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3°. Que la forme de sujet de tout mot tiré du latin provenait du nominatif; et celle de régime, des cas obliques en général, mais particurement de l'accusatif, saufle cas d'attribution des pronoms personnels, et quelques autres exceptions;

4o. Enfin, que les mots français dont nous nous servons aujourd'hui viennent, la plupart, du cas de régime, celui de sujet ayant presque entièrement disparu.

Toutefois, nous devons déclarer avec franchise que nous avons peine à concevoir les raisons qui font dire à notre confrère que le cas de régime qui a été conservé dans les mots français provient particulièrement de l'accusatif latin. Jusqu'à ce jour la plupart des savans avaient pensé que ce cas de régime, excepté pour quelques pronoms, tels que mon, ton, son, les, s'était formé en général de l'ablatif. Comment, en effet, se défendre, du moins à la première vue, de reconnaître, dans les mots Deo, poblo, nostro, Karlo, fradre, sendre, l'ablatif latin des mots Deus, populus, noster, Karolus, frater, senior, etc., avec lesquels ils sont presque identiques?

La langue italienne, d'ailleurs, où l'ablatif se conserve encore sans aucune altération, et forme le seul cas des noms au singulier, ne nous avertit-elle pas suffisamment de ce qui a dû se passer pour la for

mation de la nôtre? M. de Mourcin lui-même convient de la force de cette analogie. Mais il annonce que les bornes de son mémoire ne lui permettent pas d'y expliquer les raisons de la préférence qu'il donne

à l'origine tirée de l'accusatif latin. Il annonce que, dans un mémoire particulier, il entrera dans de plus longs Sétails sur cette matière. Les amis de notre ancienne littérature attendront sans doute avec impatience ce nouveau travail, ainsi que le Traité des noms, entrepris par le même auteur. L'étude du moyen âge et de nos antiquités est un si vaste champ, que pendant long-temps encore il produira d'abondantes moissons, s'il est cultivé par des mains aussi habiles.

P. J. DE MALE VILLE,

NOTICE

Sur le géant d'Anvers et le rapport de cette tradition, avec le nom de cette ville; par M. de FREMINVILLE, lieutenant de vaisseau de Sa Majesté, membre de la Société royale des antiquaires de France et de la Société philomatique de Paris.

A L'ENTRÉE de chacun des faubourgs d'Anvers est une pyramide, sur laquelle est sculptée assez grossièrement une main coupée au poignet, par allusion au nom de la ville. Je ferai remarquer ici que ces pyramides sont de construction moderne. Voici, selon l'opinion des Anversois (opinion qu'ils ont propagée par ignorance, et généralement répandue), quel est le motif qui a déterminé leur élévation et par lequel ils expliquent l'étymologie du mot Ant

werpen,

Un comte d'Anvers, d'une stature extraordinaire et presque gigantesque, voyait le commerce de l'Escaut troublé par une quantité considérable de fraudeurs et de contrebandiers que, malgré sa vigilance, il n'avait pu parvenir à disperser. Lassé enfin de leurs déprédations multipliées, et voyant que ni les mesures qu'ils prenaient ni les ordres réitérés ne pouvaient y mettre un terme, il prit le parti de se mettre en personne à leur poursuite, parvint à en surprendre un grand nombre; et, chaque fois qu'un d'eux tombait en son pouvoir, il lui coupait une main, afin qu'on pût le reconnaître à l'avenir et le faire mourir s'il était surpris en récidive. Ce châtiment effraya tellement tous ces contrebandiers, qu'ils abandonnèrent enfin le pays.

Telle est la fable qu'ont inventée les habitans d'Anvers pour expliquer le nom de leur ville, nom qui, disent-ils, lui fut imposé en mémoire du service que leur seigneur rendit à leur commerce, en les délivrant des brigands qui y portaient atteinte. Cette fable absurde, selon moi, n'explique pas le mot Antwerpen d'une manière satisfaisante. Je n'y vois que l'ouvrage grossier de l'imagination d'un peuple qui ne s'est jamais occupé que d'opérations mercantiles, et qui, ne connaissant rien au-delà de ce qui est relatif aucommerce, y rapporte toutes ses idées et regarde comme parfaitement inutiles toutes les connaissances qui y sont étrangères.

Pour consacrer, en quelque sorte, ce conte ridicule, le sénat d'Anvers fit ériger, il y a une quaran

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taine d'années, sur la porte du port marchand, une statue colossale représentant le comte d'Anvers, armé à la romaine, tenant d'une main un large cimeterre à la moresque, et de l'autre une main coupée, dont la proportion est analogue aux siennes.

Malheureusement pour les Anversois, un autre monument plus authentique, puisqu'il paraît avoir été érigé seulemnnt soixante ou quatre-vingts ans après l'événement, monument qui existe au sein même de leur ville, mais que leur insouciance leur fait méconnaître, vient démontrer l'absurdité de leur opinion, relativement à l'histoire de la main coupée. Ce monument, situé sur la place, et en face de la cathédrale, consiste en une espèce de baldaquin en fer, d'un style gothique, surchargé d'ornemens dans le même genre. Il a environ huit pieds de haut, et supporte une petite statue haute de vingt pouces, et pareillement en fer, qui représente un chevalier armé de toutes pièces, appuyé sur sa lance qu'il tient de la main gauche, et tenant dans sa droite une main coupée de dimension énorme, sa proportion surpassant quatre fois au moins celle de la statue.

Ce monument, beaucoup plus ancien que le précédent, et incontestablement en rapport avec la tradition de la main coupée, prouve, d'une manière irrécusable, que celle que débitent les Anversois est fausse, et même dénuée de toute apparence, puisqu'il démontre que c'est au géant, héros de cette chronique, que l'on a coupé la main, et non lui qui la coupait aux autres,

Il serait à désirer qu'une date ou une inscription fit connaître d'une manière précise l'époque à laquelle ce monument en fer a été érigé; mais comme aucun indice de cette nature ne peut la faire soupçonner, ce n'est que d'après la forme de l'armure qu'on peut juger, avec toute apparence de certitude, qu'il fut élevé vers la fin du quinzième siècle.

Cette armure consiste en un bassinet absolument conforme à ceux que nous voyons représentés fréquemment sur les monumens, du temps de Charles VIII et de Louis XII (cette sorte de casque n'a, comme on sait, ni visière, ni barbure, ni haussecol); des brassards avec de larges épaulières et des gantelets; un halecret ou cuirasse formée de deux pièces réunies transversalement et non longitudinalement sur le côté, comme dans les cuirasses ordinaires; celle-ci n'a ni la grosse bosse en avant qui caractérise généralement celles du quatorzième siècle, ni la carêne, qui est particulière à celles du seizième; elle est chargée d'ornemens, et s'unit aux cuissards par des tassettes qui laissent apercevoir par-devant une partie du haubergeon ou chemisette de maille, que, depuis le quatorzième siècle jusqu'au milieu du seizième, on continua de porter sous l'armure de plaques et de lames qui, vers 1328 ou 1330, ayait été substituée à l'armure complette de mailles.

Les sallerets ou sauliers de cette armure sont élargis et arrondis à l'extrémité, preuve de plus que le monument est postérieur au quatorzième siècle,

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