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simple esquisse, rien de plus, ainsi que l'indique le titre lui-même. Dans l'état présent de notre connaissance des religions anciennes, on ne saurait raisonnablement demander davantage aux savants qui se consacrent à cette branche d'études, et ceux-ci à leur tour ne sauraient essayer de faire plus avec quelque espoir de succès. Le moment n'est pas encore venu d'écrire une histoire complète, ni de la religion, ni des religions. Le nombre des recherches spéciales qu'il convient d'opérer, la quantité de délicates et difficiles questions qu'il est nécessaire de tirer au clair avant qu'on puisse se proposer un pareil objet, est encore trop considérable.

Toutefois, il peut paraître utile, nécessaire même, de résumer de temps en temps la masse de connaissances positives accumulées par les études d'un certain nombre d'années et d'esquisser ainsi, fût-ce en quelques points d'une main peu assurée, la figure qui doit un jour se dégager avec précision des travaux en voie d'exécution. C'est là le but que nous nous sommes proposé. L'intérêt pour ce qu'on dénomme assez improprement la science des religions, et que nous préférerions appeler hiérologie, croit de jour en jour. Or, j'estime qu'une science d'aussi fraîche date court le sérieux danger de se perdre dans des spéculations abstraites, soit qu'on assure ces spéculations sur un petit nombre de faits, auxquels se joignent une grande quantité de données douteuses ou manifestement fausses, soit, ce que l'on voit encore, qu'on ne se donne même point la peine de les échafauder sur aucune espèce de faits. De nombreux exemples en font foi. Des esprits hardis et curieux entreprennent d'établir la philosophie de la religion sans une connaissance préalable un peu solide des faits dont ils prétendent offrir la synthèse et la formule.

>> N'eût-on que le désir de rendre moins faciles d'aussi regrettables écarts, notre projet se légitimerait déjà suffisamment. Mais nous avons en vue également le philosophe qui désire se faire, par l'étude comparative, une idée précise des tendances auxquelles les grandes religions des peuples civilisés ont prétendu répondre, et se propose de saisir les lignes maîtresses des principaux systèmes. Nous ne pensons pas moins au spécialiste, qui consacre son temps et ses travaux à un champ défini et borné de ce vaste sujet, et à l'historien, qui se propose d'embrasser dans son ensemble le développement de la civilisation: ni l'un ni l'autre n'a le loisir ni les moyens de recourir aux sources et de se donner le luxe d'une connaissance de première main. Le voudrait-il, d'ailleurs, qu'il aurait besoin avant tout d'une vue générale de ce vaste ensemble, d'une sorte de carte géographique lui donnant à larges traits la figure et les proportions des différentes contrées qu'il se prépare à explorer. Un résumé fait avec soin lui servira de guide dans son voyage à travers ces routes immenses où l'humanité a déposé sa foi et ses espérances.

» C'est à de pareils besoins que mon livre se propose de répondre. Je n'ai point reculé devant la forme du paragraphe détaché, présentant en quelques lignes une vue d'ensemble, le résumé d'une période ou d'une direction de la pensée religieuse, de véritables conclusions. Ces conclusions ont été tantôt empruntées directement à l'étude des sources, tantôt (car on ne

saurait posséder également sur tous les points une compétence de première main) puisées chez les auteurs qui m'ont semblé mériter le plus de confiance. J'ai joint à ces paragraphes, d'allures brèves et concises, des notes explicatives et quelques renvois bibliographiques qui font sentir le lien de mon exposition avec les plus récents travaux, avec les discussions des dernières années.

>> Toutefois, même dans ces limites, notre essai pourra sembler insuffisant, puisqu'il n'embrasse pas l'ensemble des religions. Il nous reste à expliquer pourquoi nous avons cru devoir exclure de notre cadre les religions universalistes, telles que le Buddhisme, le Christianisme et l'Islamisme, nous bornant à mentionner leur point de départ. Il nous a semblé que ces parties pouvaient être détachées sans grand inconvénient. Les commencemeuts de l'Islamisme sont caractérisés avec assez de précision pour qu'on puisse porter un jugement motivé sur la grande révolution religieuse tentée par Mohammed. Il en est de même du Buddhisme. Quant au Christianisme, les principales questions qui concernent son origine ont été assez très agitées devant le public, depuis quelques années, pour que les hommes sincèrement curieux puissent se rendre suffisamment compte des plus importants résultats. Nous avons redouté, d'ailleurs, d'étendre outre mesure les bornes de ce résumé succinct. Deux autres lacunes concernent la religion des Celtes et celle du Japon. Je n'ai pu arriver sur ces deux points à des conclusions que j'osasse offrir avec assurance au public instruit, et j'ai cru mieux faire de m'abstenir.

» Il doit être bien entendu que je me suis plutôt occupé d'exposer l'histoire de la religion que l'histoire des religions. Bien qu'un livre conçu à la façon du mien puisse remplir, à beaucoup d'égards et en l'absence d'un résumé analogue, le rôle d'un manuel de l'histoire de religions anciennes, je dois cependant faire valoir une distinction qui est mise en lumière par l'Introduction. La matière est la même dans les deux cas; c'est le point de vue qui diffère. L'historien des religions se préoccupe peu du lien qui réunit ses différents tableaux; l'historien de la religion se propose, au contraire, de montrer comment le grand fait psychologique, auquel nous donnons le nom de religion, s'est développé et manifesté sous des formes variées chez les différents peuples et dans les différentes races qui occupent l'univers. Il fait voir comment toutes les religions, y compris celles des nations les plus civilisées, sont nées des mêmes germes simples et primitifs; il fait voir en même temps quelles circonstances ont favorisé ou contrarié la croissance de ces germes de façon à aboutir à un misérable polydémonisme ou à de hautes conceptions touchant la divinité et ses rapports avec le monde. A une classification de laboratoire purement artificielle nous substituons l'idée d'évolution et de développement, aussi vraie sur le domaine spécial de l'idée religieuse que sur celui de la civilisation générale.

La traduction française, que nous devons à la plume de notre ami, M. Maurice Vernes, a été, de notre part, l'objet d'une révision attentive. Nous avons tenu compte des travaux parus dans ces quatre dernières années et apporté à notre œuvre un grand nombre de modifications de détail, dont

pourront s'apercevoir ceux qui compareront la présente édition, soit à l'ouvrage hollandais (1876), soit à la traduction anglaise, qui a paru en 1877 par les soins de M. le professeur J.-E. Carpenter.

>> Nous sommes heureux que l'apparition de ce volume coïncide avec un sentiment croissant de l'importance des études d'histoire religieuse. Aux travaux tantôt estimables, tantôt éminents, que l'érudition française a publiés sur ce domaine depuis quelques années, il nous a semblé parfois qu'il manquait une connaissance précise de l'ensemble des questions et de leur importance respective. Nous serions aise qu'on appréciât à ce point de vue, dans les cercles savants, l'utilité d'une œuvre modeste, mais qui, nous croyons pouvoir le dire, donne une idée exacte du point d'arrivée actuel de la science.>> TAPLE DES MATIÈRES. Avant-propos du traducteur. Préface de l'auteur à l'édition française.

INTRODUCTION (§§ 1-6)

LIVRE I. La religion sous l'empire de l'Animisme (§§ 7-17.)

CHAPITRE PREMIER. L'Animisme et son influence sur la Religion en général (§§ 7-10)

CHAPITRE SECOND. La religion animiste et son développement particulier chez les différents peuples (§§ 11-17)

LIVRE II.

LIVRE III.

- La Religion chez les Chinois §§ 18-27).

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CHAPITRE PREMIER.
CHAPITRE SECOND.
1re Section.
(SS 39-42)

2o Section.

- La Religion chez les Sémites.

Les deux courants de développement du Midi et du Nord

- La religion chez les Babyloniens et les Assyriens (§§ 43-48).

3e Section. - La Religion chez les Sémites occidentaux (§§ 49-57).

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LIVRE IV. La Religion chez les Ariens (Indo-Européens), excepté les Grecs et les Romains (anciens Ariens, Hindous, Perses, Slaves et Germains(§§66-120.) CHAPITRE PREMIER. 'ancienne Religion arienne et la Religion arienne orientale (§§ 66-68).

CHAPITRE SECOND.
Are Section.

2e Section.

3e Section.

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La religion chez les Hindous (§§ 69-98).
La Religion védique (§§ 69-73).

Le Brâhmanisme prébuddhique (§§ 74-81).

Le Brahmanisme en lutte avec le Buddhisme (§§ 82-87). Changements introduits dans le Brahmamisme pendant et après sa lutte avec le Buddhisme (§§ 88-98).

4e Section.

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CHAPITRE TROISIÈME.

La Religion chez les peuples érâniens (Pesrans). Le Mazdéisme (§§ 99-109).

CHAPITRE QUATRIÈME.

(SS 110-114).

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La Religion chez les Wendes ou Letto-Slaves.

La Religion chez les Germains (§§ 115-120). LIVRE V. La Religion chez les Ariens sous l'influence des Sémites et des chamistes, c'est-à-dire chez les Grecs et les Romains (§§ 121-144). CHAPITRE PREMIER. La Religion chez les Grecs (§§ 121-134). CHAPITRE SECOND. -La Religion chez les Romains (§§ 135-144). ALLEMAGNE. Nous devons depuis longtemps à nos lecteurs, dit la Revue

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critique, une notice sur les sculptures de l'autel de Pergame qu'on est occupé en ce moment, au Musée des antiques de Berlin, de nettoyer et de rassembler. Il y a huit ans, un ingénieur allemand établi à Smyrne, M. Humann, trouva sur l'Acropole de Pergame quelques fragments de marbre en haut relief dont l'un représentait un Hercule; il les envoya au gouvernement prussien. A la suite de cette découverte et après la nomination de M. Conze à la direction du Musée de Berlin, M. Humann fut chargé d'exécuter des fouilles. Il découvrit une quantité de fragments de marbre en haut-relief faisant partie d'une grande frise. Ces fragments sont au nombre de quatrevingt-quatorze (sans compter plus de deux mille petits fragments), plusieurs ont des dimensions énormes, 2 m. 30 de haut et 0 m. 60 à 1 m. 10 de largeur. Or, on sait que les Attalides avaient, en l'honneur de leurs victoires, fondé sur l'Acropole de leur capitale un autel de Zeus; cet autel, de 40 pieds de haut, dit Ampelius, était couvert de très grandes sculptures qui représentaient la gigantomachie. La majeure partie des fragments appartiennent à cet autel et à la frise de la gigantomachie, qui se développait probablement sur trois côtés du soubassement de l'autel. On ne peut encore se faire une idée de l'ensemble; mais c'est bien la lutte des dieux et des géants que représentent les figures découvertes, lutte grandiose, terrible, acharnée. L'artiste a donné aux géants les formes les plus diverses, les uns ont des ailes, les autres ont la figure de simples guerriers ou ressemblent à des monstres; barbus, couverts de peaux de lion, armés de troncs d'arbres et de quartiers de roc, se protégeant par des boucliers contre les coups de leurs adversaires, les géants se précipitent avec fureur sur les dieux. Ils ont, au bas des pieds, des serpents qui se terminent non par des queues, mais par des têtes, enlacent les jambes des dieux avec force et enfoncent leurs dents dans leurs cuisses. Parmi les dieux on voit Zeus brandissant son égide de la main gauche après avoir lancé ses foudres de la droite: Athéné, saisissant par les cheveux un géant, qui, debout et remarquable par le jeu de ses muscles, rappelle le groupe de Laocoon; cependant la Victoire descend du ciel pour couronner Athéné, et la Terre, sortant de l'abime, se lamente et intercède pour ses enfants. On voit aussi Hélios; - l'Aurore le précède, montée sur un cheval d'un travail exquis; le Soleil lui-même est sur un char que tirent quatre chevaux; Apollon, Artémis qui a un lion pour monture et que suivent les nymphes chaussées de leurs bottes de chasse; Dionysos, vêtu d'une longue robe asiatique et accompagné d'un petit satyre qui imite comiquement l'allure guerrière de son maitre; Héphaistos, Borée, Poseidon qui a dans sa suite un centaure marin au corps couvert d'écailles et orné d'ailes en forme de nageoires. Les animaux consacrés aux dieux prennent part à la lutte : le serpent d'Athéné, enveloppant dans ses nombreux replis le géant que saisit la déesse, l'aigle de Zeus qui abat d'un coup de griffe la mâchoire inférieure d'un des serpents, le molosse d'Artémis, la panthère de Bacchus. Ces sculptures appartiennent évidemment à l'École de Pergame qui a produit le Gaulois mourant du Capitole et le groupe du Gaulois qui tue sa femme et qui se tue ensuite de la villa Ludovisi. Elles font partie d'une œuvre dont l'exécution est parfaite, autant que la conception est hardie; car tout, les draperies aussi

bien que les poses et les mouvements du corps, est rendu avec une étonnante fidélité et le soin le plus minutieux. Remarquons encore que les noms des dieux étaient gravés sur une solive au-dessus de la frise, et ceux des géants sur une autre au bas. D'autres fragments appartenant à une seconde frise, mais de plus petites dimensions (1 m. 57 de haut) représentaient un autre sujet, non encore déterminé, peut-être le mythe de Télèphe. On a découvert également un certain nombre de statues et de sculptures, entre autres une tête de femme d'une grande beauté.

- M. Alfred Stern a adressé à la Revue historique (Mars-Avril 1880) un intéressant bulletin sur les dernières publications allemandes relatives à l'histoire de la Réforme. Après l'indication de quelques travaux relatifs à l'humanisme proprement dit, M. Stern signale un groupe de recherches auxquelles sert de centre la Zeitschrift für Kirchengeschichte dirigée par M. Théodore Brieger en collaboration avec MM. Gass, Reuter et Ritschl, et qui ont porté sur l'objet spécial de son bulletin. Des études de valeur ont été également consacrées à l'histoire de la guerre des paysans et à un grand nombre de points spéciaux.

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ANGLETERRE. La reproduction en photogravure du précieux Codex Alexandrinus de la Bible grecque vient d'être entreprise par ordre des Trustees du British Museum. Le 1er volume contient les 143 feuillets du Nouveau-Testament et des Épitres Clémentines; c'est le ive volume de la collection. Les trois autres sont en cours d'exécution. Une description du manuscrit sera placée en tête du tome jer.

M. Renan vient de donner à Londres une série de conférences traitant de l'influence exercée par les institutions romaines sur le christianisme naissant, sous le patronage du comité de la fondation Hibbert. Ces conférences avaient été inaugurées, il y a deux ans, par M. Max Müller, et il en est résulté un volume (Origin and growth of religion) dont le retentissement a été très grand. L'année dernière, le comité avait donné la parole à un égyptologue distingué, M. Lepage-Renouf. Les conférences de M. Renan ont été accueillies avec un très-vif intérêt. Le pays de l'Europe où les préjugés religieux sont le plus tenaces a donné dans cette circonstance une marque d'intelligence et de courage peu commune. Une justice éclatante a été rendue à la modération, à la science et au talent d'un homme, dont l'œuvre a le plus souvent été jugée de la façon la plus mesquine et la plus puérile. Ce n'est pas un des symptômes les moins significatifs de la reprise des études de critique religieuse dans notre pays, que de voir le savant qui en est le représentant le plus brillant, appelé à exposer solennellement le résultat de ses recherches devant l'aristocratie intellectuelle de l'Angleterre. Les conférences de M. Renan ont été publiées par le journal le Temps.

-

Plusieurs journaux ont reproduit avec des détails circonstanciés un bruit assez ridicule concernant un manuscrit autographe de l'apôtre saint Pierre découvert à Jérusalem dans l'héritage d'un vieillard centenaire et pour la possession duquel on aurait proposé, d'Angleterre, des sommes considérables. Nous serions curieux de savoir dans quelle mesure la fraude a pu s'associer en cette affaire à l'ignorance.

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