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Il est peu difficile d'être pieux et fervent, lorsque l'on n'éprouve rien de pénible; mais celui qui se soutient avec patience au temps. de l'adversité, donne l'espoir d'un grand avancement.

Quelques-uns surmontent les grandes tentations et succombent tous les jours aux petites, afin qu'humiliés d'être si faibles dans les moindres occasions, ils ne présument jamais d'eux-mêmes dans les grandes.

RÉFLEXION.

Nul homme n'est exempt de tentations. Elles nous purifient, nous éprouvent, nous instruisent, nous humilient. Ce n'est pas seulement par la fuite ou par une résistance violente qu'on en triomphe, mais par une patience tranquille et un confiant abandon entre les mains de Dieu. Veillons cependant, selon le précepte de Jésus-Christ, Veillons et prions 1. On surmonte aisément la tentation naissante; mais si on la laisse croître et se fortifier, on porte, en succombant, la peine de sa négligence ou de sa présomption. Voulez-vous réellement vaincre? Repoussez l'ennemi dès sa première attaque. Voulez-vous retirer du combat l'avantage en vue duquel Dieu permet que nous soyons tentés? Reconnaissez votre misère, votre faiblesse, votre impuissance; et humiliez-vous de plus. en plus. L'humilité est le fondement de notre sûreté, de notre paix et de toute perfection.

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CHAPITRE XIV.

Éviter les jugements téméraires, et ne se point

rechercher soi-même.

et

1. Tournez les yeux sur vous-même, et gardez-vous de juger les actions des autres. En jugeant les autres, l'homme se fatigue vainement il se trompe le plus souvent, commet beaucoup de fautes; mais en s'examinant et se jugeant lui-même, il travaille toujours avec fruit.

:

D'ordinaire nous jugeons des choses selon l'inclination de notre cœur, car l'amour-propre altère aisément en nous la droiture du jugement.

Si nous n'avions jamais en vue que Dieu seul, nous serions moins troublés quand on résiste à notre sentiment.

2. Mais souvent il y a quelque chose hors de nous, ou de caché en nous, qui nous entraîne. Plusieurs se recherchent secrètement euxmêmes dans ce qu'ils font, et ils l'ignorent.

Ils semblent affermis dans la paix, lorsque tout va selon leurs désirs; mais éprouvent-ils des contradictions, aussitôt ils s'émeuvent, et tombent dans la tristesse.

La diversité des opinions produit souvent des dissensions entre les amis, entre les ci

toyens, et même entre les religieux et les personnes dévotes.

3. On quitte difficilement une vieille habitude; et nul ne se laisse volontiers conduire au-delà de ce qu'il voit.

Si vous vous appuyez sur votre esprit et sur votre pénétration, plus que sur la soumission dont Jésus-Christ nous a donné l'exemple, Vous serez très-peu et très-tard éclairé dans la vie spirituelle: car Dieu veut que nous lui soyons parfaitement soumis, et que nous nous élevions au-dessus de toute raison par un ardent amour.

RÉFLEXION.

Il y a en nous une secrète malice qui se complaît à découvrir les imperfections de nos frères : et voilà pourquoi nous sommes si prompts à les juger, oubliant qu'à Dieu seul appartient le jugement des cœurs. Au lieu de scruter si curieusement la conscience d'autrui, descendons dans la nôtre; nous y trouverons assez de motifs d'être indulgents envers le prochain et de troubles pour nous-même. Vous n'êtes chargé que de vous, vous ne répondrez que de vous; Ne jugez donc point, afin que vous ne soyez point jugé 1.

CHAPITRE XV.

Des œuvres de charité.

1. Pour nulle chose au monde, ni pour l'amour d'aucun homme, on ne doit faire le 1 Matth., VII, 2.

moindre mal; on peut quelquefois cependant, pour rendre un service dans le besoin, différer une bonne œuvre, ou lui en substituer une meilleure car alors le bien n'est pas détruit, mais il se change en un plus grand.

Aucune œuvre extérieure ne sert sans la charité; mais tout ce qui se fait par la charité, quelque petit et quelque vil qu'il soit, produit des fruits abondants.

Car Dieu regarde moins à l'action qu'au motif qui fait agir.

2. Celui-là fait beaucoup, qui aime beaucoup.

Celui-là fait beaucoup, qui fait bien ce qu'il fait; et il fait bien lorsqu'il subordonne sa volonté à l'utilité publique.

Ce qu'on prend pour la charité, souvent n'est que la convoitise; car il est rare que l'inclination, la volonté propre, l'espoir de la récompense, ou la vue de quelque avantage particulier, n'influe pas sur nos actions.

3. Celui qui possède la charité véritable et parfaite, ne se recherche en rien; mais son unique désir est que la gloire de Dieu s'opère en toute chose.

Il ne porte envie à personne, parce qu'il ne souhaite aucune faveur particulière, ne met point sa joie en lui-même, et que, dédaignant tous les autres biens, il ne cherche qu'en Dieu son bonheur.

Il n'attribue jamais aucun bien à la créature i les rapporte tous à Dieu de qui ils

découlent comme de leur source, et dans la jouissance duquel tous les Saints se reposent à jamais comme dans leur fin dernière.

Oh! qui aurait une étincelle de la vraie charité, que toutes les choses de la terre lui paraîtraient vaines !

RÉFLEXION.

Presque toutes les actions des hommes partent d'un principe vicié, de cette triple concupiscence dont parle saint Jean 1, et contre laquelle la vie chrétienne n'est qu'un perpétuel combat. L'amour déréglé de soi, si difficile à vaincre entièrement, corrompt trop souvent les œuvres mêmes en apparence les plus pures. Que de travaux, que d'aumônes, que de pénitences, dans lesquelles on se confie peut-être, seront stériles pour le cicl! Dieu ne se donne qu'à ceux qui l'aiment; il est le prix de la charité, de cet amour inénarrable sans bornes et sans mesure, qui, tandis que tout le reste passe, demeure éternellement, dit saint Paul 2. Amour, qui seul faites les saints, amour qui étes Dieu méme, pénétrez, possédez, transformez en vous toutes les puissances de mon âme, soyez ma vie, mon unique vie, et maintenant, et à jamais dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il!

CHAPITRE XVI.

Qu'il faut supporter les défauts d'autrui.

1. Ce que l'homme ne peut corriger en soi ou dans les autres, il doit le supporter avec 1 I. Joan., II, 16. — 2 I. C)r., XIII, 8.- 3 I. Joan., IV, 16.

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