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Mon Général, faites enlever & fecourir ces bleffés à qui l'on peut fauver la vie. Et vous, mon ami, lui demanda l'Officier vous ne pensez pas à vous même ? Le Grenadier pour réponse, lève son manteau & lui fait voir qu'il a ,, les deux cuiffes emportées d'un boulet de canon ".

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Deux Soldats vont vifiter le Tombeau du Maréchal de Saxe; là dans le filence du respect & de la confternation, ils tirent leur fabre, le paffent fur la ,, pierre qui couvre les reftes de ce grand homme, & fe retirent fans parler.

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"" Qu'on tàche d'exprimer plus hautement avec des paroles, la confiance qu'ils avoient en lui ".

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De tout cela l'on conclut, que le fublime n'eft pas dans les mots, que l'expreffion y peut nuire, mais qu'elle n'y ajoute jamais. Il eft vrai que plus elle eft ferrée, plus elle eft frappante ; & cela prouve que la précision eft effentielle au ftyle fublime; mais la précision n'exclud pas les gradations & les développemens, qui font eux mêmes quelquefois le fublime. Le qu'il mourut, du vieil Horace, est assu rément très fublime, mais qu'on life toute la fcène où ces mots font placés, on se convaincra fans peine qu'ils doivent leur force à ce qui les précède, Mr. DE M. le fait très bien voir.

Nous avons mis l'énergie au rang des

qua.

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qualités accidentelles du ftyle: elle confifte,,, à preffer en peu de mots le fentiment ou la pensée, pour l'exprimer avec plus de force, & lui donner plus de ref-. fort". Quelquefois elle facrifie l'exactitude à la précision, comme dans ce vers de Racine:

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Je t'aimois inconftant, qu'aurois-je fait fidèle !

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mais elle ne peut jamais négliger de même, la clarté & la jufteffe. Il faut cependant prendre garde que cette dernière qualité, n'exige pas toujours la vérité abfolue, à laquelle, dit très bien Mr. De M. ce n'eft rien de manquer en Poéfie, pourvu ,, qu'on obferve la vérité relative ... La ,, jufteffe de l'expreffion dépend du carac,, tère, de la fituation, de la manière de , concevoir & de fentir de celui qui parle; ,, en changeant de place ou de bouche elle perd fouvent toute fa vérité ".

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Les images, devenues un ornement de luxe dans le langage , y furent d'abord introduites par le befoin. On conçoit aifément que les hommes, dès qu'ils ont commencé à fe communiquer leurs idées, ont du tirer leurs dénominations des objets qui leur étoient connus par le rapport des fens, & dont les impreffions doivent néceffairement avoir précédé la réflexion fur nous mêmes. L'homme eft fait de forte,

que

que naturellement il ne croit bien concevoir que ce qu'il peut fe repréfenter, ce n'eft qu'à la longue & avec peine qu'il fe fait aux idées abftraites, leurs fignes doivent être revêtus de quelque chofe de fenfible & de corporel, ou du moins en être tirés & y avoir quelque rapport. Des termes abftraits qui ne peignent rien à l'imagination, qui ne rappellent à l'ame aucune des impreffions qu'elle a pu recevoir du dehors, forment, pour la plus grande partie des hommes, un langage inintelligible. Comment donc auroient-ils commencé à inventer ces mots, dans le temps où le cercle de leurs idées etoit certainement très petit? Auffi trouve-t-on en remontant par le fecours de l'étymologie aux racines, ou mots primitifs des langues anciennes, qu'ils ont prefque toujours un fens purement phyfique & naturel. Mais à mefure qu'on a formé des abftractions, on a tâché de les rendre fenfibles pour les com muniquer; on les a revêtues d'images qui euffent quelque rapport avec elles, & l'on a transporté peu à peu, les termes du fens naturel au figuré.

On nous a donné depuis quelques années des Poefies des anciens Islandois, & des anciens Ecoffois; les images qu'on y trouve ne font ni en moins grand nombre, ni moins hardies que dans les Ecrits des Perfans & des Arabes on en dit autant des

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harangues des Sauvages du Canada. Que conclure de là? ce qu'en conclut Mr. DE M.,, Moins les peuples font civilifés, plus leur langage eft figuré, fenfible. C'est à mesure qu'ils s'éloignent de la Nature, & non pas à mefure qu'ils s'éloignent du foleil, que leurs idées fe dépouillent de ,, cette écorce dont elles étoient revêtues, ,, comme pour tomber fous les fens. Les images font par-tout le langage de la Na,, ture, mais l'art de les employer a fes règles ". En voici quelques unes que nous ne ferons qu'indiquer: il nous est impoffible de fuivre l'Auteur dans leur développement & leur application, à divers exemples, quelque utiles, intéreffans & agréables que ces détails puiffent être.

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1. Les objets dont le Poëte emprun,, te fes métaphores, doivent être préfens ,, aux efprits cultivés.

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,, 2. S'il adopte un fyftême, comme il y eft fouvent obligé. . . . . il fe borne lui même dans le choix des images, & s'interdit tout ce qui n'eft pas analogue ,, au fyftême qu'il a fuivi.

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3. Les images doivent être du ton general de la chofe; élevées dans le no,,ble, fimples dans le familier, fublimes ", dans l'enthoufia me, & toujours plus ,, frappantes que la peinture de l'objet ,, même.

,, 4. Si le Poëte adopte un perfonnage, , un caractère,.. il ne doit fe fervir " pour

,, pour peindre fes fentimens, & fes idées, ,, que des images qui font préfentes au ,, perfonnage qu'il a pris.

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5. Lesimages font d'autant plus frap,, pantes, que les objets en font plus familiers; & comme on écrit fur tout pour fon pays, le ftyle poétique doit avoir ,, naturellement une couleur natale. Ce,, pendant il y a des images transplantées ,, que l'habirude rend naturelles; on a ,, remarqué que chez les Peuples Proteftans, qui lifent les Livres Saints en lan,,gue vulgaire, la Poésie a pris le style O,, riental.

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Mais une règle plus délicate, & plus ,, difficile à preferire, (c'eft toujours Mr. DE M. qui parle) c'eft l'oeconomie & la fobriété dans la diftribution des ima"Pour bien obferver cette règle, il "ges. faut avoir attention à ne jamais revêtir l'idée que pour l'embellir, & à ne jamais embellir que ce qui le mérite; ainfi l'on évitera la profufion des images, & l'on ne les employera qu'à propos.

L'abus des images fait donner dans les jeux de mots, l'un des vices les plus oppofés au naturel qui fait le charme du ftyle poétique.

On a cru pendant longtemps, bien des gens croient encor aujourd'hui, que la Langue Françoife n'eft pas fufceptible d'harmonie, qu'au moins cette harmonie, fi elle exifte, n'a ni règles ni principes fixes.

N'y

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