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CHAPITRE XXXVII.

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SOMMAIRE.

La Prostitution des mignons de Henri III. — Arrivée des Italiens à la cour de France. Influence de leurs mœurs. Rachat du péché de sodomie.

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Le sorbonniste Nicolas

Maillard. Opinion des honnêtes gens exprimée par Brantôme.

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écoliers et les Italiens. Le capitaine La Vigerie. - Origine

des mignons.

Leur portrait par P. de l'Estoile. Les indi

gnités de la cour. Les variantes.

-Sonnet vilain.

Catalogue des mignons. La part de la calomnie. Poésies et li

belles satiriques des huguenots et des ligueurs.

Lettre d'un

Enfant de Paris. Les sorcelleries de Henri de Valois. — Les

mascarades et les Le moine Poncet.

-

grippa d'Aubigné.

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La confrérie des Pénitents.

Noms des mignons. Les Tragiques d'A

Les Hermaphrodites. L'autel d'Antinous. La déesse Salambona. - Aventure de la Sarbacane.La Confession de Sancy. — Le Juvénal de la cour de Henri III.

Avant de rechercher quel fut l'état de la Prostitution à la cour de Henri III, nous ne pouvons, sous

peine de laisser une lacune notable dans cette histoire des mœurs, omettre à dessein un genre de dépravation qui a imprimé profondément sa souillure au règne du dernier des Valois. C'est un abominable sujet, que nous traiterons à part avec tout le dégoût qu'il nous inspire et avec tous les ménagements que la décence du langage nous permettra d'apporter dans l'extrait presque textuel des ouvrages contemporains. Il est impossible de s'occuper de la honteuse époque de Henri III, sans parler de ses mignons et des turpitudes qu'ils ont attachées à la mémoire de leur maître. Tous les historiens les plus graves et les plus sérieux, d'Aubigné, de Thou, Mézeray, etc., n'ont pas craint de salir les pages de leurs annales historiques, en y consignant, pour l'enseignement de la postérité, les abominations qui déshonorèrent la vie privée d'un Roi Très-Chrétien; il n'y a que le père Daniel qui ait essayé de le justifier ou du moins de le protéger, par des réticences complaisantes : « Quoiqu'il ne faille pas ajouter foi, dit-il dans sa grande Histoire de France, à tout ce que les huguenots et les ligueurs ont écrit de ses débauches secrètes, il est difficile de croire que tout ce qu'on en disait fût généralement faux. » Nous n'entreprendrons pas de défendre Henri III et ses mignons contre les accusations qui étaient alors dans toutes les bouches et qui formèrent bientôt la formidable voix de l'opinion publique; mais nous reconnaissons, avec le père Daniel, que les calomnies des huguenots et plus

tard celles des ligueurs brodèrent, pour ainsi dire, mille ordures extravagantes sur un canevas, malheureusement trop réel et trop scandaleux. L'horrible épisode des mignons de Henri III nous paraît avoir été singulièrement exagéré par l'esprit de parti religieux et politique.

On ne saurait nier que l'arrivée des Italiens en France, à la suite de Catherine de Médicis, n'ait eu certaine influence détestable sur les mœurs de la cour; mais, si de jeunes seigneurs debauchés se livraient quelquefois à l'imitation des vilaines coutumes de Chouse (comme on appelait l'italianisme français), ils se gardaient bien d'abord de se vanter de leurs désordres infâmes, trop contraires à la galanterie nationale; ils se défendaient même avec énergie d'un vice qui faisait horreur à tous les honnêtes gens. Mais on se relâcha peu à peu de cette vergogne toute française, et il y eut de la tolérance là où il n'y avait eu jusqu'alors qu'une implacable indignation. << Et quand il n'y auroit autre chose que la sodomie telle qu'on la voit pour le jourdhuy, s'écriait Henri Estienne dans son Apologie pour Hérodote, publiée en 1576, mais écrite auparavant, ne pourrions-nous pas à bon droict nommer nostre siècle le parangon de meschanceté, voire de meschanceté détestable et exécrable? » Le peuple, le cœur de la nation, était resté pourtant, il faut le dire, pur de cette méchanceté, et le déplorable exemple de la cour n'avait pas eu le pouvoir de corrompre la vieille candeur de la bourgeoisie. La sodomie, qui

n'était qu'un péché ordinaire en Italie, où le pécheur pouvait se faire absoudre en payant 36 tournois et 9 ducats (voy. la Taxe des parties casuelles de la boutique du pape, trad. par A. du Pinet, édit. de Lyon, 1564, in-8°), devenait en France un crime capital qui conduisait son homme au bûcher. Il est vrai que les tribunaux appliquaient bien rarement la peine, portée dans la loi, lorsque ce crime, qu'on regardait comme un fait d'hérésie, ne se mêlait pas à des actes de magie, de sorcellerie ou d'athéisme. «Que je soye ladre, dit maître Janotus de Bragmardo dans sa harangue à Gargantua (liv. I, ch. 20), s'il ne vous fait pas brusler comme bougres, traistres, hérétiques et séducteurs, ennemis de Dieu et de vertus! » Les libertins, qu'on soupçonnait seulement de cette macule indélébile, étaient donc partout montrés au doigt, << fuis et abhorrés, » comme dit Rabelais. On ne pardonnait pas aux Italiens établis en France depuis le mariage du Dauphin Henri avec la fille de Laurent de Médicis, duc d'Urbin, une nouveauté de débauche, qu'ils avaient, disait-on, apportée avec eux. L'auteur du Cabinet du roy de France, dans son épître à Henri III, n'hésitait pas à dénoncer : l'athéisme, sodomie et toutes autres sinistres ou puantes académies, que l'estranger a introduites en France... Mais, quinze ans avant lui, Henri Estienne avait fait semblant de vouloir réhabiliter l'Italie et les Italiens, pour lancer cette cruelle épigramme contre le sorbonniste Nicolas Maillard: « Or ne veux-je pas, dire

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