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de particulier, qui se transmet de génération en génération, jusqu'à ce que, par le mélange de plusieurs nations, ces traits caractéristiques se trouvent altérés ou entièrement détruits. Les guerres, les migrations, le commerce, la navigation et les naufrages ont tellement mêlé les habitans de la terre, que ce n'est plus que dans l'intérieur de quelques contrées inaccessibles aux étrangers qu'on trouve des hommes qui possèdent encore leur figure originale et primitive, qui les distingue d'une manière visible des nations limitrophes. Or, comme les différentes contrées du globe tiennent les unes aux autres, et que les îles ne sont pas fort éloignées du continent, on n'apperçoit, en général, entre les divers peuples qu'une différence graduelle, et qui ne devient remarquable qu'à de trèsgrandes distances.

S. I I.

L'ON partage assez communément les peuples de la même manière qu'on divise les grandes parties de la terre; savoir, en Européens, Africains, Asiatiques et Américains. Les habitans de ces quatre principales parties du globe, auxquels on peut joindre ceux des îles du Sud, de la Nouvelle-Hollande et de la Nouvelle-Zélande, qui composent, pour ainsi dire, une cinquième division de la terre, n'ont jamais encore pu être représentés par des traits caractéristiques et constans, savoir, leur par propre configuration, sans y joindre quelques productions naturelles du pays, ou bien quelques ornemens ou quelques usages particuliers à leur patrie. L'Asiatique se distingue de l'Européen par sa couleur et par son costume; l'Africain et l'Américain, qui ont à-peu-près la même couleur, se reconnoissent par le crocodile, l'éléphant, la nicotiane, le tatouage et les plumes.

Il est certain cependant que les habitans de la partie septen

trionale

trionale de l'Europe, tels que les Lappons, ont la peau plus basanée que ceux de l'île de Java; que différens peuples de la Perse et du

Mogol n'ont pas la peau plus brune que les Espagnols; et que les

Caffres mêmes, quoiqu'ils se trouvent placés en Afrique, diffèrent néanmoins beaucoup des habitans d'Angola, de Nubie, etc.

Les Américains semblent, en partie, être venus du Nord de l'Asie; cela paroît du moins assez certain aujourd'hui par l'analogie qu'on remarque entre leur figure, leurs usages, leurs coutumes et leurs principes religieux. Cela se trouve également confirmé d'une manière indubitable, par ce que nous ont appris les fréquens voyages des Russes en Amérique par la Sibérie, le Kamschatka, SaintAndré, etc., et ceux du capitaine Cook.

La belle carte de l'ouvrage de Cook, qui représente la partie Nord-Est de l'Asie et Nord-Ouest de l'Amérique, avec les îles qui gissent entre ces deux parties du monde, nous fait voir clairement la possibilité de cette analogie; de même que celle des courses qu'ont faites en Amérique, par ce chemin, les Lappons, les Samoïedes, les Sibériens, les Kamschatkales et les Sauvages de l'Asie.

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QUICONQUE Examinera sans prévention l'espèce humaine, telle qu'elle est aujourd'hui dispersée sur toute la surface de la terre, ne pourra donc douter qu'elle ne doive son origine qu'à un seul homme et une seule femme, qui n'ont paru que plusieurs siècles après la création du monde, lorsqu'il eut subi mille révolutions. C'est par ce couple que toutes les parties habitables de la terre ont été peuplées; la différence de la couleur puisse entrer pour rien en considération, parce que cette couleur s'altère insensiblement, tandis que la peau de tous les hommes conserve constamment sa même con

sans que

C

texture. J'ai déja fait voir, dans une Dissertation particulière sur la couleur des Nègres, qu'il est indifférent qu'Adam et Éve ayent été blancs ou noirs, puisque le changement du blanc au noir est aussi grand que celui du noir au blanc.

Je puis démontrer de même, par plusieurs morceaux de peau de Nègres, d'Italiens, et des plus blanches femmes de Hollande, que la seconde peau est chez tous plus ou moins noire ou basanée, de sorte qu'on peut également adopter l'une ou l'autre opinion; d'autant plus, que cette seconde peau, à laquelle Malphigi a donné le nom de membrane réticulaire, devient quelquefois chez nos femmes enceintes aussi noire qu'elle l'est chez les plus noires Négresses d'Angola. J'en ai vu un exemple remarquable au printems de l'année 1768, à toute la peau du ventre et à celle du sein d'une femme, d'ailleurs fort blanche, morte immédiatement après avoir accouché ; je conserve encore quelques morceaux de cette peau dans mon cabinet. Toute l'académie de Groningue a été témoin, dans le tems, de ce singulier phénomène. Au reste, ce n'est pas là un prodige le célèbre Le Cat en cite plusieurs exemples (1). Cette couleur obscure de la peau semble néanmoins disparoître par l'action de l'esprit de vin; ce qui a de même lieu avec la peau des Nègres, ainsi qu'on peut le voir par celle que je conserve dans mon cabinet.

Il paroît cependant certain, par ce que nous avons vu et par ce que nous apprend Le Cat, que la peau peut devenir de blanche noire et de nouveau de noire blanche. Le soleil a de même une

grande influence sur la couleur de notre peau. La grossesse des femmes, les Nègres blancs, et ceux qui, par maladie, perdent leur

(1) Traité de la couleur de la peau humaine, édit. d'Amsterdam, art. IV, p. 130 et suiv.

noirceur, nous prouvent qu'il y a quelque autre chose qui agit sur la membrane réticulaire. Et pourquoi pas? Notre sang ne jette-t-il pas des particules noires dans les yeux, tandis que leurs tuniques conservent leur blancheur? La noirceur des parties secrettes des deux sexes, même des individus les plus blancs, nous prouve évidemment que notre membrane réticulaire peut recevoir sa couleur par le sang seul; c'est-à-dire, que la superficie peut en devenir si compacte qu'elle ne réfléchisse plus les rayons de lumière, et, par cela même, nous paroisse noire. On sait que les objets n'ont par eux-mêmes aucune espèce de couleur ; ce sont les rayons de lumière qui éprouvent différentes modes de réfractions, et qui, étant de nouveau réfléchies vers nous, présentent à notre esprit l'idée de la couleur.

S. I V.

COMME nous ignorons absolument à quelle époque, plus ou moins éloignée de la création du monde, l'homme a été formé et dispersé sur la terre, le plus sage parti que nous puissions prendre, c'est de considérer la variété de son espèce d'après ce que nous voyons aujourd'hui. Il seroit inutile de nous occuper ici à approfondir cette matière, que le grand peintre de la nature a si supérieurement traitée dans le Tom. III de l'Hist. Nat., et particulièrement dans son Traité des variétés dans l'espèce humaine, p. 371 et suiv.

Nous en prendrons quelques-uns des principaux passages, pour nous servir d'appui, et nous choisirons pour exemple les Calmuques.

Le visage des Calmuques, comparé avec le nôtre, mais sur-tout avec celui des plus belles têtes antiques, est ce que la nature peut offrir de plus laid. Le visage de ce peuple est extrêmement plat, comme il paroît par la Figure 4, Planche 1, et fort large d'une

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pomette de la joue à l'autre, comme on peut le voir par la Figure 3 de la Planche/III. Le nez est tellement applati qu'on n'y voit que deux trous au lieu de narines, ainsi que M. de Buffon l'a remarqué également (1).

Les yeux sont fort près l'un de l'autre, les lèvres sont grosses, et la supérieure est longue. Ils ressemblent beaucoup aux Siamois décrits par La Loubère : leur visage large est élevé par le haut des joues; le front se rétrécit tout-à-coup, et se termine en pointe de même que le menton; de sorte que leur physionomie tient moins de l'ovale que du losange, comme M. de Buffon l'a observé de même (2).

Je suis fâché de ne pas posséder une véritable mâchoire inférieure 'd'un individu de ce peuple, afin de pouvoir la comparer avec celle des Chinois et des autres nations de l'Asie.

Suivant M. de Buffon', les Chinois ont le visage large et rond, les yeux petits, les sourcils grands. J'en ai vu un à Londres en 1785, chez qui la petitesse du nez ne m'a pas frappé. La tête du Chinois que j'ai dans mon cabinet depuis l'année 1774, a les orbites des yeux fort proches l'un de l'autre; ils sont tirés obliquement, et n'ont guère d'élévation; les os des joues, quoique peu larges, sont fort saillans; la mâchoire supérieure, depuis le bas du nez jusques aux dents, a, comme chez l'Otahitien, peu de cavité; ce qui est le contraire de ce qu'on voit chez les Calmuques. Les Chinois ne peuvent par conséquent avoir la lèvre supérieure grosse.

Le plus singulier de tout, et que j'ai remarqué également aux têtes de l'habitant de Célèbe, du Chinois et de l'Otahitien, c'est un triangle rectangle §, £,, Planche 1, Figure 4, que j'ai de

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