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ne le doivent qu'à plus de précautions ou plus d'habileté. Sans prétendre que la Providence ne soit, comme l'a dit plaisamment un auteur du siècle dernier, que le sobriquet du hasard; sans vouloir qu'un livre d'éducation soit l'ouvrage d'un esprit fort, encore peut-on desirer qu'il s'occupe plutôt de faits que de dogmes. Tous les parens desirent que leurs enfans s'instruisent; fort peu les destineut à la profession de capucin, quelque respectable qu'elle soit.

Après la réflexion qui précède, on sera peut-être surpris de la citation qui suit. Nous la donnons comme un correctif à l'impression qu'aurait pu laisser notre critique. L'auteur parle du clergé lapon.

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« Ces maîtres fripons se servaient dans ce pays - là d'un » certain tambour pour leurs charlataneries; mais le gou» vernement suédois auquel la plupart des Lapons sont » soumis, leur en a défendu l'usage sous peine de mort. » L'expérience de tous les siècles a malheureusement prouvé l'insuffisance des lois pénales pour extirper la superstition et les préjugés les plus extravagans. Le seul » moyen propre à amener cet heureux résultat, c'est une > bonne instruction dès la jeunesse. Tout ce qu'on a pu » effectuer par la sévérité, a été d'obliger les superstitieux Lapons à pratiquer leurs absurdes cérémonies en secret, » et de les en rendre plus avides parce qu'on les leur a » défendues. Qu'on cherche à les rendre plus raisonnables; » alors leur foi aux magiciens, aux revenans et aux dia»bleries s'évanouira sans le secours des lois.

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» Voyez, mes enfans, (car pourquoi ne nommerais-je » pas ainsi mes jeunes lecteurs, puisque même sans les » connaître, j'ose assurer que je sens pour eux toute la » bienveillance que pourrait avoir un vrai père?) voyez, dis-je, quels avantages on retire de la lecture des relations de voyages: vous apprenez ici, par exemple, en » passant, ce que vous devez penser à l'avenir de ceux qui vous parleront de superstitions, d'apparitions, de magie, de guérisons miraculenses, de trésors à déterrer, » de l'art de faire de for, et autres belles choses de cette

espèce. Vous devez juger d'abord que ce sont ou des » fripons ou des sots, et dans l'un ou l'autre cas, il ne » faut leur ouvrir ni l'oreille ni la bourse. »

Le premier des six petits volumes de cette collection qui sont publiés jusqu'à ce jour, contient une rélation d'un voyage entrepris dès 1596, par des Hollandais, pour découvrir un passage à la Chine par la mer du Nord. Hemskerk qui commandait l'expédition et ses compagnons, fu rent surpris par l'hiver sur les côtes de la Nouvelle-Zemble. Ils y construisirent une cabane où ils passèrent la nuit de quatre ou cinq mois qu'on éprouvé dans ces climats; leur vaisseau s'étant brisé, ils ne les quittèrent qu'à la faveur de deux chaloupes, et après avoir éprouvé des souffrances inexprimables et les plus grands dangers, soit en raison des frimats, soit de la part des ours blancs, seuls habitans de ces contrées.

Le voyage à la Nouvelle - Zemble est suivi des aven→ tures de quatre matelots russes qui faisaient partie de l'équipage d'un vaisseau équipé en 1743 pour la pêche de la baleine. Ces quatre matelots furent détachés dans un esquif afin de reconnaitre la côte d'une île voisine du Spitzberg; pendant qu'ils étaient à terre sur une plage glacée, où il ne croit pour tous végétaux que quelques mousses, leur vaisseau disparut, et jamais on n'en a entendu parler depuis. Ces quatre infortunés restèrent six ans et trois mois sur cette terre polaire, jusqu'à ce qu'ils furent aperçus et délivrés par un bâtiment de leur nation. Ils ne résistèrent pendant ce ce long espace de teins, que par des

prodiges d'industrie.

Le second tome contient le voyage du portugais Vasco de Gama, le premier qui alla aux Indes en doublant le cap de Bonne-Espérance; le voyage de Bontekoe, dans... la même partie du monde; et les aventures de Mme Godin des Odonais, femme d'un des trois savans français envoyés en 1735 au Pérou, pour y vérifier la figure de la terre, et qui vint rejoindre son époux de Quito à Cayenne, à

travers le pays des Amazones, et avec des peines ex

cessives.

Les tomes trois et quatre renferment les voyages du commodore Byron, de Carteret et de Wallis dans la mer du Sud. Le cinquième et le sixième sont remplis par le voyage de Carver dans l'Amérique septentrionale.

Ces différens voyages sont accompagnés de cartes et de figures, qui ne sont peut-être pas assez multipliées ; l'éditeur a voulu rendre le prix de cette collection très-modique ; mais le lecteur aurait sans doute consenti à une légère augmentation de prix pour avoir quelques cartes de plus; les cartes et les gravures font le principal intérêt d'un livre de voyages. Celui-ci, néanmoins, tel qu'il est, remplit son but, et peut être la avec agrément et avec fruit, non-seulement des jeunes gens à qui il est spécialcment destiné, mais encore des personnes de tout âge qui n'ont pas besoin de notions détaillées sur les parties du monde les moins accessibles et les plus nouvellement déY.

Couvertes.

LITTÉRATURE.

POÉSIE.

FABLES, CONTES et autres Poësies; par JEAN-FRANCOIS GUICHARD. Deux vol. in-12. Prix, papier ordinaire, 4 fr. 50 cent., et 6 fr. franc de port; papier vélin, 9 fr., et 10 fr. 50 cent. franc de port. A Paris, chez Pigoreau, libraire, place Saint-Germain-l'Auxerrois, et chez les marchands de nouveautés. An XI. — 1802.

DEPUIS long-tems les Fables du C. Guichard sont connues et estimées des gens de lettres et des amateurs: quelques-unes ont été imprimées, d'autres lues dans des séances littéraires par l'auteur, qui les lit très-bien. Depuis long-tems on s'étonnait que sa modestie se refusât aux sollicitations de ses amis et des gens de goût qui le pressaient de recueillir et de publier ses ouvrages. Enfin il a

cédé ; et le prestige du débit ne s'évanouit point au froid examen du cabinet.

Huit livres de Fables, et un grand nombre de petites pièces de vers détachées, et quelques morceaux de prose, composent le premier volume. (Chaque volume peut être acheté séparément.) On ne peut pas analyser un ouvrage qui rassemble trois ou quatre cents ouvrages différens.

Nous ne ferons point ici un étalage d'érudition qu'on se procure en ouvrant le premier dictionnaire; nous aimons mieux renvoyer nos lecteurs à l'article Fable des Questions encyclopédiques de Voltaire (1). Ils y trouveront beaucoup mieux que ce que nous pourrions leur dire.

Certains critiques ne manqueraient pas cette occasion de s'écrier, pour la millième fois, qu'après La Fontaine on a tort de vouloir faire des Fables. Le C. Guichard doit sentir aussi bien que personne le mérite de l'immortel bon homme. On trouve dans son recueil le vers le plus heureux qui ait été fait à la gloire de La Fontaine (2). Mais enfin ce grand poëte a dit lui-même :

Diversité, c'est ma devise.

Et après avoir lu et relu avec un charme toujours nouveau la plupart des Fables du maître, on peut trouver encore du plaisir à lire celles de quelques-uns de ses disciples.

Nous citerons la suivante, comme une des plus jolies du recueil du C. Guichard.

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ÉGLÉ, vous m'avez dit : « La souris est ma hête. »
Sur des souris devrais-je m'exercer?

Mais pour souris je ma suis mis en tête
De vouloir vous intéresser ;

(1) Tome IV de l'édition in-8° de Beaumarchais. (2) Distique pour le portrait de La Fontaine.

Dans la Fable et le Conte il n'eut point de rivaux ;

Il peignit la nature, et garda ses pinceaux.

Je le desire au moins, car c'est trop d'y prétendre.
Puisse un couple sensible autant que malheureux,
Par mon récit vous faire entendre
Que le vrai charme est d'être deux.
AMOUREUX, unis et fidèles,
Comme le sont les tourterelles,
Une jeune souris et son cher souriceau,
S'en allant à la découverte,

Pour leur souper cherchant quelque morceau,
Ne savaient point que l'on tramait leur perte.
Côte à côte, tous deux ils trottaient: sous leurs pas
De plain-pied souricière ouverte

Recelait, tout au fond, un modique repas
Suspendu par un fil: voyez la perfidie!
Notre couple affamé s'y jette à l'étourdie,
De la prison agite, en grugeant, le ressort :
Il se détend; la porte avec fracas se ferme.
Quelle épouvante! on rode, on tourne; vain effort!
D'un desir non rempli l'esclavage est le terme,
Et demain, sans doute, la mort.

Le pauvre souriceau ne plaint que son amante.
Sur lui seul, à son tour, la souris se lamente:
Cris et pleurs. Quelle horrible nuit !

Encor, s'il faisait jour, on pourrait ! ... Le jour luit;
On ne peut rien. Fatale grille!

Barbare invention ! maudits hommes surtout ! ...
Voilà que la servante et se lève et s'habille;
A la souricière, avant tout,

Elle court, approche, se penche:
Eux s'enfoncent, d'effroi transis;
Leurs corps serrés contre la planche,
Tant qu'ils peuvent, se font petits.

Mais Jeanneton voit clair.

-

Rien que deux ! quelle aubaine!

C'est donc vous qui mangiez mọn lard?

Vous, qui m'avez rongé mon corset de futaine?
Bon! je vous tiens, et plutôt que plus tard....
Arrêtez! ni corset, ni lard, je vous le jure,
N'ont passé par nos dents.

-

Fort bien ! et ma friture?

Ni friture non plus ; miettes sèches de pain (Défendez-vous qu'on appaise sa faim?),

Out fait notre scul ordinaire ;

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