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Les uns nous sont nécessaires au temps de la tentation, les autres au temps de la paix et

du repos. Autres sont les pensées qui nous plaisent dans la tristesse, ou quand nous éprouvons de la joie en Dieu.

6. Il faut, vers l'époque des grandes fêtes, renouveler nos pieux exercices, et implorer avec plus de ferveur les suffrages des Saints. Proposons-nous de vivre d'une fête à l'autre, comme si nous devions alors sortir de ce monde, et entrer dans l'éternelle fête.

Et pour cela préparons-nous avec soin dans ces saints temps, par une vie plus fervente, par une plus sévère observance des règles, comme devant bientôt recevoir de Dieu le prix de notre travail.

7. Et si ce moment est différé, croyons que nous ne sommes pas encore bien préparés, ni dignes de cette gloire immense qui nous sera découverte en son temps, et redoublons d'efforts pour nous mieux disposer à ce passage.

Heureux le serviteur, dit saint Luc, que le Seigneur, quand il viendra, trouvera veillant. Je vous dis, en vérité, qu'il l'établira sur tous ses biens 1.

RÉFLEXION.

La vie de l'homme sur la terre est un combat perpétuel 2 contre le démon, contre le monde et contre lui-même. Les uns se retirent dans le cloître pour résister plus aisément, les autres demeurent au milieu

1 Luc., XII, 37. 2 Job, VII,

1.

du siècle : mais tous ne peuvent vaincre que par l'exercice d'une continuelle vigilance. L'habitude du recueillement, l'amour de la retraite, une attention constante sur ses paroles, ses pensées, ses sentiments, la fidélité aux plus légers devoirs et aux plus humbles pratiques, préservent de grandes tentations, et attirent les grâces du Ciel. Celui qui néglige les petites choses, tomberu peu à peu 1, dit l'Esprit saint.

CHAPITRE XX.

De l'amour de la solitude et du silence.

1. Cherchez un temps propre à vous occuper de vous-même; et pensez souvent aux bienfaits de Dieu.

Laissez là ce qui ne sert qu'à nourrir la curiosité. Lisez plutôt ce qui touche le cœur, que ce qui amuse l'esprit.

Retranchez les discours superflus, les courses inutiles; fermez l'oreille aux vains bruits du monde, et vous trouverez assez de loisir pour les saintes méditations.

Les plus grands Saints évitaient, autant qu'il leur était possible, le commerce des hommes, et préféraient vivre en secret avec Dieu.

2. Un ancien a dit : Toutes les fois que j'ai été dans la compagnie des hommes, j'en suis revenu moins homme que je n'étais.

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C'est ce que nous éprouvons souvent, lorsque nous nous livrons à de longs entretiens. Il est plus aisé de se taire que de ne point excéder dans ses paroles.

Il est plus aisé de se tenir chez soi caché, que de se garder de soi-même suffisamment au dehors.

Celui donc qui aspire à la vie intérieure et spirituelle doit se retirer de la foule avec Jé

sus.

Nul ne se montre sans péril, s'il n'aime à demeurer caché.

Nul ne parle avec mesure, s'il ne se tait volontiers.

Nul n'est en sûreté dans les premières places, s'il n'aime les dernières.

Nul ne commande sans danger, s'il n'a pas appris à bien obéir.

3. Nul ne se réjouit avec sécurité, s'il ne possède en lui-même le témoignage d'une bonne conscience.

Cependant la confiance des Saints a toujours été pleine de la crainte de Dieu quel que fût l'éclat de leurs vertus, quelque abondantes que fussent leurs grâces, ils n'en étaient ni moins humbles ni moins vigilants.

L'assurance des méchants naît au contraire de l'orgueil et de la présomption, et finit par l'aveuglement.

Ne vous promettez point de sûreté en cette vie, quoique vous paraissiez être un saint religieux ou un pieux solitaire.

4. Souvent les meilleurs dans l'estime des hommes ont couru les plus grands dangers, à cause de leur trop de confiance.

Il est donc utile à plusieurs de n'être pas entièrement délivrés des tentations, et de souffrir des attaques fréquentes; de peur que, tranquilles sur eux-mêmes, ils ne s'élèvent avec orgueil, ou qu'ils ne se livrent trop aux consolations du dehors.

Oh! si l'on ne recherchait jamais les joies qui passent, si jamais l'on ne s'occupait du monde, qu'on posséderait une conscience pure!

Oh! qui retrancherait toute sollicitude vaine, ne pensant qu'au salut et à Dieu, et plaçant en lui toute son espérance, de quelle paix et de quel repos il jouirait!

5. Nul n'est digne des consolations célestes, s'il ne s'est exercé longtemps dans la sainte componction.

Si vous désirez la vraie componction du cœur, entrez dans votre cellule, et bannissezen le bruit du monde, selon ce qui est écrit: Même sur votre couche, que votre cœur soit plein de componction'.

Vous trouverez dans votre cellule ce que souvent vous perdrez au dehors.

La cellule qu'on quitte peu devient douce; fréquemment délaissée, elle engendre l'ennui. Si, dès le premier moment où vous sortez du siècle, vous êtes fidèle à la garder, elle Vous

1 Ps. IV, 5.

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deviendra comme une amie chère, et sera votre consolation la plus douce.

6. Dans le silence et le repos, l'âme pieuse fait de grands progrès, et pénètre ce qu'il y a de caché dans l'Ecriture.

Là, elle trouve la source des larmes dont elle se lave et se purifie toutes les nuits; et elle s'unit d'autant plus familièrement à son Créateur, qu'elle vit plus éloignée du tumulte du monde.

Celui donc qui se sépare de ses connaissances et de ses amis, Dieu s'approchera de lui avec les saints Anges.

Il vaut mieux être caché et prendre soin de son âme, que de faire des miracles et de s'oublier soi-même.

Il est louable dans un religieux de sortir rarement, et de n'aimer ni à voir les hommes ni à être vu d'eux.

7. Pourquoi voulez-vous voir ce qu'il ne vous est point permis d'avoir?

Le monde passe et sa concupiscence.

Les désirs des sens entraînent çà et là; mais, l'heure passée, que rapportez-vous, qu'une conscience pesante et un cœur dissipé?

Parce qu'on est sorti dans la joie, souvent on revient dans la tristesse; et la veille joyeuse du soir attriste le matin.

Ainsi toute joie des sens s'insinue avec douceur, mais à la fin elle blesse et tue.

8. Que pouvez vous voir ailleurs que vous ne voyiez où vous êtes? Voilà le ciel, la terre,

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