proposés, appartenait au prélat qui était désigné pour procéder à l'ordination « qui ordinat », c'était en général le métropolitain assisté de deux autres évêques. Ainsi élu et ordonné, l'évêque avait désormais sa place, et une place très importante dans la hiérarchie sociale. Mais on ferait erreur, si on voulait le ranger parmi les Nobilissimi, les clarissimi, les illustres ou les spectabiles. La vérité, c'est qu'il était en dehors de cette classification de la noblesse du Bas-Empire; mais il en avait les prérogatives et les honneurs, et tout nous porte à croire que dans l'esprit des empereurs comme des peuples, les évêques bien que placés dans une sphère à part, avaient un rôle et un prestige supérieurs à tous les dignitaires de l'empire. C'est ainsi que Justinien leur donne des attributions de contrôle et de surveillance sur les « Présidents de Provinces », qui étaient les lieutenants directs de l'empereur (1). Les attributions dévolues aux évêques par les empereurs chrétiens sont d'importance très variable, et relatives à de nombreuses et bien différentes matières. Nous avons pu toutefois les ranger sous quatre chefs principaux: attributions relatives à leur pouvoir de rendre des sentences; attributions qui leur appartenaient en qualité de défenseurs des cités; attributions relatives au droit d'asile ; relatives enfin aux affranchissements. De ces quatre groupes, le premier est certainement le plus important. Aussi ne s'étonnera-t-on pas que nous (1) V. Novelle 86. lui ayions consacré la majeure partie de ce travail. Simples arbitrages, à l'origine et pendant de longs siècles, mais avec des tâtonnements, des extensions et des restrictions exagérées, les sentences épiscopales trouvent leur domaine. définitif dans la législation de Justinien. Elles se transforment alors en véritable juridiction contentieuse, mais sont exclusivement relatives aux clercs. C'est la juridiction ecclésiastique, le privilège clérical et la naissance des officialités, que nous trouvons dans les Novelles. Il va sans dire que nous ne nous sommes occupés que des sentences rendues par les évêques relativement au droit public, civil ou criminel, en d'autres termes de leur juridiction en matière temporelle. Leur juridiction spirituelle n'a pas été soumise aux mêmes fluctuations; elle s'est toujours affirmée et maintenue avec la même portée; son étude ne rentrait en aucune façon dans notre programme. Il n'est peut-être pas sans intérêt de faire remarquer, que le même empereur qui, après avoir reconnu la liberté des cultes dans l'Édit de Milan, sanctionnait les décisions rendues par les évêques, permettait également aux juifs et aux payens de faire trancher leurs différends par les Pontifes de leur religion. Une loi de 358, rendue par Arcadius et Honorius, consacra sur ce point la législation de Constantin. La juridiction ecclésiastique qui a rendu, aux époques de barbarie, de si grands services à la civilisation, n'est pas née, comme on pourrait le croire, dans une constitution impériale, ni dans un acte quelconque du pouvoir romain. Elle est à proprement parler, d'origine coutumière, et lorsque le premier empereur chrétien lui a donné la sanction légale, elle avait déjà une existence trois fois séculaire. Les premiers chrétiens la connaissaient à n'en pas douter; je n'en veux pour preuve que la lettre de Saint Paul aux (1) Nous expliquerons plus bas que nous n'employons le mot juridiction que pour la commodité du langage, mais que nous n'entendons nullement lui donner ici, la signification précise qu'il avait en droit romain. Corinthiens (1) dans laquelle l'apôtre non seulement recommande aux chrétiens de soumettre leurs différends aux évêques, mais s'étonne que cette coutume ne soit pas unanime. Elle était donc déjà assez généralement suivie. Cette coutume se comprend d'ailleurs et s'explique aisément. De nombreuses raisons poussaient les membres de la primitive Eglise à agir ainsi. Saint Paul ne leur avait-il pas donné le conseil, de ne pas offrir aux payens le spectacle de leurs contestations pécuniaires? Les tribunaux de droit commun d'autre part, n'avait rien qui put les attirer: la procédure y rappelait le vieux formalisme payen que réprouvaient également leur foi et leur bon sens, et de plus ils s'exposaient, au cours du procès, à être dénoncés comme chrétiens, passibles, à ce titre, des plus sévères châtiments. pa La juridiction des évêques était, au contraire, toute ternelle. Elle n'entraînait pas de frais et n'assujettissait à aucune formalité inutile; la sentence était rendue d'après les scules données de la justice et de la raison; le juge, enfin, n'oubliait pas que son rôle devait être avant tout, conciliateur, et, soit que l'accord intervint avant la sentence, soit que le litige suivit son cours, les plaideurs ne se retiraient pas sans avoir reçu les conseils de la sagesse et du pardon. Ce tableau de la Justice épiscopale durant les premiers siècles de notre ère, ressemble fort à cet idéal de justice auquel aspire l'esprit moderne, mais dont les compli (1) « Audet aliquis vestrum, habens negotium adversus alterum, judicari apud iniquos et non apud sanctos? » Ad Corinth., I, 6. |