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ris. On ne sait s'il faut attribuer au hasard le voisinage que le poëte établit toujours entre cette plante et quelque plante de marécages, le mettant constamment, dans ses énumérations, à côté du κύπειρος ou du σέλινον ἐλεόθρεπτον. Une circonstance pareille prouve moins dans Homère que dans tout autre écrivain: chez lui, une formule une fois adoptée, se reproduit sans cesse.

On trouve pourtant dans le poëte une exception bien notable; c'est le passage où il fait naître le lotus sur l'Ida, avec le safran et l'hyacinthe, pour servir de couche aux célestes époux (1).

Dioscoride, Galien, Paul d'Égine, n'en ont d'ailleurs tenu compte; ils ne font point de leur lotus trifolié une plante de marais. J'ai dit trifolié, car c'est ainsi qu'ils peignent le lotus herbacé des pâturages. Les auteurs anciens le rapprochent souvent du cytise; et ces deux particularités réunies l'ont fait avec raison chercher parmi les papilionacées.

Ceux qui pensent reconnaître, dans le cytise des anciens, le Medicago arborea, désignent, pour le lotus de leurs bestiaux, le M. falcata, espèce voisine, et qui fournit l'excellent fourrage nommé kadhb. Il y a sur ce point mille opinions, celles de Commelin, de Plukenet, de Dalechamp, etc. La plus connue est celle de Linné; nous pourrions nous y tenir, et désigner son Lotus corniculatus comme la plante dont il s'agit. Mais, tout réfléchi, il nous semble voir plus de probabilité dans les raisons de Sprengel. Ce botaniste a tort de s'étayer de Mathiole, qui n'a jamais affirmé ce qu'il lui fait dire, et qui ne parle ici que d'un trifoglio cavalino dont l'espèce n'est pas facile à préciser; mais à cela près son opinion, quoiqu'isolée, paraît très-admissible, et nous dirons avec lui que le λωτός μερος τριφύλλος de Dioscoride est le Melilotus officinalis (L.). La tradition nominale attachée aux plantés dont la médecine a fait usage est en effet l'une des boussoles les moins incertaines.

Si la correction insérée par plusieurs bons critiques dans le texte de Théophraste est admise, le botaniste athénien avait probablement parlé de notre plante sous le nom de

(1) Iliad. E; 348. Voyez aussi Pline, XXII, 21.

pɛliλwros. Il ne décrit réellement, comme nous l'avons dit, que cinq lotus, deux aquatiques, et trois arborescens ; mais, vers la fin de son ouvrage (1), en parlant de la ressemblance des noms des plantes : « Il est essentiel, dit-il, de faire attention aux particularités, aux différences des genres homonymes. Le lotos en est un exemple (2); car on en connaît beaucoup d'espèces, différenciées par les feuilles, les tiges, les fleurs et les fruits; au nombre desquelles espèces il faut compter celle qu'on appelle MÉLILOT. »

S XI.

Après avoir parlé de ce lotus (3), surnommé uepos parce qu'on le semait dans les pâturages, Dioscoride en décrit sommairement un autre (4) sous le nom de lotier sauvage, hards pros. Cette espèce était vulgairement nommée libyon. Bodæus de Stapel, analysant les différentes conjectures formées à cet égard, et les comparant aux propriétés odorantes et médicinales accordées au Xoros ypos établit que ce n'est point le trèfle vulgaire, mais l'herbe que les bonnes femmes de son pays appellent, dit-il, baume des sept temps, herbe des sept odeurs.

Qu'est-ce que le baume des sept temps?

Parmi les plantes improprement décorées du nom de baume, on ne connaît qu'une seule papilionacée; le choix est donc facile. Et justement cette papilionacée a conservé le nom de Lotus. C'est le Meli-lotus cœrulea (L.), appelé aussi lotier odorant, baume du Pérou, etc., et dont l'odeur forte et le suc mielleux attirent puissamment les abeilles.

La seule difficulté consiste en ce qu'on regarde le Melilotus cœrulea comme originaire de Bohême, et non d'Afrique. Mais il croît dans beaucoup de climats. Qui sait, d'ailleurs, si libyon n'était pas, chez les Anciens, une qualification aussi abusive que l'est chez nous celle de baume du Pérou ?

Telle est l'histoire entière des lotus. Il y reste sans doute plusieurs points incertains, que nous désirons voir s'éclair

(1) Hist. plant. lib. VII, cap. 14.

(2) Ὥσπερὁ λωτός τοὺτοὺ γὰρ εἴδη πολλὰ, διαφέροντα, καὶ φύλλοις, λοῖς, καὶ ἄνθεσι, καὶ καρποὶς· εν οἷς καὶ ὁ ΜΕΛΙΛΩΤΟΣ καλούμενος. (3) Diosc. IV, 106. (4) Id. ibid. 107.

nai nav

cir par les investigations de plus savans que nous. Mais si nous n'avons pu résoudre avec succès toutes les questions, nous les avons clairement posées. Réduisant à des termes précis les difficultés d'une matière sur laquelle on a beaucoup parlé sans parvenir à s'entendre, nous avons espéré que le tableau synoptique qui va suivre servirait de fil pour les recherches ultérieures tentées dans ce labyrinthe, jusqu'à présent inextricable. Aucun sujet botanique n'offrait un intérêt comparable à celui-ci. Il s'agissait d'une plante que réclament à la fois l'agriculture, la médecine (1), la religion, la poésie; d'une plante dont le nom remplit tous les livres, et se lie à l'histoire comme à la fable; d'une plante dont la célébrité peut s'apprécier par un seul trait, quand on se rappelle cette gracieuse tradition d'après laquelle un jardin, arrosé d'une eau où la fleur du lotus avait été broyée (2), devait produire, sans autre semence, tous les végétaux agréables, et se couvrir, par le luxe d'une fécondité subite, de tous les dons qui parent la corbeille de Flore.

Mais avant de récapituler les onze espèces de lotus que nous venons de voir, jetterons-nous, suivant notre usage, un coup d'œil rapide sur l'étymologie de ce nom? Oui ; si ee n'est pour établir une vérité, au moins pour dissiper des

erreurs.

Il n'y a pas même d'apparence à celle qu'un rêveur a inventée, et que tout le monde copie, c'est-à-dire, pour Jéλw. Qu'a de commun l'idée de voULOIR avec celle de lotus?

Ce nom est plus ancien que la langue grecque. En lui supposant une origine sémitique, on pourrait le faire dériver, non de láta (3) qui n'aurait aucun sens, mais de látsa qui, à la deuxième forme, signifie troubler l'eau, et d'où peut venir le mot latin lutum, boue; on plutôt de latssa, être arrosé, mouillé, ce qui convient très-bien aux nénufars; peut-être aussi de látha qui, entre autres sens, a celui de

(1) Ferunt ventris non sentire morbum, qui eum mandant. (Plin. XIII, 17.)

(2) Geoponic. XII, 6.

(3) Voir le texte même de l'article dans la Flore pour les caractères originaux.

cacher, cacher des mystères, et pourrait s'appliquer à cette fleur symbolique et sacrée,

Mais pourquoi ne pas avouer notre ignorance? Pourquoi ne pas croire simplement que c'est un mot égyptien? Lor a dû servir à désigner, de toute antiquité, dans la bouche des indigènes, les nymphéas du Nil, ete.

Si ce mot avait un sens antérieur et plus général, c'est ce qu'on ne saura jamais. Hasardons pourtant une conjecture. La seule ressemblance entre les plantes si diverses qui ont porté le nom de lotus ; le seul point de contact entre des Nénufars, des Jujubiers, un Arum et un Mélilot, c'est l'existence d'une sorte de fèves, ou de quelque chose qu'on y ait comparé. On a vu que, pour les deux premières familles, c'est le fruit qui avait fourni aux anciens cette similitude, et que pour la troisième, ce sont les bulbes oblongues de la racine; quant à la dernière, on sait bien que le fruit à gousse de toute papilionacée représente en petit celui de la fève proprement dite. Ne pourrait-on pas raisonnablement induire de là que, dans son acception primitive, le mot égyptien LOT signifiait fève, et qu'il s'est ensuite étendu, avec plus ou moins de justesse, aux plantes dans lesquelles le peuple aura cru saisir cette analogie ?

IX. Année.

· Janvier 1823.

3

LOTUS HERBACES

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LOTUS ARBORESCENTS.

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II.

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Et le fruit,onnáb? Lotophagorum

Arác?

Rhamnus Lotus

Awròs dupevos. Fruit bérir? zif- Lotus sine nucleo. (L.) var............?

zouf?

Séder ou Sidr.

Lotus paliurus.

Rhamnus Spina
Christi (L.).

III. Awrès raríoupos. Et le fruit, nabka. Pal. cyrenaicus.

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