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après les préparations convenables, & qu'à voir enfuite fi au moyen de la méthode de l'Auteur, on pourroit prévenir l'éruption, la fuppuration, & les autres fymptomes de la petite Vérole.

Quoiqu'il en foit de cette idée, que nous foumettons au jugement de notre favant Médecin, nous devons encore avertir que les maladies pour lesquelles il recommande l'Inoculation, font principalement les maladiesdes nerfs, la mélancolie, les convulfions, l'épilepfie, la paralyfie, l'aveuglement, la furdité &c.

Telles font en fubftance les idées que Mr. CASIMIR propofe dans cette Lettre, & qu'il promet de développer davantage & de jutifier dans le grand Ouvrage auquel il travaille. Il ne nous appartient pas de les apprécier, mais nous avons cru devoir les communiquer à nos Lecteurs, précisément parce qu'elles font très fingulières, & parce d'ailleurs que cette Brochure fait beaucoup de bruit en Allemagne, tant à cause des paradoxes qu'elle renferme, que par la manière intéreffante dont elle eft écrite.

ARTICLE CINQUIEME. POETIQUE FRANÇOISE par M. MARMONTEL &c.

Second Extrait (1).

n fe pique affez généralement aujourd'hui de bien écrire, & plus encore fans doute de juger du ftyle. Il eft peu de Lecteurs qui ne fe croient en droit de prononcer, & ne prononcent en effet très hardiment là deffus. Les Auteurs n'en font peutêtre pas plus à plaindre, on les juge avec plus de hardieffe que de févérité, on loue plus qu'on ne cenfure. Mais cet éloge fi commun cela eft bien ecrit, eft fouvent, dit Mr. MARMONTEL, auffi mal entendu qu'il eft peu mérité. Ce n'eft pas qu'on manque de bons Traités fur l'art d'écrire, mais on croit n'avoir pas befoin de les étudier, on ne fent pas affez combien le ftyle eft important dans tout Ouvrage, combien il exige de foins & de connoiffances. Racine étoit bien dans d'autres idées, ce qui me diftingue de Pra

(1) Voyez le 1. dans la Fart. préc. de cette Bibl.

P. 48. & fuiv.

Pradon, difoit il, c'est que je fais écrire. Notre Auteur veut de même qu'on regarde le ftyle comme une partie effentielle de la Poéfie, & le talent de bien écrire comme le plus féduifant de tous; auffi donne-t-il affez d'étendue à cet article, dont il traite dans trois Chapitres confécutifs. Il n'eft guère poffible de dire quelque chofe de nouveau fur ce fujet, mais ce qui même a déjà été dit, n'eft rien moins qu'inutile à rappeller, & peut être présenté sous un nouveau point de vue.

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Mr. MARMONTEL diftingue dans le ftyle poétique fes qualités permanentes & fes modes accidentels. Les premières, communes à tous les genres, font la clarté, la précifion, la jufteffe, la correction, la facilité, la décence &c. Il appelle,, modes ", ou accidens du ftyle ce qui le varie & le ,, diftingue de lui même, comme festours & fes mouvemens, leton que le fujet lui ,, donne, le caractère que lui imprime la ,, penfée; celui qu'il emprunte des mœurs, ,, de la fituation, de l'intention de celui ,, qui parle. Tels font l'énergie, la vèhémence, la naïveté, la délicateffe, l'élé,, vation, &c ". Les détails où l'on entre fur ces divers objets ne manquent affurément ni d'intérêt ni d'utilité: on nous permettra cependant de ne pas y fuivre l'Auteur; nous ne faurions le faire fans nous jetter dans une longueur exceffive. Tenons nous en à quelques obfervations détachées.

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A

A propos de la précifion, qualité fi précieufe, fi neceffaire du ftyle, Mr. MARMONTEL demande, comment on peut l'accorder avec l'hyperbole fi commune en Poéfie? C'eft répond-il en l'employant de façon qu'on paroiffe ne pas croire exagérer. L'hyperbole, ajoute-t-il, ne doit être fenfible que pour celui qui écoute, jamais pour celui qui parle : voilà fa règle. Mais qu'il nous foit permis de le demander, cette règle eft elle bien claire? il nous femble qu'il n'eft pas aifé d'en bien faifir le fens. Que l'on parle d'après les fortes impreffions d'un objet,ou d'après les mouvemens violens dont on eft agité; fi l'on fait paffer ces mouvemens dans l'ame de l'auditeur, il n'apperçoit pas l'hyperbole, il sent trop lui même pour douter que celui qui parle ne fente pas aufli ce qu'il exprime. S'il apperçoit l'hyperbole, l'illufion doit fe détruire & avec elle la confiance, car comme Mr. MARMONTEL le dit dans un autre endroit, l'unique moyen pour perfuader eft de paroître de bonne foi. Toutes les fois, ajoute-t-il ici, que l'expreffion dit ,, plus qu'on ne doit penfer naturellement ,, elle eft fauffe; elle eft jufte toutes les fois ,, qu'elle n'excède pas l'idée qu'on a, ou ,, qu'on peut avoir ". Ceci ne rend, à notre avis, la penfée de l'Auteur ni plus claire, ni plus exacte. Ce n'eft pas que cette dernière propofition ne foit vraie en général, mais l'application n'en paroit pas ju fte. Mr. DE MARMONTEL fenible y avoir oublié

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oublié, ce dont il fe fouvient fort bien ailleurs, que notre langage ordinaire eft plein de figures, & que l'hyperbole même y domine, mais l'habitude nous empêche de l'appercevoir, & nous fait, ou adopter pour fimples des expreffions qui ne font rien moins que cela, ou réduire fans pei ne à leur jufte valeur celles dont l'exagération eft fenfible. Nous aimons même aflez que l'on nous furfaffe les chofes, pourvu qu'on ne paroiffe pas vouloir nous ôter la liberté d'en rabattre. Ainfi nous entendons dire tous les jours fans en être choqués, pour exprimer la légèreté d'un coureur qu'il va plus vite que le vent; n'eft il pas certain néanmoins que l'exagération de cette expreffion, ne peut pas plus échapper à celui qui parle, qu'à celui qui écoute. Quand Virgile a dit de Camille':

Illa vel intacte fegetis per fumma volaret
Gramina, nec teneras curfu læfiffet ariftas
Vel mare per medium, fluctu fuspenfa tumenti
Ferret iter; celeres nec tingeret aquore plantas (2).

Le penfoit il? pouvoit-il le penfer? cependant cette hyperbole choque-t-elle perfonne?

(2) Elle auroit pu voler fur les jaunes fillons, Sans courber les épics fous fes legers talons; Elle auroit pu courir des mers la plaine bumide, Sans que le flot falé mouillât fon pied rapide. L'Abbé Gedoyn dans fa Traduction de Quintil.

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