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ajouter foi. J'ay ouy conter, dit Brantôme dans ses Dames galantes (je ne scay s'il est vray, aussy ne le veux-je affirmer), qu'au commencement que les huguenots plantèrent leur religion, faisoient leurs presches la nuit et en cachettes, de peur d'estre surpris, recherchés et mis en peine, ainsy qu'ils le furent un jour en la rue Sainct Jacques à Paris, du temps du roy Henry second, où des grandes dames que je scay, y allans pour recevoir ceste charité, y cuidèrent estre surprises. Après que le ministre avoit faict son presche, sur la fin leur recommandoit la charité; et incontinent après on tuoit leurs chandelles, et là un chascun et chascune l'exercoit envers son frere et sa sœur chrestienne, se la departans l'un à l'autre selon leur volonté et pouvoir ce que je n'oserois bonnement asseurer, encor qu'on m'asseurast qu'il estoit vray, mais possible est pur mensonge et imposture. » Cependant, malgré les assertions du catholique abbé de Brantôme, qui raconte ensuite les aventures de la belle Grotterelle au prêche de Poitiers (voy. Dames galantes, disc. Ier), il est à peu près certain que jamais les novateurs du seizième siècle, en France, ne donnèrent lieu à des scandales que les Anabaptistes et les Adamites des Pays-Bas n'épargnaient pas alors à la pudeur publique. Ainsi, dans l'histoire des innovations religieuses de notre pays, on ne trouverait aucun fait à opposer à cette indécente assemblée qui se fit à Amsterdam, le 13 février 1535, dans laquelle sept

hommes et cinq femmes, cédant aux excitations et à l'exemple d'un prophète anabaptiste, se dépouillèrent de tous leurs vêtements, les jetèrent au feu et sortirent, à travers les rues, dans un état de complète nudité. (Voy. la Rel. des tumultes des Anabapt., par Laur. Hortensius.) Il faut aller jusqu'aux convulsionnaires du dix-huitième siècle, pour rencontrer en France quelque chose d'analogue à cet aveuglement de Prostitution religieuse.

Cette persistance de la Prostitution dans l'hérésie, en tous les temps comme en tous les pays, prouve bien l'excellence de la morale évangélique, qui avait seule le pouvoir de combattre les grossiers appétits de la sensualité. L'hérésie commence, dès que le chrétien, sans cesse assailli et tourmenté par le démon de la chair, a brisé les liens de la continence et s'abandonne aux funestes instincts qui le poussent au vice. Si les disciples de Luther et de Calvin appelèrent la cour de Rome la Grande Prostituée, c'est que l'Église romaine, à l'époque où parurent ces réformateurs, avait entièrement oublié les préceptes de Jésus-Christ. L'hérésie cette fois s'était purifiée dans l'Évangile, tandis que le saint-siége devenait, pour ainsi dire, le honteux sanctuaire de la Prostitution. Ce fut l'hérésie qui fit rougir le catholicisme, en signalant la dépravation de ses ministres et la corruption de ses enfants; ce fut l'hérésie qui eut la gloire de remettre en honneur la chasteté des mœurs dans la religion de Jésus-Christ.

CHAPITRE XXVIII.

Les vieux sermonnaires font l'histoire de la Prostitution de leur temps. Selon Dulaure, la Prostitution était un vice de gouvernement. Selon Henri Estienne, tout va de mal en pis. Olivier Maillard, Michel Menot, Jean Clerée, Guillaume Pepin et autres prêchaient pour le petit peuple. ordinaires. Les vendeurs dans le temple.

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Leurs auditeurs

Nombre des

Admiration du

filles publiques à Paris au quinzième siècle.
poëte Antoine Astezani. Les amoureux à l'église.

Les ser

mons étaient-ils débités en latin ou en français? Olivier Maillard à Saint-Jean en Grève. - Extraits de ses sermons et de ceux de Michel Menot, relatifs aux mauvais lieux, aux prostituées, aux proxénètes des deux sexes, et aux débauchés. - Ces citations prouvent que la Prostitution s'était énormément accrue sous Louis XI, Charles VIII et Louis XII. Les mères qui vendent leurs filles et les filles qui gagnent leur dot. -Style macaronique de Menot. Le courtier d'amour et les cinq femmes. Débordements des ecclésiastiques.

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Les concubines à pain

et à pot. - Mystères des couvents, d'après Théodoric de Niem. Les jeux de mots, en chaire, de l'Italien Barletta. - Causes des progrès de la Prostitution.

Nous avons recueilli les preuves de cette Histoire dans les ouvrages des poëtes, qui menaient la plu

part une vie vagabonde et libertine; nous avons constaté combien ces ouvrages étaient les miroirs fidèles des mauvaises mœurs, à l'époque où ils avaient été composés. Ce n'est plus chez les poëtes, que nous allons chercher maintenant les vestiges de la dépravation publique à la fin du quinzième siècle et au commencement du seizième; c'est dans les sermons des prédicateurs contemporains, que nous trouverons ⚫ des couleurs nouvelles, plus vraies et plus hardies, pour compléter ce tableau étrange d'une corruption générale qui témoigne de l'impuissance des lois divine et humaine contre le démon de la sensualité. Dulaure qui, dans son Histoire de Paris, s'est servi également des vieux sermonnaires pour peindre l'état moral de la société à cette même époque, n'a point exagéré les choses en représentant la Prostitution comme la reine triomphante du quinzième siècle; mais il a eu tort de dire qu'elle n'était qu'un des moindres effets des vices du gouvernement. »>.Le gouvernement n'avait rien à voir en cette affaire. « La Prostitution, autorisée par les rois, s'écrie l'impitoyable Dulaure, était encore favorisée par le grand nombre des célibataires, prêtres et moines; par le libertinage des magistrats, des gens de guerre, etc. >> Dulaure ne soutenait pas la thèse de l'Apologie pour Hérodote, où Henri Estienne s'efforce de démontrer que tout va de mal en pis ici bas, « car, dit-il, quelque corruption qu'il y peust avoir, il est vraysemblable qu'elle estoit petite à comparaison de celle

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