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INTRODUCTION.

M. le Comte Alfred de Vigny was the son of an officer who served under Louis XV. and Louis XVI., and was born in 1799 in the little town of Loches. Most of his childhood was passed in the Château de Tronchet in Beauce (cf. note on p. 49 l. 11). While at school in Paris his one desire was to be a soldier, and at the early age of 16 he received a commission in the "Red Household Musketeers." His one campaign during 14 years' service was when this corps attended Louis XVIII. to the frontier during his flight at the beginning of "The Hundred Days." In 1816 the red companies were disbanded, and he passed into the infantry of the guard. During twelve years more he did his best to see some fighting, but this being impossible, in 1828 he resigned his commission, and devoted himself entirely to poetry and literature. He had already published some volumes of poetry and an historical romance CinqMars, (translated into English by William Hazlitt), which is perhaps his best known work. In 1832 appeared Stello, an episode of which, Chatterton, was dramatised and performed in 1835 at the Théâtre Français. He was elected a member of the Academy in 1846 and died in 1863.

La Canne de Jonc is taken from a volume of short stories about military life called Servitude et Grandeur militaires.

LA VIE ET LA MORT

DU

CAPITAINE RENAUD

ου

LA CANNE DE JONC.

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CHAPITRE I.

UNE NUIT MÉMORABLE.

La nuit du 27 juillet 1830 fut silencieuse et solennelle. Son souvenir est, pour moi, plus présent que celui de quelques tableaux plus terribles que la destinée m'a jetés 10 sous les yeux. Le calme de la terre et de la mer devant l'ouragan n'a pas plus de majesté que n'en avait celui de Paris devant la révolution. Les boulevards étaient déserts. Je marchais seul, après minuit, dans toute leur longueur, regardant et écoutant avidement. Le ciel pur étendait sur 15 le sol la blanche lueur de ses étoiles; mais les maisons étaient éteintes, closes et comme mortes. Tous les réverbères des rues étaient brisés. Quelques groupes d'ouvriers s'assemblaient encore près des arbres, écoutant un orateur mystérieux qui leur glissait des paroles secrètes à voix basse. 20 Puis ils se séparaient en courant, et se jetaient dans des rues étroites et noires. Ils se collaient contre des petites portes d'allées qui s'ouvraient comme des trappes et se refer

maient sur eux. Alors rien ne remuait plus, et la ville semblait n'avoir que des habitants morts et des maisons pestiférées.

On rencontrait, de distance en distance, une masse 5 sombre, inerte, que l'on ne reconnaissait qu'en la touchant : c'était un bataillon de la Garde, debout, sans mouvement, sans voix. Plus loin, une batterie d'artillerie surmontée de ses mèches allumées, comme de deux étoiles.

On passait impunément devant ces corps imposants et 10 sombres, on tournait autour d'eux, on s'en allait, on revenait sans en recevoir une question, une injure, un mot. Ils étaient inoffensifs, sans colère, sans haine; ils étaient résignés et ils attendaient.

Comme j'approchais de l'un des bataillons les plus 15 nombreux, un officier s'avança vers moi, avec une extrême politesse, et me demanda si les flammes que l'on voyait au loin éclairer la porte Saint-Denis ne venaient point d'un incendie; il allait se porter en avant avec sa compagnie pour s'en assurer. Je lui dis qu'elles sortaient de quelques 20 grands arbres que faisaient abattre et brûler des marchands, profitant du trouble pour détruire ces vieux ormes qui cachaient leurs boutiques. Alors, s'asseyant sur l'un des bancs de pierre du boulevard, il se mit à faire des lignes et des ronds sur le sable avec une canne de jonc. Ce fut à 25 quoi je le reconnus, tandis qu'il me reconnaissait à mon visage. Comme je restais debout devant lui, il me serra la main et me pria de m'asseoir à son côté.

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Le capitaine Renaud était un homme d'un sens droit et sévère et d'un esprit très-cultivé, comme la Garde en renfermait beaucoup à cette époque. Son caractère et ses habitudes nous étaient fort connus, et ceux qui liront ces souvenirs sauront bien sur quel visage sérieux ils doivent placer son nom de guerre donné par les soldats, adopté par les officiers et reçu indifféremment par l'homme. Comme 35 les vieilles familles, les vieux régiments, conservés intacts par la paix, prennent des coutumes familières et inventent des noms caractéristiques pour leurs enfants. Une ancienne blessure à la jambe droite motivait cette habitude du capitaine de s'appuyer toujours sur cette canne de jonc, dont 40 la pomme était assez singulière et attirait l'attention de tous

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