Sacy; elle en est isolée, mais située à une faible distance. Par suite d'héritages, on l'a morcelée et l'on a bâti sur ses anciennes dépendances; cela forme maintenant un groupe d'habitations. Cependant le principal corps de bâtiment, habité par la nombreuse famille des Rétif, existe encore comme au siècle dernier, et a toujours été occupé depuis par des descendants ou des alliés. Il y a quelques années, c'était un nommé Tillien, mort à 86 ans, parent des Rétif, et dont les ancêtres ont eu leur part peu flatteuse dans les élucubrations de notre terrible auteur. C'est encore, à l'heure qu'il est, un rejeton de la famille qui habite la Bretonne; il m'a fait voir quelques objets mobiliers provenant du père de Rétif, et qui lui sont échus probablement en partage. J'ai également pris connaissance des actes de l'état civil de Sacy, ou plutôt des anciens registres de la paroisse tenus par les curés Pinard et Foudriat, dont Retif parle beaucoup; j'ai transcrit l'acte de baptême de ce dernier. Le voici textuellement : a Le vingt-trois octobre mil sept cent trente-quatre, nous, curé de « Sacy, avons baptisé Nicolas-Edme, fils de Me Edme Retif, marchand, « et de honneste femme Barbe Ferlet, ses père et mère, né le même « jour, et de légitime mariage, lequel a eu pour parrain M. Rétif, « minoré1, et pour maraine honneste fille Anne Rétif, qui ont signé a avec nous et les témoins. a Signé: RETIF.-ANNE RÉTIF.-E. RETIF. Il existe donc une erreur matérielle dans la date de la naissance de Rétif, que l'on fixe au 22 novembre 1734; cette erreur a été naturellement répétée par M. Monselet, et je crois que Rétif lui-même donne cette date comme vraie; elle est également reproduite dans le portrait dessiné par son ami Binet, gravé par Nargeot en 1785, et dont le Bouquiniste du 1er août annonce un nouveau tirage. Je remarque, à cette occasion, qu'on le dit né près de Noyers; il serait plus exact de dire près de Vermenton, qui est en effet plus rapproché; il est le cheflieu du canton, et c'est cette petite ville qui a donné le jour à cette intéressante Colette, depuis madame Parangon, deux pseudonymes dont j'ai la clef, mais que je m'abstiens de révéler par égard pour la famille, qui n'est pas éteinte. Madame Parangon, on le sait, est l'hé 1 C'était un frère de Rétif, mais du premier lit; il était alors dans les ordres mineurs et devint ensuite curé de Courgis ou Courgy, petit pays aux environs de Sacy. Son frère, l'abbé Thomas, en était le maître d'école. roïne de plusieurs ouvrages de Rétif; cette femme, née de parents trèshonorables, et qui l'a tendrement aimé, ne méritait pas d'être compromise comme il l'a fait. C'était, du reste, son habitude, et j'en pourrais citer de nombreux exemples si je ne m'étais promis d'être discret. En fixant une autre date à la naissance de Rétif, je ne commets aucune erreur: j'ai encore le registre sous les yeux en écrivant ces lignes, et je m'en assure encore une fois en regardant l'acte qui précède et celui qui suit; ils sont également du mois d'octobre, et non pas novembre. Cela est donc incontestable, et doit servir de base à une rectification devenue nécessaire. Son frère, Thomas Rétif, déjà cité dans l'acte de baptême, est né le 22 novembre 1720; c'est peut-être là, pour le mois seulement, l'origine de l'erreur, si toutefois il était besoin d'en chercher une. Je me suis peut-être un peu trop étendu sur ce sujet, et je ferme ma lettre. Si ces renseignements, puisés à des sources authentiques, pouvaient offrir quelque intérêt aux lecteurs du Bouquiniste, j'autorise mon vieux camarade Aubry à leur donner les honneurs de l'impression. Son bien dévoué. SYLVAIN-PUYCHEVRIER. COURRIER ANGLAIS. ANTHOLOGIE DE L'HISTOIRE DE FRANCE (2€ ARTICLE.) La lettre suivante, du duc d'Aiguillon, fut adressée à miss Alderson un an environ après celle que j'ai traduite ci-dessus; elle est assez curieuse. A Hambourg, chez M. Fortuné de la Vigne, négociant; ce 6 février 1796. « Mademoiselle, « Daignez agréer l'assurance bien sincère de la vive reconnaissance que m'inspire la marque aimable de souvenir et d'intérêt que vous avez bien voulu me donner. Je vous dois mille remerciements, et de la lettre dont vous avez chargé M. le chevalier de Bercley, et de m'avoir 1 Voyez pour le 1er article le no du § 5 juin 1864. procuré le plaisir de le connaître. Je l'ai vu assez pour que le peu de séjour qu'il a fait ici m'ait laissé beaucoup de regrets. J'ai mille excuses à vous faire d'avoir autant tardé à vous répondre; mais j'ai été pendant plus de quinze jours tellement malade d'un rhume mêlé de levre et de goutte (ma constante ennemie) que j'étais dans l'impossibilité absolue d'écrire un seul mot. Croyez, je vous prie, mademoiselle, qu'il a fallu une raison aussi forte pour m'empêcher de vous exprimer plus tôt toute ma gratitude, et le plaisir que j'ai d'être assuré par vous que je ne partage pas le sort ordinaire aux absents. « Recevez mes remerciements des jolis airs que vous m'avez envoyés. Je les conserverai avec soin, et ne les donnerai, quoique vous disiez, à personne. Ils ont renouvelé mes regrets, en me rappelant ces tendres et jolies romances que vous chantiez avec l'expression de la musique et toute celle du sentiment, ce qui vaut bien mieux. « Je vous rends grâces, mademoiselle, des souhaits vraiment pleins de bonté que vous faites en ma faveur. Je crains qu'ils ne soient encore longtemps à s'accomplir; cependant, je n'en suis pas moins sensible à votre obligeance. Mais vous? Que désirer pour votre bonheur? La nature n'a-t-elle pas pourvu à tout, en vous donnant les qualités du cœur, celles de l'esprit, des grâces, des talents? Je me bornerai donc à souhaiter que vous soyez toujours aussi heureuse que vous méritez de l'être et c'est tout dire. «Il me paraît que vous avez à Norwich une société de Français assez agréable. Je ne connais point ceux que vous me nommez, mais j'envie leur sort, d'être auprès de vous, et de vous plaire. A propos! sur quoi peut-on fonder ce reproche d'aristocratie fait à mon ami M. de L.? Voilà, vraisemblablement, la première fois qu'il en est accusé. Cela est assez plaisant, et la singularité du fait l'empêche, en vérité, d'être aussi affligé qu'il le serait, d'être jugé par vous aussi sévèrement. « Adieu, mademoiselle, adieu ! Croyez que je regarderais comme un vrai bonheur d'être instruit quelquefois de ce qui peut vous intéresser. « Veuillez bien agréer l'hommage du tendre respect et de l'attachement sincère que je vous ai voués. « D'AIGUILLON. » Aimant tout ce qui se rapporte à la France, appréciant avec impartialité les mœurs, les habitudes, les travers de ce pays, miss Alderson ne pouvait se lasser d'étudier aussi une littérature qui avait pour elle le charme de la nouveauté, et dont ses amis les émigrés lui vantaient souvent les chefs-d'œuvre. Sir James Mackintosh lui envoyait des Indes où ses occupations le retenaient (1805) des avis et des fragments de critique improvisés. « Vous avez, je pense, » lui disait-il, « lu la Duchesse de la Vallière, par madame de Genliş. Ce n'est pas précisément un roman, mais c'est bien assurément un ouvrage enchanteur. Vous êtes-vous hasardée à lire la traduction du Paradis perdu, par l'abbé Delille? Ce doit être un crime capital d'en faire l'éloge en Angleterre, et peut-être en défendra-t-on l'importation. Le Moniteur, à ce que je vois, en parle sur le ton du panégyrique le plus outré, et la seule faute que les critiques français y trouvent, c'est que Delille n'ait pas suffisamment changé Milton.... Il ne manquait plus à miss Alderson, ou plutôt à mistress Opiecar elle était mariée (1802), - que de faire le voyage de Paris. Elle put enfin mettre à exécution un projet qu'elle nourrissait depuis longtemps; et, profitant de la paix d'Amiens, elle débarqua à Calais. Je rapporterai ici seulement les incidents les plus remarquables de cette expédition; et laissant de côté tout ce qui est relatif aux préliminaires, aux voituriers et aux incidents de la route, je supposerai les voyageurs arrivés. «Enfin, » écrit mistress Opie, « nous entrâmes dans les faubourgs de la capitale. Sur les murs on voyait partout tracés en grandes lettres à la chaux, ces mots : Indivisibilité de la République; mais les vestiges de républicanisme disparaissaient si promptement que, selon moi, on aurait pu supprimer la seconde syllabe de la légende et lire tout bonnement invisibilité........ » Le surlendemain, un petit incident eut lieu qui était bien fait pour impressionner la jeune et enthousiaste Anglaise. Je la laisse parler. « Je me trouvais dans la galerie du Louvre, seule devant le Déluge du Poussin, lorsque j'entendis quelqu'un dire que le premier consul allait monter en voiture pour se rendre au Sénat conservateur. « Si je pouvais seulement le voir!» m'écriai-je tout haut, en français; sur quoi un des gardiens de la galerie me répondit : «Eh bien, mademoiselle, suivez-moi et vous le verrez. » Sans oser perdre un moment à prévenir les autres personnes de ma société, je suivis rapidement mon guide. Il me fit sortir par une porte à l'extrémité de la galerie et me mena dans une pièce qui donnait sur la place du Carrousel. Près de la fenêtre étaient assises des dames. Elles m'offrirent un siége avec beaucoup d'obligeance aussitôt que mon conducteur les eut priées d'admettre une étrangère, une Anglaise, parmi elles. « Le cortége se formait au moment même où je m'installai. La voiture de Bonaparte, attelée de huit chevaux bais était déjà à la porte du palais, et elle fut bientôt suivie de celle des deux autres consuls, Cambacérès et Lebrun, attelée de six chevaux noirs. Les corps d'élite, la garde consulaire, les mameluks parurent ensuite; Roustan, le ma meluk favori de Napoléon, était aussi à son poste, attendant son maître. Enfin, au bruit croissant qui se fit à la porte, je compris qu'il arrivait et je regardai avec une ardeur pénible pour obtenir, ne fût-ce qu'une échappée de cet homme extraordinaire; mais il s'élança dans sa calèche avec une telle rapidité que pas une d'entre nous ne put le voir. Roustan monta vite derrière, et le cortége se mit en marche. C'était, il faut l'avouer, un coup d'œil frappant; je ne crois pourtant pas qu'on puisse le comparer à celui qu'offre la procession dont notre roi est accompagné lorsqu'il va à la Chambre des lords, ouvrir ou proroger le Parlement. Mistress Opie devait être plus heureuse une autre fois, et dans mon prochain extrait, je dirai comment elle réussit à voir le premier consul tout à son aise. Gustave MASSON. P. S.-L'article précédent contient deux fautes d'impression assez considérables: 1o Au lieu de Ch. Lamotte, lisez partout Ch. Lameth; HISTOIRE ET DESCRIPTION DE LA BIBLIOTHÈQUE DE BORDEAUX, par J. B. GERGERÈS, bibliothécaire. 1863, in-8, 272 p. On connaît trop peu les richesses que renferment les bibliothèques publiques des provinces. Quelques-unes d'entre elles ont fait imprimer leur catalogue; mais ce sont des livres qu'il n'est pas toujours facile de se procurer; et d'ailleurs, qui lit un catalogue? à moins qu'il ne s'agisse de celui qui fait connaître les bouquins précieux réunis par un riche amateur, et qu'un motif quelconque livre aux enchères, ce catalogue-là, les bibliophiles le dévorent; mais un inventaire de livres qui nécessairement sont, pour la très-grande partie, dénués de valeur, et qui ne sont point à vendre, il faudrait pour le parcourir un bibliographe acharné doué d'une rare patience et possesseur de longs loisirs. La bibliothèque de Bordeaux possède sept ou huit gros volumes imprimés de ses inventaires; y a-t-il en France trois personnes qui les aient feuilletés? J'en doute fort. Il y a donc utilité à recourir à un autre moyen pour faire connaître une bibliothèque, et c'est ce que M. Gergerès a voulu faire. La collection d'imprimés confiés à ses soins est une des plus considérables, des mieux choisies qu'il y ait en France (hors Paris, s'entend, et en |