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viduelle après la mort, d'une ombre, d'un slowλov, d'un mâne, d'un Repha privé de rouah et même de nephech... Bref, afin de résumer en quelques mots ma façon de voir et de sentir sur cette question capitale, je dirai: pour les Israélites, une fois l'homme mort, l'âme proprement dite, dépourvue en soi de toute individualité, abandonnait le cadavre et faisait retour à la masse; seulement à cette dissociation, à la destruction même, partielle ou totale du corps, à la résorption de la rouah, voire même de la nephech, survivait le repha, l'ombre exsangue et exanime, mais personnelle, l'image pour ainsi dire spéculaire, l'eidôlon du défunt, prêt à recommencer une nouvelle existence le jour où une puissance supérieure, en restituant à cette espèce de noyau spectral, impalpable mais visible à l'occasion, son enveloppe et ses organes corporels, lui prêterait de nouveaux moteurs spirituels, faits d'une certaine somme de rouah et de nephech, c'est-à-dire de souffle et de sang. » M. C.-Ganneau aborde, en second lieu, la question déjà posée par lui, de l'existence d'une dualité ou d'une pluralité divines: « Ce qui, à mon avis, est beaucoup plus intéressant encore, et, si l'on peut dire, sans impiété, plus édifiant que l'étude de la rouah (souffle, esprit), considérée chez l'homme, c'est l'étude de la rouah considérée chez Jéhovah ou ses congénères. M. S. a retracé avec exactitude les principaux traits, maintes fois analysés déjà, de cette curieuse forme de la manifestation divine, mais il ne paraît pas avoir soupçonné la chose essentielle, qu'elle nous cache selon moi. L'activité multiple de cette rouah de Jéhovah, d'El ou d'Elohim est vraiment chose merveilleuse. L'importance, la variété, l'énergie des rôles qui lui sont dévolus tout du long des récits bibliques lui constituent évidemment une personnalité tranchée, et je m'explique fort bien que la rouah-qodech, le Saint-Esprit, ait obtenu une place distincte dans la triade appelée la trinité. M. S. est de l'école de ceux qui attribuent cette hypostase finale et formelle de l'Esprit ou du souffle d'Elohim à une influence étrangère tardive, persane et grecque. Je suis d'un sentiment opposé. J'estime que la conception de la rouah comme un être autonome, corporel même, est beaucoup plus ancienne et que dans nombre de passages bibliques où apparaît la rouah, le texte portait primitivement une mention directe de la parédre femelle de Jéhova, parèdre dont le nom a été systématiquement supprimé. Telle est la solution que je proposerai un jour pour faire cesser ce célibat aussi invraisemblable qu'inexplicable dans lequel s'est maintenu jusqu'à présent le Dieu d'Israël. La Rouah de Jéhovah était son émanation immédiate au même titre que la déesse carthaginoise Tanit était celle de Baal-Hammon sous le nom de Penê-Baal, Visage de Baal ou du visage de Baal. » M. Ganneau est enfin amené à se prononcer sur une question capitale, qui est celle-ci : « Quand et comment a pu se produire dans les dogmes d'Israël le changement profond, constitutionnel que nous admettons? Quelle époque et quelle origine attribuer à cette Reformation qui y aurait inoculé le principe monothéiste, en éliminant systématiquement tout ce qui paraissait contraire à ce principe? Et il répond : « L'exil. » L'histoire d'Israël a deux grands versants dont l'exil est la ligne de faite. Les captifs d'lsraël et de Juda emmenés à Babylone et les juifs renvoyés à Jérusalem par

Cyrus ne sont plus psychologiquement les mêmes hommes. Les premiers étaient polythéistes, ni plus ni moins que leurs voisins et frères; ils avaient comme eux, à côté de dieux secondaires, un dieu national, le dieu de la tribu flanqué de sa déesse, dieu et déesse qui étaient exactement à Israël ce qu'étaient, par exemple, à Moab, Chamos et sa parèdre Astor-Chamos. Les seconds sont monothéistes dans l'acception la plus étroite, la plus intolérante du terme ; ils n'admettent plus qu'un dieu suprême, n'ayant même pas d'inferieurs, isolé, sans compagne, comme sans compagnons, créateur à lui seul du ciel et de la terre, un dieu dont ils affectent même de ne plus prononcer le nom. C'est à Babylone, c'est pendant la captivité qu'est né le monothéisme juif. Voilà pour le lieu et le temps. La cause? Il en existe probablement plus d'une. Mais il y a, en tout cas, à faire une part considérable à l'influence politique des Perses... La Bible met une insistance singulière à établir pièces en mains, que Cyrus reconnaissait dans Jéhovah, qui l'avait désigné pour son Oint, le dieu suprême, créateur du ciel et de la terre. C'est pour rendre hommage au petit dieu local de Jérusalem promu à une si haute dignité que le fondateur de l'empire Perse autorise, par édit, le peuple juif à relever son temple et lui refait du même coup un semblant de nationalité. Voilà qui est fort étrange, mais tellement catégorique qu'il est impossible de supposer ce récit imaginé à plaisir. Pour ma part, j'en tiens le fond pour parfaitement exact. Seulement je réclame en son entier la conclusion à laquelle il tend visiblement, conclusion que l'exégèse, dite rationaliste, a essayé arbitrairement d'atténuer, la trouvant invraisemblable à savoir que le dieu d'Israël et le dieu de Cyrus ne font qu'un. Cela posé, il est permis de demander si c'est la montagne qui est allée au prophète, si c'est bien Cyrus qui a reconnu son dieu dans le dieu d'Israël, si ce ne serait pas par hasard Israël qui aurait reconnu le sien dans celui de Cyrus.-Les Juifs ont rapporté de Babylone une écriture nouvelle, une langue nouvelle... pourquoi pas un dogme nouveau, le dogme officiel de l'empire Perse? Le dogme nouveau conclut M. Ganneau, poussé comme toute idée que l'on emprunte à d'autres, jusqu'à ses conséquences extrêmes, a d'ailleurs eu du mal et a mis du temps à s'imposer à la masse du peuple attaché à ses vieilles croyances. La Bible elle-même nous montre clairement ces résistances et contient, pour qui sait y regarder, tous les éléments nécessaires pour écrire une histoire de l'introduction, du développement et du triomphe définitif du monothéisme chez les Juifs. » C'est en effet par les textes, nettement établis quant à leur sens, leur origine et leur date, que doit se recommander une pareille hypothèse, qui, privée de cet appareil, pourra paraître très risquée. Nous accueillerions avec un grand intérêt des communications plus étendues de M. Clermont-Ganneau sur les divers points qu'il a effleurés ici avec tant d'ingéniosité et de hardiesse).— 26 janvier. H. GAIDOZ. Esquisse de la religion des Gaulois avec un appendice sur le dieu Encina (c. r. par d'Arbois de Jubainville). (Article intéressant le recenseur reproche seulement à M. Gaidoz son scepticisme et lui soumet un certain nombre de critiques de détail. Notre collaborateur aura l'occasion de revenir sur quelques-unes des questions soulevées ici, dans le Bulletin de la Mythologie celtique qu'il nous donnera prochainement). 2 février. Ph. BERGER,

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l'Ange d'Astarté, étude sur la seconde inscription d'Oum-el-Awamid (c. r. par C. Clermont-Ganneau). 9 février. F.-X. KRAUS, Real Encyklopaedie der christlichen Alterthumer. 1re livraison (c. r. par Eug. Müntz). (Publication commencée dans d'excellentes conditions). 9 février. BRUGSCH, Geschichte Ægyptens (c. r. par Maspero). (Nous reproduisons les lignes suivantes qui touchent à d'intéressantes questions d'identification et de synchronisme, dont la solution retentit sur l'histoire religieuse ancienne : « Je crois que M. Brugsch a raison de se refuser à voir dans les Apriou des textes, les hébreux. La transcription Apriou ne répond qu'à peu près à Eberim. Les Egyptiens rendaient le b sémitique par une combinaison vp et non p; or Apriou est toujours écrit avec un p. En second lieu, on trouve dès la treizième dynastie, une catégorie d'individus employés dans les temples et signifiant les munitionnaires. Je ne voudrais pas affirmer que nos Apriou de la dix-neuvième dynastie soient identiques à ceux-là, toutefois il faut tenir compte de leur existence. - M. Brugsch continue de même à faire de Minephtah le Pharaon de l'Exode et s'afflige sur la fin malheureuse qu'eut, par la faute de Moïse, un règne brillamment commencé dans la victoire. Je ferai observer que la seule raison qu'on ait de mettre l'Exode sous Minephtah est tirée de cette donnée, que le Pharaon qui exila Moïse dut régner fort longtemps, puisque Mose resta quarante ans en exil; comme Ramsès II régna soixante-sept ans, c'est lui par conséquent, qui exila Moïse. Si l'on veut rester dans les données du récit biblique, il faut aller plus loin encore. Le Pharaon qui exila Moïse jeune homme, était le même dont la fille avait recueilli Moïse enfant. C'est donc quatrevingts ans au moins de règne et cent vingt ans au moins de vie qu'il faut lui donner Ramsès II ne remplit pas ces conditions, ni aucun roi. Le mieux serait de prendre le récit de la Bible pour ce qu'il est, et d'y voir un arrangement merveilleux de la tradition. » — 16 février. AD. MERX, Die Prophetie des Joel und ihre Ausleger von der æltesten Zeiten bis zu den Reformatoren. Eine exegetisch-kritische und Hermeneutisch-dogmengeschichtliche studie. (c. r. par M. Vernes). (Travail curieux et considérable, mais dont l'effort est hors de proportion avec les résultats). 23 février. Fr. SPIEGEL, Erânische Alterthumskunde. 3e volume. F. JUSTI. Geschichte der alten Persiens. (c. r. des deux ouvrages par J. Darmesteter). (Malgré quelques réserves «<l'ouvrage de M. Spiegel n'en est pas moins un admirable monument de travail et de patience, et le plus bel éloge qu'on puisse en faire, c'est qu'il sera longtemps indispensable à tous ceux qui voudront traiter un point quelconque des études iraniennes. » M. D. apprécie également très favorablement l'ouvrage de M. Justi; il critique toutefois ses «< théories sur la formation du Zoroastrisme et le rôle qu'y aurait joué l'élément touranien ou scythique. » Il est amené à présenter à cet endroit des observations très intéressantes et d'une grande portée. « Depuis une trentaine d'années, dit M. D., les Touraniens sont très remuants et essaient de se faire leur part, d'une façon ou d'une autre, dans l'histoire primitive de l'Asie occidentale. Qu'ils aient tort absolument, je n'oserais l'affirmer; mais il me semble en ce qui touche la question iranienne, qu'ils sont loin jusqu'ici d'avoir justifié

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leurs prétentions, qui, d'ailleurs, varient avec leurs avocats. Le premier inroad d'ailleurs assez timide, fut fait, je crois en 1855, par M. Norris, qui soupçonna que les Perses proprement dits, les Perses de Cyrus, pourraient bien être des Scythes; il donnait comme indices la similitude de leur langage avec celui des nomades sagartiens (Hérodote), le caractère touranien de certaines de leurs habitudes (défense de se laver dans une eau courante), les différences de mœurs et de costumes qui, selon Xénophon, existaient entre eux et les Mèdes, lesquels sont certainement Aryens de race (Journal of the Royal Asiatic Society, xv, 205). La même année, dans le même journal, sir Henry Rawlinson fondait la théorie du magisme scythique. Il y a, selon lui, dans la religion iranienne, trois éléments: un élément aryen, le culte de Mithra, de Homa, du soleil, de la lune; un élément iranien proprement dit, le dualisme; un élément magique ou scythique, le culte de Zervan qui serait l'assyrien Zir-banit, le culte de l'eau et du feu, l'usage du barsom et enfin la personnification de la race scythique en Zoroastre, l'assyrien zirishtar « the seed of Venus » (Ibid., 246 sv.).— M. Justí à son tour distingue trois éléments: le magisme médique, le zoroastrisme et la religion de la Perse propre. Laissons celle-ci de côté, car M. Justi pense qu'elle n'a pas différé essentiellement de celle de Zoroastre ; nous trouvons en présence, opposés l'un à l'autre, les deux éléments que Rawlinson identific, le magisme et le zoroastrisme. Le magisme médique aurait consisté dans la divinisation des éléments, et surtout dans la magie, souvent anathématisée dans l'Avesta: ce sont les Mages que l'Avesta aurait en vue quand il maudit les faux Athravans; enfin le mot Mage porterait en lui-même la marque de son origine non aryenne, étant l'accadien « imga » vénérable... » M. D. conteste absolument ces prétentions et montre la fragilité des points d'appui sur lequel elles s'échafaudent). — 1er mars. J. WELLHAUSEN, Geschichte Israels. 1er volume (c. r. par Maurice Vernes). (Cet ouvrage est « une des productions les plus remarquables de l'orientalisme contemporain.»> M. Wellhausen a compris que le plus grand service qu'il pût rendre aux études hébraïques, c'était de mettre au-desus de toute attaque la thèse qui voit dans le prophétisme le résumé du développement religieux des Israélites antérieurement à la captivité de Babylone, et, dans la législation dite mosaique, le type adopté par les promoteurs de la restauration jérusalémite). Lettre de M. Sabatier (en réponse aux observations présentées par M. C. C.-Ganneau sur son mémoire intitulé: Notion hébraique de l'esprit ; ces observations ont été analysées plus haut. M. Ganneau accompagne cette lettre de nouvelles remarques. Cette discussion est d'un vif intérêt). 15 mars. P. DECHARME, Mythologie de la Grèce antique. (c. r. par C.-E.-R.) L'ouvrage de notre collaborateur est apprécié très favorablement. « Son livre, dit le critique, est solide, au courant de la science, et de plus, très agréable à lire, enfin il comble une lacune et est d'une utilité manifeste. ») 5 avril. A. WUNSCHE, Bibliotheca rabbinica, eine sammlung alter Midraschim, zum ersten male ims Deutsche uebertragen (c. r. par J. Derenbourg (appréciation assez sévère fautes graves). 12 avril. R. PISCHEL, The assalâyanasuttam (c. r. par E. Senart). A. JUNDT. Les amis de Dieu au

quatorzième siècle (c. r. par G. Bonet-Maury).

F. HOFFMANN, Geschichte der Inquisition. T. II (c. r. par R. Reuss). (œuvre dépourvue d'esprit critique). - 19 avril. A. MILANI, Il Mito di Filotette (c. r. par G. Perrot) (œuvre satisfaisante). 26 avril. R. ROTHE, Vorlesungen ueber Kirchengeschichte und Geschichte der Christlich-Kirchlichen Lebens, hersgg.von. Weingarten, 2 vol. (c. r. par M. Nicolas). — J. BERNAYS, Lucian und die Kyniker mit einen Uebersetzung der Schrift Lucian's ueber das Lebensende des Peregrinus. (c. r. par Louis Morel). (Dans le Peregrinus, le fort de l'attaque n'est pas dirigé contre le Christianisme, qui n'y occupe de fait qu'une place très accessoire, mais contre l'école des cyniques).

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III. Journal asiatique.—Janvier-Février 1879. Hymne au Soleil, à texte primitif accadien, avec version assyrienne, traduit et commenté par François LENORMANT (suite et fin, p. 5-98).—Eranische Alterthumskunde von F. Spiegel T. III (compte-rendu par C. de Harlez).— Mars-Avril. Note supplémentaire sur l'Inscription de Byblos, par J. HALÉVY (p. 173-214). -Des origines du Zoroastrisme, par C. DE HARLEZ (troisième article), (p. 241-290). (Les deux premiers articles ont paru à la date de février-mars 1878, p. 101, et aoûtseptembre, p. 117; celui de nos collaborateurs qui traite de la religion de la Perse ancienne, donnera à cette importante série toute l'attention qu'elle mérite). Mémoire sur la chronique byzantine de Jean, évêque de Nikiou, par H. ZOTENBERG (suite et fin, p 291-386).— Mai-Juin. Uebersetzungen aus dem Avesta von K. GELDNER (c.-r., par C. de Harlez). Chronique littéraire de l'Extrême-Orient, par C. Imbault-Huart.—Juillet. Rapport sur les travaux du conseil de la Société asiatique, pendant l'année 1878-1879, fait à la séance annuelle de la société, le 28 juin 1879, par Ernest RENAN (p. 12-60). - Août-Septembre. Des origines du Zoroastrisme, par C. DE HARLEZ (quatrième article, p. 89-140). Études Bouddhiques, le livre des cent légendes (avadâna-çataka), par LÉON FEER (p. 141-189).-La poésie religieuse des Nosairis, par Clément HUART (p. 190-261). Post-Scriptum au commentaire de l'hymne chaldéen au soleil, par F. Lenormant. Octobre-Décembre. Études Bouddhiques, le livre des cent légendes (suite et fin), par Léon FEER (p. 273307). Janvier 1880. Chronique littéraire de l'Extrême-Orient, par C. Imbault-Huart. Une courte conversation avec le chef de la secte des Yezidis ou adorateurs du diable, par N. Siouffi. Note sur le siége primitif des Assyriens et des Phéniciens, par J. Oppert. Février-Mars-Avril. Études d'archéologie orientale. La coupe phénicienne de Palestrina et l'une des sources de l'art et de la mythologie helléniques, par Ch. CLERMONT-GANNEAU (troisième article Voyez Journal asiatique, numéros de février-mars et avrilmai-juin 1878), (p. 93-111). Etude sur quelques peintures et sur quelques textes relatifs aux funérailles, par G. MASPERO, (cours du Collège de France, mars-juin 1878, décembre-juin, novembre-décembre 1879), (p. 112-170). Des origines du Zoroastrisme, par C. DE HARLEZ (cinquième article, p. 171227). Note sur la forme du tombeau d'Eschmounzar, par le marquis DE VOGUE (p. 278-286). · Étude sur les inscriptions de Piyadasi, par É. SENART (p. 287-347).

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