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qui ne le connaissaient pas, après un échange de quelques mots, lui demandèrent s'il ne pouvait leur indiquer la retraite de Fruchart connu sous le sobriquet de Louis XVII. « Je puis vous le faire voir, répondit-il, venez avec moi. » Il les attire près d'une embuscade des siens et leur dit : « Ce Louis XVII que j'ai promis de vous montrer, le voici. En garde!» A ces mots il tire son pistolet de dessous son habit, les charge, les met hors de combat et puis regagne paisiblement ses compagnons.

Cependant les alliés, Russes, Polonais, Saxons, partis de Courtrai, leur quartier général, pénétraient en Flandre du côté de Bailleul. Le 16 février 1814, le baron de Geismar, colonel aux gardes de l'empereur de Russie et commandant un corps de cavalerie légère de six à sept cents hommes vint prêter son appui aux conscrits insurgés. Il adresse aux habitants du pays de Lalleu et cantons voisins cette proclamation en français : «On fait savoir que tout conscrit et tous autres, qui » voudront se battre pour la cause des Bourbons, » seront commandés par Louis Fruchart surnommé >> Louis XVII, qui marche avec un corps de troupes » alliées. Ils seront bien nourris, habillés et payés. »

Fruchart profita de ce nouveau concours pour faire triompher dans la vallée du Lys et dans toute la région d'alentour la cause monarchique et pour adoucir les rigueurs de l'invasion. Quand le baron de Geismar arriva à Hazebrouck le 17 février avec ses Cosaques et ses Saxons, Fruchart qui avait toujours traité avec humanité les prisonniers faits par les insurgés, lui qui distribuait aux indigents les produits des prises deguerre, osa lui parler avec autant de courage que d'indépendance et lui déclara qu'il ne souffrirait pas le

pillage dont la ville semblait menacée... et les Cosaques ne regardèrent pas sans étonnement ce capitaine paysan coiffé d'un chapeau rond et caracolant fièrement sur sa grosse jument pommelée, au milieu de la Grande'Place d'Hazebrouck, où bivouaquaient leurs chevaux légers tartares.

Après la première Restauration et au retour de Napoléon de l'île d'Elbe, les volontaires du pays de Lalleu coururent de nouveau aux armes et rejoignirent, à Gand, le monarque fugitif. Dans la suite ils composèrent deux régiments sous les ordres de Bourmont et du prince Croï-Solre.

Louis XVIII, rétabli sur le trône de ses aïeux, n'oublia pas la famille Fruchart. Pour récompenser Louis, le chef des Vendéens flamands, il le nomma capitaine de ses gardes. Un de ses frères fut incorporé dans la compagnie de Noailles, un autre fut lieutenant au 28° de ligne. Quant aux vieux parents, le roi, plein de reconnaissance, leur alloua sur sa liste civile une honorable pension.

ET

L'AVOCAT POIRIER

DE DUNKERQUE

PAR

M. JOSEPH PYOTTE

Les journées de Thermidor avaient été le signal de la réaction contre le régime qui, depuis la chute des Girondins jusqu'à la mort de Robespierre (31 Mai 179327 Juillet 1794), avait désolé la France. On avait enfin réussi à se débarrasser de la domination des comités et des clubs, et ceux qui avaient été les inspirateurs ou les agents de la Terreur devaient subir le châtiment de leurs crimes.

L'ancien Oratorien, Lebon, qui avait fait des départements du Nord et du Pas-de-Calais le théâtre de ses tristes exploits en reçut alors la juste récompense.

Il n'est pas de notre rôle de retracer ici la vie de Joseph Lebon. Tour à tour, oratorien, professeur à Beaune, curé constitutionnel à Neuville, près d'Arras, Joseph Lebon devint maire de cette dernière ville, et, appelé par l'élection à nombre de charges importantes, jeta le masque et se maria.

Membre de la Convention, il fut envoyé en qualité de commissaire de la dite assemblée dans son département, et y mit d'abord en liberté quelques gens de bien, ordonnant l'arrestation des démagogues les plus furieux. Cette conduite le fit dénoncer comme modéré. Le Comité de Salut public lui adressa des reproches et Lebon promit de mieux faire. Dès lors, il se mit à surpasser les plus cruels, et alla si loin qu'il fut dénoncé cette fois comme un être immoral et sanguinaire. Le Comité de Salut public dont il tenait ses instructions et son pouvoir prit alors sa défense, déclara que les mesures de Lebon étaient un peu ACERBES, mais qu'elles avaient sauvé la République, et adressa à son protégé une lettre pour approuver sa conduite, et l'inviter à continuer.

Mais, par un juste retour des choses d'ici-bas, le 16 Octobre 1795, Lebon gravissait l'échafaud et expiait ses forfaits. Toutefois, avant de mourir, il fit comme tant d'autres, il rejeta tout sur Robespierre, sur les Comités, sur la Convention. Il ne se donna que pour un instrument passif et aveugle. Quand le bourreau vint le revêtir de la chemise rouge dont on couvre les assassins, il lui dit : « Ce n'est pas moi qui dois la porter, il faut l'envoyer à la Convention. » (1)

Telle fut la fin de Joseph Lebon. Il était nécessaire de s'étendre quelque peu sur ses tristes exploits et sa mort, pour permettre l'intelligence plus complète des lignes qui vont suivre. Si l'histoire nous donne des détails circonstanciés et nombreux, elle est moins explicite sur un fait non moins certain que les autres; et, ce que l'on sait moins, c'est qu'un Dunkerquois

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