vers de la célèbre élégie adressée par Corneille à mademoiselle du Parc, et imprimée dans le Recueil de Sercy (tome V, page 79 et suiv.), avec ce titre assez inintelligible: Sur le départ de madame la marquise de B. A. T. Ces quatorze premiers vers ne renferment qu'une variante, dans le Petit recueil de poésies choisies, lequel a paru cinq années avant le cinquième tome du Recueil de Sercy, « achevé d'imprimer pour la première fois le 4 décembre 1665. » Voici cette variante: Les cœurs iront en foule au-devant de vos fers, · Il est donc à peu près sûr que dans l'origine la pièce adressée à mademoiselle du Parc n'avait que ces quatorze vers; plus tard, P. Corneille la reprit et l'augmenta jusqu'à ce qu'il l'eût achevée en 102 vers. La muse obéissait sans doute aux ordres de la charmante comédienne. Mais comment expliquera-t-on l'intitulé des deux pièces? Ce serait chose facile, si l'on connaissait les véritables noms de baptême et de famille que portait mademoiselle du Parc, car ce nom de du Parc, qu'elle tenait de son mari, a bien l'air d'un nom de théâtre. Les lettres A. B. nous paraissent être les initiales de ces noms de baptême et de famille. Ainsi le Recueil de Sercy la qualifie de madame la marquise de B. et le Petit recueil la nomme mademoiselle la marquise de C. (Co médie) A. B. On sait que la marquise était un sobriquet qu'elle avait gardé d'un de ses rôles. On l'appelait ainsi à la ville comme au théâtre, depuis qu'elle avait joué avec tant de succès le rôle de Cathos dans les Précieuses ridicules, 1659. Molière jouait dans la même pièce le marquis de Mascarille, et Brémont le vicomte de Jodelet. Si les conjectures ne nous sont point absolument interdites par les précieux de l'érudition, nous supposerons que Molière, à cette époque, fit une furieuse cour à mademoiselle Cathos, avant de se rejeter sur mademoiselle Madelon, qui ne lui fut pas aussi cruelle. Cette dernière était, comme on sait, la douce et tendre Debrie, que tous les historiens de Molière s'accordent à lui donner pour confidente, pour consolatrice et pour maîtresse. Il est impossible de ne pas rapporter à ces amours de théâtre les jolies stances signées de l'initiale M., qui sont imprimées dans le t. II du Recueil de Sercy, page 67. Nous les citerons ici, en laissant le lecteur les attribuer à Molière ou bien à l'un des quatre auteurs qui ont fourni à ce volume diverses pièces signées de la même initiale: Menard, Malleville, de Maucroix et de Marigny. Nos recherches personnelles nous autorisent à croire que Molière est le vrai coupable. Aimable et divine personne, Vous porteriez une couronne, Nous doutons fort qu'on puisse expliquer ces derniers vers autrement que nous l'avons fait: le marquis de Mascarille pouvait seul adresser cette galante déclaration à la vicomtesse Cathos. Revenons à Corneille, et citons ce quatrain pour mettre au bas du portrait de l'abbé d'Aubignac, quatrain qui, suivant Tallemant des Réaux (édit. de M. Paulin Pâris, t. VII, p. 252), aurait été fait par Corneille ou quelque corneillien, dans le but de remplacer un autre quatrain élogieux que l'abbé avait composé lui-même : Il a mille vertus, ce pitoyable auteur, Et deux mille secrets pour apprendre à déplaire; P. Corneille, comme nous l'avons déjà dit dans une autre lettre (Bull. du bouquiniste, 7° année, 2° semestre, p. 649), avait un terrible ressentiment contre l'abbé d'Aubignac, à cause de sa Pratique du théâtre. La plupart des épigrammes qui furent décochées contre le pauvre abbé pouvaient bien être sorties du carquois corneillien. Oserai-je maintenant attribuer à Pierre Corneille un très-beau sonnet que j'ai recueilli, il y a bien longtemps, sans en indiquer la source, et que je rencontre dans mon dossier de pièces inédites des Grands Écrivains, avec cette annotation: « D'après un autographe corrigé de la main de l'auteur. Je serais fort en peine, je l'avoue, de dire aujourd'hui dans quelle collection se trouvait cet autographe. Ma mémoire est muette sur ce point?» Je transcrirai toujours le sonnet, auquel j'avais donné un brevet de Corneille, sans garantie du gouvernement, bien entendu : Sur le crime de lèze-majesté divine, commis à Nostre-Dame le dimanche 3 aoust 1670, sur les neuf heures du matin, par le nommé François Sarrazin, natif de Caen. Opprobre des mortels, abominable engeance, Ozes-tu faire agir la pointe de ton fer Contre un Dieu dont le nom faict trembler tout l'enfer, Quoy! monstre furieux! la terrible présence Seigneur, le crime est grand contre ta majesté! On croit qu'elle parut au sortir du berceau; Et quand jusqu'aux autels on s'égare, on s'oublie, Ce sonnet était évidemment un plaidoyer indirect en faveur de ce pauvre Normand, qui courait risque d'être brûlé en place de Grève pour avoir brisé un crucifix ou profané les vases sacrés sur l'autel, ou commis quelque autre acte de folie. M. Edouard Fournier, le plus habile et le plus heureux des pionniers de l'érudition, découvrira peut-être la piste de cette anecdote, dans laquelle le grand Corneille se serait fait le défenseur officieux de François Sarrasin, de même que Voltaire, s'efforçant de sauver du bûcher le malheureux chevalier de la Barre. Les poëtes ne doutent de rien quand une idée généreuse leur met le diable au corps. Nous avons déjà parlé du Songe du Réveur, cette espèce de croisade poétique à laquelle prirent part les principaux écrivains de l'époque, pour châtier Antoine Baudeau de Somaize, qui avait osé insulter Molière dans la Pompe funèbre de M. Scaron (Paris, Jean Ribou, 1660, pet. in-12); nous avons cité plusieurs des épigrammes qui furent lancées à cette occasion contre l'audacieux agresseur. En voici une que le nom de Boileau ne rendra pas meilleure : Tu serois mort sous le baston, N'en ont changé la catastrophe, Qu'afin de nous apprendre à tous Qu'un homme de pareille estoffe Une note qui se rattache à cette mauvaise épigramme lui donne pourtant un certain prix, car elle nous apprend que la colère de Pélisson contre Baudeau de Somaize venait de ce que ce poëte satirique avait voulu faire imprimer un libelle dirigé contre mademoiselle de Scudéry, et intitulé Le Mariage de la précieuse. Puisque je tiens Boileau, je ne le lâcherai pas sans tirer de mon portefeuille deux ou trois épigrammes inédites, ou plutôt, pour finir par un coup de maître, une espèce de satire que je ne vois pas dans les éditions de ses œuvres, et que j'ai lieu de croire non encore recueillie, sinon tout à fait inconnue. C'est du Boileau âgé de soixantedouze ans. RÉPONSE GÉNÉRALE DE M. DESPRÉAUX AUX RR. PP. JÉSUITES. Grands et fameux auteurs, dont la docte critique Non, sur un tel sujet, ne craignez rien, mes frères : Dans l'honneur, dans les biens, des docteurs outragés 3; 1 Auteur d'un traité sur le mariage, rempli de saletés dignes de l'Arétin. (Note de l'auteur.) * Assassin de Henri IV, roi de France. (Note de l'auteur.) 3 L'affaire du cas de conscience. (Note de l'auteur.) Les Chinois dans l'erreur par vous seuls replongés; De la mienne déjà on commence à se plaindre; Mais vous la connaissiez, et vous deviez la craindre, Que de lâches auteurs craignent vos injustices, Cette réponse à une épigramme, qui aurait été composée par le père Ducerceau, pour venger la compagnie de Jésus, est imprimée à la page 43 du livret intitulé: Boileau aux prises avec les Jésuites (Cologne, chez les héritiers de P. Marteau, 1706, in-12, fig.), où il est dit que Boileau la fit à l'instigation de son frère, l'abbé Boileau, et la lui envoya avec ce billet: « J'ai suivi vos conseils, et je vous envoie la réponse que vous m'avez tant demandée. Ne l'exposez point sans l'avoir examinée, car, pour moi, je regrette même le peu de temps que j'ai mis à la faire. » En voilà bien assez, si ce n'est trop, pour une fois. Ma tâche n'est pas finie, et j'aperçois encore beaucoup d'épis que les moissonneurs ont oubliés dans le vaste champ des Grands Écrivains de la France. P. L. JACOB, bibliophile. L'ITALIE AVANT 1848, par M. Henri MOULIN. Mortain, 1864, un vol. in-12. On ne voyage pas pour voyager, mais pour avoir voyagé, c'est-à-dire pour se souvenir où pour raconter: « Je dirai : J'étais là, telle chose 1 Il courut à Paris un factum de MM. de Brest, dans lequel ils se plaignoient de plusieurs violences que les jésuites avoient conseillées ou même commises dans leur église. (Note extraite de ce méme ouvrage.) 2 Enéide de Virgile, livre V. |