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faire, forment l'épisode le plus curieux et le plus caractéristique de l'histoire de la Prostitution à la fin du seizième siècle.

CHAPITRE XXXIX.

SOMMAIRE. Les annales de la cour sous Henri III et Henri IV.

La belle Châteauneuf.

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Le souper des trois rois chez Nantouil

Le mariage de la maîtresse du roi. — L'assassinat de

Indignes violences de La comédie du Paradis d'amour.

madame de Villequier par son mari. Henri III et de ses mignons.

-Bibliothèque de madame de Montpensier. Manifeste des

dames de la cour. - Les filles d'honneur de la reine.

Malherbe et le seigneur de la Loue.

de Termes.

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La Sagonne et le baron

Indulgence de Henri IV. — Commencements de

la belle galanterie. - Conséquences du luxe. Le mouchoir de 19,000 écus.

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Dulaure remarque avec raison, dans son Histoire de Paris (édit. in-12, t. IV, p. 492), que les scènes de luxure décrites complaisamment par Brantôme pour représenter l'état des mœurs de la cour << ressemblent à celles que pourraient offrir les annales d'un lieu de débauche; » mais Brantôme, qui

vécut jusqu'en 1614, avait quitté la cour en 1582, par suite d'un dépit de courtisan, pour se retirer dans ses terres, où il écrivit ses mémoires, qui ne nous sont pas tous parvenus. Sa nièce, madame de Duretal, prit soin de brûler les plus scandaleux, et l'on peut juger ce qu'ils étaient par ceux qui nous restent. Brantôme n'a donc pu voir par ses propres yeux la fin du règne de Henri III ni tout le règne de Henri IV; il ne savait ce qui se passait au Louvre, que par les correspondances des amis qu'il y avait laissés, et il s'est abstenu de recueillir, d'après leur témoignage plus ou moins partial, tous les faits dont il ne fut pas témoin et garant. Ainsi, ne pouvons-nous pas lui demander des renseignements sur l'histoire de la Prostitution à la cour de Henri III et de Henri IV. Brantôme, si on le juge par quelques pages où il se montre l'implacable ennemi des débauches italiennes, gémissait sans doute de l'aberration honteuse, dans laquelle était tombé le dernier des Valois, entouré de vils mignons; il croyait que, sous l'influence de ces horreurs étrangères, le joli train de la cour de France avait cessé, et que l'amour des dames, tant recommandé par les traditions françaises, n'existait plus que chez de vieux courtisans et d'incorruptibles gentilshommes. Il ne faut pas supposer, néanmoins, que l'abominable secte des mignons et des hermaphrodites eût détruit toute honnête galanterie, et que les dames fussent devenues à la cour de Henri III neutres ou indifférentes

dans une question où elles avaient toujours été les premières intéressées. Il faut même dire, pour l'honneur des mignons, qu'ils n'étaient pas si négligents du beau sexe, qu'on pourrait le penser à cause de leur vilaine réputation. Henri III avait eu des maitresses, ses favoris en avaient également, et plusieurs d'entre eux qui périrent de mort tragique ne purent en accuser que les femmes.

Henri III, lorsqu'il n'était encore que duc d'Anjou, aimait Renée de Rieux, connue sous le nom de la belle Châteauneuf; c'était une de ces filles d'honneur de Catherine de Médicis, que le fameux libelle huguenot, intitulé le Tocsin des Massacreurs, n'a probablement pas calomniées, quand il les marque du sceau de la Prostitution : « Nul n'ignore, lit-on dans ce libelle (p. 49 de l'édit. de 4570), l'impudicité des filles de la suitte de la Roine mère, tesmoins la Rouet, Montigny, Chasteauneuf, Atri et autres, desquelles la chasteté est si peu connue, qu'elle ne trouveroit pas un seul tesmoing chez tous les courtisans.» Lorsque le duc d'Anjou dut partir pour la Pologne, où l'appelait le vœu des nobles polonais qui lui avaient offert la couronne, il voulait trouver un mari pour mademoiselle de Châteauneuf, à laquelle il avait fait, dit-on, une promesse de mariage par écrit. Il chercha parmi les seigneurs de la cour celui qui pourrait prendre son lieu et place. Mademoiselle de Châteauneuf, qui était d'un caractère orgueilleux et inflexible, ne se prêtait guère, il est vrai, à ce trafic

matrimonial. Le duc d'Anjou jeta les yeux sur Nantouillet, prévôt de Paris, un de ses compagnons de table et de plaisir ; Nantouillet déclina très-fièrement le déshonneur qu'on prétendait lui faire, et répondit au nouveau roi de Pologne, que, « pour épouser une fille de joie, il attendrait que Sa Majesté eût établi des bordeaux dans le Louvre. » Cette réponse fut rapportée à Charles IX, qui en garda rancune à Nantouillet. Peu de jours après (septembre 1573), on intercepta une lettre écrite de Paris par un courtisan, dans laquelle il était parlé, en ces termes, d'un grand scandale qui venait d'avoir lieu et qui faisait l'entretien de la ville et de la cour: « J'ay veu, disait l'auteur de cette lettre, les trois rois, qu'on appelle le Tyran, le roy de Polongne, et le tiers, le roy de Navarre, qui, pour rendre grâces à Dieu pour la paix et leur délivrance, ne cessoyent de le despiter et provoquer à vie, par leurs lascives puanteurs et autres tels sardanapalismes. Je sceu comme ces trois beaux sires s'estoient fait servir, en un banquet solemnel qu'ils firent, par des putains toutes nues... MM. Champollion, dans leur édition du Journal de Henri III, se sont abstenus de reproduire certains passages obscènes, que Pierre de l'Estoile avait insérés tout au long dans son manuscrit. Le banquet n'avait été que le prélude de scènes plus inouïes encore. Les trois rois, « estant en peine à quoy ils employeroient le reste de la nuit, »> avaient fait avertir Nantouillet, qu'ils iraient

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