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tous les attentats contre l'humanité, ceux qu'on exerce injustement sur des cadavres est sans doute le moins nuisible. Mais le respect pour des personnes qu'on a chéries n'est point un préjugé; c'est un sentiment inspiré par la nature même, qui a mis au fond de nos cœurs une sorte de vénération religieuse pour tout ce qui nous rappelle des êtres que l'amitié ou la reconnaissance nous ont rendus sacrés..... La liberté d'offrir à leurs dépouilles ces tristes hommages, est donc un droit précieux pour l'homme sensible; et on ne peut sans injustice lui enlever la liberté de choisir ceux que son cœur lui dicte..... Le chevalier Alexandre LENOIR.

DISSERTATION

Sur quelques divinités romaines qui ont passé dans les Gaules; par M. le chevalier Alexandre LENOIR, administrateur dụ Musée royal des monumens français, etc., etc.

LES cérémonies religieuses qui nous sont étran→ gères fixent notre attention, et c'est ordinairement la première chose qu'un peuple voyageur emprunte de ceux chez lesquels il habite pendant son émigration.

La nation gauloise, dont l'origine remonte à la plus haute antiquité, est dans ce cas-là. Personne n'ignore que les Gaulois, que l'on fait descendre du Nord, occupèrent les environs de Toulouse et les terres qui se trouvent entre les Cévènes et les Pyré

nées. La population étant devenue trop considé rable, les Druides firent valoir une loi sainte et sacrée, qui voulait qu'en vertu d'un vœu fait à une divinité, les jeunes Gaulois, nés depuis le premier mars jusqu'au premier mai, fussent envoyés, comme un essaim d'abeilles, dans des pays lointains pour s'y

établir.

Ces sortes de colonies, chez les Romains, avaient le titre de Ver sacrum. Nos croisades, nos pélerinages, par grande troupe, ceux des Orientaux et des Mahométans ne sont que les vestiges de ce système de dévotion et de cet usage religieux.

La jeunesse gauloise, ainsi réunie, ayant Brennus pour chef, passe en Asie, elle s'y établit par la puissance des armes. Cependant, après un long séjour dans cette belle partie de la terre qu'on nomme Grèce, un sentiment si naturel à l'homme les rappelle vers la mère-patrie. Ils se réunissent de nouveau et rentrent dans leurs foyers antiques. De là, sans doute, l'introduction dans les Gaules des Dieux de l'Asie, des usages et des cérémonies qui appartenaient à la religion des Grecs, lesquels passèrent aussi chez les Romains. Cette jeune colonie à chevelure blonde, dit Tite-Live, conserva long-temps la forme du gouvernement qu'elle apporta de l'Asie et qu'elle tenait de ses pères.

D'après cela, on ne sera plus surpris de voir figurer, sur les monumens de la Gaule, les Dieux du paganisme, tels que Jupiter, Vulcain, Mars, sous le nom d'Esus, Mercure, Vénus, Cérès, Diane,

Castor et Pollux, Bacchus, et même Hercule, comme le prouvent les autels découverts à Paris en 1711, dans l'église Notre-Dame, et déposés dans le Musée royal des monumens français.

« Les Gaulois, dit Jules César, honorent pardessus tout le dieu Mercure, ils le regardent comme l'inventeur de tous les arts, comme le guide des voyageurs et comme le protecteur de toute espèce de commerce ou de négoce ». Ils croient qu'Apollon ', chasse les maladies, que Minerve a donné le commencement aux manufactures et aux arts. Jupiter, ajoutent-ils, a pour partage l'empire du ciel; Mars conduit la guerre, et on a dit : Lorsque les Gaulois vont combattre, ils font vou d'offrir à ce Dieu le butin du combat, et, après la victoire, ils lui immolent les animaux pris sur l'ennemi.

L'authenticité du monument dont il s'agit ne saurait être contestée; car une inscription latine, parfaitement conservée et gravée en gros caractères romains, fait voir le nom des Dieux qui y sont sculptés, ainsi que les faits relatifs à son érection. Je la traduis ainsi : Tibère César, ayant accepté ou pris le nom d'Auguste, les commis de la navigation du territoire de Paris, les nautes, ont consacré publiquement cet autel, en action de grâces, à Jupiter, très-grand et très-bon (1)......

(1) La gravure des monumens curieux dont je vais parler se trouve dans le premier volume des Mémoires de l'académie celtique, tome 1, page 276.

§. 1. Le premier bas-relief du monument nous fait voir Jupiter, barbu à la manière celtique, armé d'une lance ou haste, et ayant son aigle à ses pieds.

Baudelot, qui a écrit snr ce monument à l'époque de sa découverte, prétend que le Jupiter Gaulois, que l'on a figuré ici, pose la main droite sur la tête d'un homme en petit, à demi-nu, qu'il croit être la représentation de celui qui a érigé l'autel, qui se met sous la protection de ce dieu. J'ai examiné le monument avec attention, je n'y ai pas vu le petit homme dont parle Baudelot, et je me suis convaincu que le maître des Dieux s'appuyait sur un aigle debout dont les ailes sont éployées. Je dois dire, à l'avantage du savant dont je parle, que le temps a singulièrement ravagé cette partie du bas-relief; que, peu exercé dans l'art du dessin, il a pu être trompé par l'indécision des formes qui restent, et qu'il a eru, dans son opinion, pouvoir s'autoriser de quelques types de médailles romaines. D'ailleurs, on sait que l'aigle est l'attribut qui caractérise essentiellement Jupiter.

Plusieurs auteurs ont confondu l'aigle, l'accipiter ou l'épervier avec le phoenix. Zoroastre, chef de la religion des Perses adorateurs du Soleil, enseignait que la divinité avait une tête d'épervier ou d'aigle.

L'aigle était consacré, dans les temples de Thèbes, à Teyntiris; il était le Dieu lumière et l'ennemi le plus redoutable des ténèbres. D'après cela, on ne doit plus s'étonner de voir les Égyptiens surmonter le sceptre d'Osiris, et même celui de leurs rois,

d'une tête d'épervier ou d'aigle. Cet oiseau majestueux est le symbole du Soleil et l'emblème du feu. Voilà pourquoi on le voit figurer dans les images de Jupiter, comme son compagnon fidèle, tantôt à ses pieds, tantôt auprès de lui, tenant son foudre dans ses serres, et tantôt lui servant de monture: enfin, on le représente comme le gardien, ou plutôt comme le conservateur du feu céleste. Suivant Porphire, la majesté de l'aigle, la force et la hardiesse de son vol peignent la majesté du maître des dieux.

S. 11. Le second relief de l'autel représente Vulcain, vêtu d'une tunique courte, coiffé d'un bonnet de forgeron, ayant à sa main une paire de tenaille, et un marteau à sa ceinture.

Relativement au culte de Vulcain dans les Gaules, Plutarque nous apprend que les Gaulois ayant déclaré la guerre aux Romains, leur roi Viridomar, croyant par un vœu obtenir du succès dans ses armes, promit d'offrir à Vulcain les dépouilles des ennemis. Viridomar, loin d'obtenir du succès, fut défait et tué par le consul Marcellus; son armée fut mise en déroute, et les armes des vaincus portées en triomphe, et appendues dans le temple de Jupiter Férétrien. Les Gaulois, sous Viridomar leur roi, dit l'auteur des hommes illustres, avaient promis de vouer à Vulcain les armes des Romains. Il en fut autrement. Viridomar ayant été tué, Marcellus suspend leurs armes dans le temple de Jupiter fulminant.

Le dieu Mars paraît sur le troisième bas-relief,

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