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dans une Note, qu'il n'a retranché que le préambule de ce Dialogue; il l'a abrégé par-tout, & cet incomparable morceau, étant du genre rigoureufement démonftratif, n'a pu que fouffrir confidérablement par cette liberté.

Notre Auteur aime beaucoup les abrégés; il a réduit le beau Poëme de Thompfon fur les Saifons, qui dans la dernière Edition occupe 200. pages grand in 4. à 36. pages de fon petit Volume d'Oeuvres Diverfes. Pour nous, nous aimerions à voir Thompfon en entier & Madame de Bontems a donné au Public cette fatisfaction, par fon admirable Traduction des Saifons, laquelle, foit que nous confidérions la difficulté prefqu'infurmontable de l'entreprise, foit que nous faffions attention au fuccès qui l'a couronnée, lui mérite un nom immortel fur le Parnaffe François. Du refte, il y a des Lecteurs de différens goûts; & comme la lecture eft une occupation qui devient de jour en jour plus pénible à nos jeunes gens, on trouvera, fans doute, des perfonnes qui aimeroient un abrégé des Eclogues de Virgile, un précis des Odes d'Horace, & Homère en miniature.

Ces morceaux tirés des Saifons de Thompfon, font fuivis d'une Morale Algébraïque, qui renferme quatre ou cinq pages traduites d'un Ouvrage du célèbre Hutchefon; & pour délaffer le lecteur l'Hiftoire d'Almamoulin fils de Nouradin, fe trouve à la fuite de ces cal

culs

culs profonds. Ce Nouradin étoit un Marchand de Samarcande, fi riche,, que les

rues étoient embarrassées de fes chariots

39 & la mer couverte de fes navires, cha", que baleine de vent amenoit des richeffes dans fa maifon" & puis il mourut laiffant fes biens à Almamoulin, qui n'y trouva que de l'ennui, jufqu'à ce que fe rendant aux confeils d'un grand Philofophe il en donna une partie aux pauvres.

Cette Hiftoire eft fuivie d'une vifion étrange tirée d'une feuille périodique, & qui fait place à un excellente Romance intitulée Thyrfis & Chloe, dont le fujet & la tractation font verfer des larmes. Les effets du Defpotifme dans le Gouvernement de Muley Ismaël, Empereur de Maroc, & la Fête d'Ãlexandre ou le pouvoir de la Mufique, traduite de l'Anglois de Dryden terminent ce Volume.

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Le IId. renferme des Pièces originales de notre favant Profeffeur & s'ouvre par Deux Livres de Maximes Philofophiques Morales, dans le goût des Réflexions de l'Empereur Marc Antonin. Pour aller au fublime moral, M. DE JONCOURT ne pouvoit prendre un plus admirable modèle que ce grand Philofophe; mais s'il eft fage de se propofer un pareil modèle, il faut avoir bien du courage pour l'avouer. Quoiqu'il en foit, les maximes fuivantes que nous citons fans choix, mettront le Lecteur éclairé en état de juger jufqu'où l'esprit de Marc

Au

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Aurele a animé notre Auteur.

Vois tu cet Epi de blé, que la faulx du Moiffonneur vient d'abbattre? les grains en font comptés, chacun d'eux a quelque chofe qui le diflingue des autres: le partage même en eft fait. Les uns font deftine's aux Oiseaux des Cieux, qui ne fèment, ni ne moissonnent; d'autres aux injectes, que les hommes mépri fent parce qu'ils en ignorent l'ufage, mais que Dieu aime parce qu'il les a créés, d'autres à la terre pour conferver l'espèce.

Pour chaque évenement tout est déterminé. les acteurs, le temps, le lieu & les Specta

teurs.

Le ton décifif & l'ignorance forment l'emblême de deux amans fortunés: ils s'aiment &font toujours ensemble.

Dieu nous accorderoit, dès à préfent, divers avantages fi nous étions capables de les Supporter. Mais le fardeau eft trop pesant pour nous. Il eft ce qu'une lumière vive eft pour des yeux malades, & ce que des alimens trop forts font pour des enfans ou pour des vieillards.

Il y a un effet borrible que la fureur ne fauroit produire qu'à l'aide d'une extrême groffièreté. Le Tigre grince des dents; mais il n'appartient qu'à L'OURS DE BLASPHE

MER

Les maximes de notre Auteur, font affez nombreuses &, comme on le voit, fort mêlées. S'il nous étoit permis d'y en ajouter une nous hazarderions la fuivante:

Tout

Tout Ecrivain qui compofe dans ce genre doit fe tenir pour averti, que les idées rebattues qui méritent de l'indulgence dans des difcours fuivis ou dans des ouvrages de longue haleine, ne font pas admiffibles dans des Maximes ou dans des Penfées, où tout doit être faillant, & où par conféquent le médiocre tient du mauvais.

Ces Maximes font fuivies de plufieurs petites pièces dont voici les titres; Le fonge d'Hercule imité du Grec de Xénopbon & traduit du Hollandois - De l'Infini - Paradoxe Arithmétique Calcul des Rectan gles à l'aide de Trigonaux De la Progref Sion Harmonique Préface de la Traduction des Dialogues des morts (car c'eft ici un Recueil complet) — De quelques Maxima & Minima qui ont lieu dans le commerce de la Vie -de l'Eloquence du Beau Sexe.

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Nous nous arrêterons un peu à ce dernier morceau qui renferme des traits fort animés. Notre ingénieux Profeffeur se plaint d'Ariftote, & de tous ceux qui après lui ont compofé des Rhétoriques, de ce qu'ils ont paffé fous filence une excellente Règle que voici dans fes propres paroles: Pour apprendre à bien parler, écoutez avec attention, les difcours du Beau Sexe & tâchez de les retenir. Pour appuyer cette Règle, qui a d'autant moins befoin d'appui, qu'elle fera univerfellement goûtée de nos jeunes gens qui étudient l'Eloquence, M. DE JONCOURT fe fert de trois argumens, que nous Tome XXI. Part. I. K don

donnerons en entier de peur de les affoiblir.,, 10. Qui oferoit nier que les Dames ,, n'aient la même délicateffe dans l'efprit ,, que dans les organes du corps? Elles ,, furpaffent les hommes en fineffe de fen

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timent & les égalent en intelligence. Il 99 n'y a ni qualité brillante, ni vertu diffi- . cile, ni généreux effort dont elles ne foient auffi capables qu'eux. Où résident 99 les agrémens? d'après qui ont été tracées

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les riantes images des Nymphes, des Syl,, phides, de Vénus & des Graces?" (non, fans doute d'après Vulcain & les Cyclopes)." Le talent de perfuader, eft infé. ,,parable de tant de charmes ".

Ce premier argument fuppofe fi nous ne nous trompons pas, que l'éloquence des Dames ne réfide pas uniquement dans leurs difcours, mais dans les charmes & les graces dont la nature les a embellies. Alors il faut changer quelque chofe à la Règle ci deffus mentionnée. Nous fommes confirmés dans cette idée par ce que notre Auteur dit vers la fin de cette pièce. Si les ,, difcours des Dames font éloquens, leurs ,, regards le font davantage encore. La fou,,dre eft moins terrible & moins prompte, ,, que les éclairs qui partent de leurs yeux, ,, pour réprimer l'audace d'un adorateur téméraire. Quelquefois ces yeux annoncent de la clémence & ne font point mentis. Mais toute la perfection de leur ,, éloquence paroft, quand ils fe rempliffent

"

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