sages lois à celui des volontés absolues. Un orage se formait sur l'horizon politique, les dangers étaient imminens; mais, quoi qu'il pût arriver, Carnot se serait toujours trouvé déplacé dans une insurrection; aussi ne le vit-on figurer, ni au 10 août, ni dans aucun mouvement populaire. La pensée de renverser un gouvernement établi eût effrayé sa sagesse et même son audace; tenter tous les moyens de le conserver, avant d'en essayer un nouveau, était la maxime fondamentale de sa politique Si donc la constitution de 1791 avait eu la force de se soutenir, personne n'aurait contribué, avec plus de zèle et de succès que lui, à son affermissement. Le roi et la nation pouvaient s'entendre pour la maintenir; les grands, la cour et le haut clergé voulaient la renverser: voilà le secret de sa chute. Alors parurent au grand jour les périls de la France; cachés jusqu'à ce moment dans un nuage qui planait au-dessus de nos têtes, ils éclatèrent à tous les yeux. Carnot voulait, avant tout, l'indépendance de la patrie il vit approcher, sans crainte, le moment de se dévouer pour elle, en l'arrachant à la honte et au malheur d'une invasion étrangère, le plus grand des fléaux qui puissent tomber sur un peuple. Mais bien loin de soupçonner en lui un génie particulier; loin de prévoir qu'il fût l'un des hommes extraordinaires que la nécessité, mère des grandes choallait susciter pour le salut et la gloire de la France, il ne pensait qu'à offrir ses services comme un simple citoyen, ou à rentrer dans la vie privée, si les circonstances le permettaient. Cependant, il avait eu déjà plusieurs occasions de faire connaître, dans les comités de l'Assemblée, par ses propositions pour la défense commune, et aux armées, par ses missions, ce qu'on pouvait attendre de ses ses, connaissances, de ses talens et de sa fermeté, tempérée par une douceur qui ne fut jamais de la faiblesse. La Convention nationale s'assemble; et, presque sous le canon de l'ennemi elle improvise une république sur les ruines encore fumantes du trône. Ce genre d'audace étonna peut-être Carnot, dont l'enthousiasme n'était pas le caractère dominant. Une monarchie constitutionnelle eût suffi à ses vœux; mais, ni ses goûts, ni ses mœurs ne répugnaient au gouvernement républicain. Il avait même les deux premières vertus que ce gouvernement impose, le désintéressement et l'abnégation de tous les intérêts personnels. Il n'eût point demandé la république dans un temps d'exaltation; il l'adopta volontiers comme une institution consacrée par de grands souvenirs, et se trouva, sans peine, en harmonie avec elle. Semblable, sous ce rapport, à Turenne qui s'oubliait presque toujours dans le récit des plus mémorables victoires Carnot avait tant de modestie, il faisait si peu retentir ses plus importans services, qu'à peine si les contemporains se rappellent ses missions aux armées de réserve et du Rhin, sur les frontières de l'Espagne, et enfin à l'aile gauche de l'armée du Nord, où on le vit marcher en tête de nos troupes, et armé comme un simple soldat, enlever de vive force la ville de Furnes, occupée par les Anglais. Jusqu'ici Carnot n'est à nos yeux qu'un militaire habile, un Français dévoué à son pays; rien n'annonce en lui la haute influence qu'il doit exercer. Au moment d'obtenir l'une des plus grandes renommées du siècle, il ignore la brillante destinée qui va commencer pour lui; il n'a point de pressentiment de son avenir; peut-être même la conscience de ses forces lui manque-t-elle, parce qu'il est exempt de toute ambition, de cet utile et dangereux levain qui fait fermenter et grandir les vertus, les talens, et surtout les vices des hommes extraordinaires. Tout-à-coup la conjuration de l'Europe oblige la Convention à former, dans son sein, un gouvernement proportionné par sa force à la grandeur des périls de la France, et le même génie qui créait pour elle des Jourdan, des Hoche, des Pichegru, des Moreau, dans les derniers rangs de l'armée, choisit Carnot pour diriger ces émules de nos grands capitaines. La levée des trois cent mille hommes, les premiers désastres de la Vendée, la défection de Dumouriez, la retraite ou plutôt la dissolution de l'armée du Nord, conséquence funeste de cette défection, furent des malheurs très-menaçans pour la république naissante; mais peut-être n'y eut-il jamais de circonstance plus cri |