Page images
PDF
EPUB

travailler le chinois. Lord George MACARTNEY avait été nommé le 3 mai 1792 ambassadeur en Chine. Une des grosses difficultés préliminaires de sa mission avait été le choix d'un interprète: l'enseignement de la langue chinoise aux étrangers était absolument interdit à Canton par les autorités; l'anglais FLINT qui avait enfreint cet ordre avait été emprisonné; l'interprète de notre Consulat dans cette ville, GALBERT, avait péri dans le naufrage du vaisseau anglais la Vestale (1788); les Anglais s'adressèrent sans succès tour à tour aux Lazaristes et aux Missions étrangères de Paris. De guerre lasse, ils trouvèrent à Naples, au Collége fondé par le P. RIPA, deux jeunes Chinois qui consentirent à servir d'interprètes et dont l'inexpérience et l'ignorance des usages de leur pays ne furent pas les moindres causes de l'insuccès de la mission. C'est avec ces Chinois que Montucci poursuivit ses études de leur langue dans un commerce journalier de plusieurs mois. «C'est à ces missionnaires qu'il a dû surtout la connoissance exacte des procédés que l'on doit suivre pour tracer les caractères chinois, procédés importans par leurs conséquences pour l'analyse des caractères, pour leur classification et leur recherche dans les dictionnaires, et dont cependant ni Fourmont ni aucun autre Européen n'a parlé»1). Aussi lorsque l'interprète russe LEONTIEV choisi par CATHERINE II mourut, Montucci crut-il pouvoir offrir pour le remplacer ses services à l'empereur Alexandre Ier en 1802.

Les Chinois de Macartney avait fait cadeau à Montucci pour le remercier de quelques petits services qu'il leur avait rendus d'un vocabulaire intitulé Tsching Tseu Thong qui lui donna l'idée de compiler lui-même un Dictionnaire. L'impression d'un pareil ouvrage aurait dépassé les maigres ressources financières dont disposait Montucci, aussi communiqua-t-il le plan de son travail aux sociétés

1) S. de SACY, Mag. Enc., 1808, IV, 214.
p.

De Studiis sinicis, pp. 9-10.

5

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small]

A la fin de la Dissertation, Montucci a ajouté une lettre de Geo. Tho. STAUNTON, Devonshire Street, May 8th 1804, répondant à sa propre lettre du 21 avril renfermant le plan de publication d'un Dictionnaire chinois en Graude Bretagne; Montucci souligne le passage suivant de la lettre du savant anglais:

<< The specimens you have favoured me with of Chinese Characters, written by you and engraved under your direction, appeared to me not only perfectly legible; but to excel in neatness and accuracy any of the former attempts of that kind, which I had had an opportunity of seeing in Europe. >>

<< As I am aware also of the labour and attention, which you must have bestowed in acquiring a knowledge of the principles and theory of that intricate language, I sincerely wish, that you may be induced to undertake the execution of your proposed plan, and I am very sanguine in the opinion, that the expectations of the Public would not be disappointed. »

Staunton recommandait à Montucci de se servir du dictionnaire compilé récemment par RAPER.

<< As you have access to the MS. dictionary belonging to Mr Raper, which I had occasion to consult some years ago, and always regarded as one of the most complete and correct performances of that kind ever transmitted to England, I should imagine, that a careful attention to the general principles of the Language and a correct execution of the written character, would enable you to superintend the publication of such an original with every prospect of success. » 1)

Le Dictionnaire chinois-anglais de Raper est une traduction faite en 3 volumes en 1807 du Dictionnaire latin de Macao, offerte par l'auteur le 3 décembre 1823 à la Royal Asiatic Society qui en conserve toujours le manuscrit qui n'a jamais été publié 2).

Au sujet de la publication d'un Dictionnaire chinois, Sacy commençait ainsi une étude sur le De Studiis sinicis ) de Montucci:

<< Il est fâcheux que les projets conçus en divers pays et à différentes époques pour faciliter et répandre en Europe l'étude de la langue chinoise, n'ayent jamais eu le succès que l'on avoit droit d'en attendre. Si l'espoir de

1) Lettre de Staunton à Montucci, 8 Mai 1804 (De Studiis sinicis, p. 26).

2) Voir Bibliotheca Sinica, col. 1631.

3) Magasin Encyclopédique, 1808, IV, pp. 211–217.

De Guignes fils

posséder enfin un dictionnaire de cette langue a dû paroître bien fondé, c'a été sans doute lorsque l'on a vu le gouvernement français appeler auprès de lui un savant qui s'étoit déjà fait connoître dans ce genre de littérature, et lui confier l'exécution de ce projet, qu'aucun obstacle ne sembloit plus devoir arrêter. Il ne s'agissoit point en effet de composer un dictionnaire chinois, travail long, pénible, qui eût exigé une connoissance approfondie de la langue et de l'écriture chinoises, et une pratique de plusieurs années; il ne falloit point faire graver 100.000 caractères, réunir pour cela des modèles bien choisis, et de bons artistes, et pourvoir aux frais d'une si grande entreprise. Le dictionnaire existoit, il avoit été fait par des hommes dont la réputation étoit assurée, et quelque imparfait qu'on pût le supposer, il suffisoit de le livrer à l'impression pour faciliter l'accès à la littérature chinoise; les caractères en très-grand nombre, gravés depuis longtemps, n'attendoient qu'une main laborieuse pour sortir de leur obscurité, et être mis en oeuvre; les frais d'impression n'étoient que peu de chose au prix de ceux qu'auroit exigés la gravure même des caractères; enfin M. Hager avoit justifié le choix du gouvernement par un ouvrage plein d'érudition et de recherches. 1) Malgré tant d'apparences, flatteuses, ce projet n'a pas eu plus de succès que les précédens. On n'en doit imputer la faute qu'aux circonstances politiques, qui seules ont obligé le gouvernement d'ajourner l'exécution d'un travail digne de sa munificence et de la protection qu'il accorde aux sciences et aux lettres. Espérons que le jour n'est pas loin où l'Europe possédera enfin un ouvrage dont la publication est le premier pas à faire pour porter le jour de la critique dans la littérature chinoise, et pour ouvrir une mine presque neuve de recherches de tout genre sur l'histoire, la religion, les sciences, en un mot la culture de l'extrémité orientale de l'ancien Continent.

La petite brochure que nous annonçons est propre à relever nos espérances. Nous aimons à penser que l'auteur, M. A. Montucci, peut rendre cet important service à l'Europe savante, et les détails dans lesquels il entre nous autorisent à avoir de lui cette opinion. Quand il s'agit de l'avancement des lettres, une seule rivalité est permise, celle de contribuer à leurs progrès, et nous nous faisons un devoir de penser que c'est celle-là qui a animé M. de Montucci dans les discussions polémiques auxquelles il s'est trop livré précédemment.

Chrétien Louis Joseph DE GUIGNES, né à Paris, le 21 août 1759, était le fils de l'auteur de l'Histoire des Huns qui obtint sa nomination au poste d'attaché au Consulat de Canton (17 novembre 1783). De Guignes s'était embarqué à Brest le 21 mars 1784 avec l'abbé RAUX, premier lazariste supérieur de la Mission française de Pe King,

1) Description de Médailles chinoises du Cabinet impérial de France. Paris, 1805.

[ocr errors]

et il débarqua à Canton, le 29 août 1784 1). Le rétablissement de la Compagnie des Indes par CALONNE le 14 avril 1785, avait enlevé toute importance au Consulat créé à Canton en 1776 auquel De Guignes avait été attaché le 17 novembre 1783; aussi voyons-nous Deguignes le Père s'efforcer d'obtenir pour son fils une position dans le nouveau comptoir.

Voici un premier <Memoire pour le Sr Deguignes > adressé < A Messieurs les Administrateurs de la Compagnie des Indes » :")

[ocr errors]

Le S Deguignes fils est parti en 1784 par ordre du Ministre, attaché au Consulat de Canton pour devenir dans la suite Consul, afin qu'il se perfectionnât dans la connoissance de tous les différens objets qui peuvent être utiles à la nation, à notre commerce et à nos arts. Il avoit déjà des connoissances de la Langue et des caractères des Chinois.

Depuis l'Etablissement de la Compagnie le Consulat devenu inutile vient d'être supprimé. En conséquence le S Deguignes son pere, de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres a l'honneur de représenter à Messieurs les Administrateurs que son fils perdroit tout le fruit de ses travaux et de son voyage et de l'utilité qui doit en resulter. Il demande et espere que la Compagnie voudra bien accorder à son fils une place honorable à Canton où il pourra être utile au commerce et continuer de s'instruire dans les arts des Chinois qui peuvent nous être utiles en concourant à l'étendue de notre commerce.

Le S Deguignes fils, avant que de partir, avoit déjà des connoissances dans la langue et les livres des Chinois; il avoit traduit quelques morceaux et un planisphère chinois que l'Académie des Sciences a jugé dignes d'être imprimés dans ses mémoires étrangers, il vient de luy envoyer la suite des observations astronomiques qu'il a faites pendant sa route, observations utiles en ce qu'elles indiquent une route plus courte par un detroit que les François n'avoient point encore fréquenté. Il est Correspondant des deux Académies; il a étudié l'histoire naturelle, a appris le dessin et la peinture, connoissances qui peuvent le rendre agréable aux Chinois et necessaires à un voyageur qui reside à la Chine. Depuis son sejour dans ce pays, il s'occupe à s'instruire du com

1) Voir Toung Pao, Mai 1913, pp. 228-230.

2) En 1785 les Directeurs de la Compagnie des Indes, étaient: de MÉRY d'ARCY, rue Montmartre, près celle du Jour.

DERABEC, rue de Richelieu, vis-à-vis la Fontaine.

DE SAINTE CATHERINE, rue Thévenot, vis-à-vis celle des Deux Portes.

Le Secrétaire Général était M. de VARIGNY le J., à l'Hôtel de la Compagnie.

De Guignes le Père demeurait rue des Moulins, Butte St. Roch.

« PreviousContinue »