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BIBLIOGRAPHIE

SÉJOUR DE LOUIS XIV A DUNKERQUE
DU 3 AU 23 MAI 1671

On sait que Louis XIV porta un grand intérêt à Dunkerque et qu'il vint à plusieurs reprises activer les travaux du port par sa présence. Notre président honoraire, M. Em. Mancel, a publié l'an dernier le Premier séjour à Dunkerque du roi Louis XIV (1662). Comme suite à ce travail, nous reproduisons une curieuse relation du voyage du grand roi en 1671, extraite de la Gazette de France, et qui nous a été communiquée par notre dévoué collègue M. F. COSSONNET.

Le Roi et la Reine quittèrent Saint-Germain-enLaye le jeudi 24 avril, pour arriver le soir à Chantilly. (1)

Le 23, Leurs Majestés couchèrent à Liancourt; le 27, à Breteuil; le 28, à Amiens; le 29, à Abbeville; le 30, à Montreuil; le 1er mai, à Boulogne ; le 2, à Gravelines.

Le 3 mai, après avoir ouï messe en la grande église, Leurs Majestés partirent sur les onze heures et prirent la route de Dunkerque.

Le Roi étant monté à cheval ainsi que Monsieur, à

(1) C'est pendant le séjour du roi à Chantilly, que Vatel se transperça de son épée, le vendredi matin, 24 avril, parce que le poisson qu'il avait demandé de tous côtés n'arrivait pas au château ; déjà la veille au soir, il était dans une grande agitation, le rôti ayant manqué à la vingtcinquième table (sur 60).

La Gazette ne souffle pas mot sur Vatel et dit le 23 : « Leurs Majestés ayant ouï messe au château et été traitées ainsi que le jour précédent, avec une quantité prodigieuse de poisson, le plus beau et le mieux apprêté, partirent d'ici sur le soir, pour continuer leur voyage. »

une lieue du camp, rencontra son armée sous les ordres de M. de Duras, rangée en bataille, sur le chemin de Mardick, et marchant à la tête des bataillons, trouva toutes les troupes dans le plus bel ordre qui se puisse imaginer.

Ensuite, le Roi retourna au devant de la Reine, qui entra à Dunkerque sur les quatre heures et ce monarque infatigable, visita aussitôt les nouveaux travaux et fit le tour de la place.

Le 4 mai, au matin, Sa Majesté alla voir les soldats, qui sont employés à ces ouvrages pendant quinze heures chaque jour, et se relèvent au nombre de 9500 hommes à la fois. Les premiers commençant à quatre heures du matin et finissent à neuf, les seconds continuant jusques à deux de l'après-dinée, et les troisièmes jusques à sept du soir; le tout se faisant avec un si bel ordre que les uns quittent et les autres reprennent, sans qu'il paraisse aucune interruption, comme aussi avec une diligence merveilleuse, par le soin que des officiers de chaque régiment, qui sont à la tête, prennent d'animer les travailleurs.

Mais ils sont extraordinairement encouragés par la présence du Roi, qui les visite, chaque jour, deux fois, accompagné de Monsieur.

Le 5 mai, Leurs Majestés entendirent la messe en l'église des Jésuites, et après avoir dîné en public, le Roi alla voir les vaisseaux, comme aussi, la Reine, laquelle fut en carrosse à la promenade, vers les écluses.

Le 6, le Roi alla, selon sa coutume, voir le camp, puis les travailleurs, à chaque brigade desquels Sa Majesté ordonna qu'on distribua des rafraîchissements pour les exciter davantage, à faire leur devoir. Ensuite,

elle fit revue de la cavalerie de sa maison, que Monsieur alla voir défiler dans les dunes; après quoi, elle (S. M.) fit faire l'exercice au régiment royal.

La Reine continua, l'aprés-dinée, la promenade vers le rivage de la mer, ayant été au monastère des religieuses de l'Immaculée-Conception de la Vierge, où Sa Majesté fut reçue par la supérieure, à la tête de sa communauté et régalée d'une collation des plus beaux fruits de la saison.

Le 7, jour de l'Ascension, au matin, le Roi reçut les envoyés du roi d'Angleterre; la Reine les reçut, l'aprèsdinée, et Monsieur, sur le soir.

Le même jour, la Reine communia en l'église des Jésuites, par les mains de l'évêque de Langres, la nappe tenue par Mademoiselle d'Orléans et par Mademoiselle d'Elbeuf. L'après-dînée, Sa Majesté y retourna entendre vêpres, à l'issue desquelles, elle continua l'exercice de sa piété au monastère des Récollets, où elle fut reçue par le gardien assisté de ses religieux.

Le 8, elle alla aussi au couvent des religieuses pénitentes de Sainte-Elisabeth, entendre complies, accompagnée de Mademoiselle d'Orléans et y fut reçue par la supérieure, qui lui présenta la collation; puis elle prit de rechef le divertissement de la promenade.

Le 8, Monsieur étant sorti du port sur un vaisseau hollandais, suivi de toute sa maison, prit le plaisir de la promenade sur mer, puis revint jusques à la tête du port, où il aborda sur de petites chaloupes, ayant fait ressentir les effets de sa générosité ordinaire, au patron et à tous les matelots de ce navire.

Aussitôt débarqué, il monta à cheval, avec le roi, pour aller visiter les travaux, le camp et les vaisseaux.

Le 9, Sa Majesté fit encore revue de la cavalerie de sa maison, à une lieue d'ici, vis-à-vis de Mardick. La Reine retourna au couvent des Récollets, où elle fit ses dévotions, et, l'après-dînée, elle entendit complies, en la petite église de la Citadelle, puis fut en chaise sur les terrasses et plateformes.

Le 10, Sa Majesté étant montée à cheval, l'aprèsdinée, accompagnée de Monsieur, fit proche de Gravelines, la revue générale de ses troupes en présence d'une foule prodigieuse de peuple et mème d'une infinité d'étrangers accourus de toutes les villes voisines lesquels ne pouvaient assez admirer la beauté et le bon ordre de cette armée, non plus que la majesté de ce grand monarque.

La Reine qui se trouva à cette revue, alla ensuite en Féglise des Capucins de la Basse-Ville dont le gardien la complimenta et Sa Majesté entra au jardin de ces bons pères.

Le Roi continua tous les jours, le matin et le soir, d'aller à cheval visiter les nouveaux travaux, accompagné de Monsieur; et Sa Majesté, pour encourager de plus en plus, les troupes qui y sont employées, à se signaler, a proposé des primes considérables, aux régiments qui auront plûtot achevé leur travail. Ceux d'Alsace, du roi, et de Sault, les ont emportez, et de cette manière l'émulation et la présence d'un monarque qui prend le soin, avec tant de bonté, de leur faire essuyer agréablement leurs fatigues, ainsi que l'exemple et l'assiduité des officiers, font avancer ces ouvrages, avec une diligence extraordinaire.

Sa Majesté va pareillement tous les jours, voir son camp et porte de cette façon, continuellement ses soins de tous côtés, avec une ardeur qu'on ne peut assez

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