Il nous est bon de souffrir quelquefois des contradictions, et qu'on pense mal, ou peu favorablement de nous, quelque bonnes que 1 Philipp., IV, 7.

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