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même trouvé dans toutes les femmes nées en Asie de parens Hollandois ou Anglois, et qui forme ces joues larges qu'on ne rencontre point chez les autres nations. Je suis surpris de voir, dans le Tome XIV, page 377, de l'ouvrage de M. de Buffon, que, quoiqu'il eut alors sous les yeux, dans les numéros 1339 et 1340 du cabinet du roi, deux têtes décharnées de Chinois, et une tête de Tartare dans le n°. 1341, il n'y ait pas remarqué quelque chose de particulier qui servit à distinguer ces peuples de la nation françoise. Je l'attribue à un défaut de cette justesse de l'œil qui ne peut être acquise que par l'exercice du dessin.

Toute la forme de la tête de l'Otahitien ressemble tant à celle du Chinois, que j'ose présumer que les habitans d'Otahiti et ceux de l'île des Amis, malgré leur grand éloignement de la Chine, ne sont que des colonies de ce pays. La boîte osseuse de l'insulaire des Moluques de ma collection n'a pas, à la vérité, l'angle de la mâchoire inférieure aussi grand, mais la mâchoire supérieure saillit, au contraire, fort en-déhors, comme chez les Nègres et chez les Calmuques.

§. V.

JE conviens volontiers avec M. de Buffon, que les habitans du Nord, du Mogol et de la Perse, ainsi que les Arméniens, les Turcs, les Géorgiens, les Mingreliens, les Circassiens et tous les peuples de l'Europe, sont non- seulement les plus blancs, mais aussi les plus beaux et les mieux proportionnés du monde connu.

J'ai vu cependant des habitans de l'Arménie dont la physionomie n'avoit rien de gracieux. Les hommes des provinces méridionales de la France, mais sur-tout les femmes, ont encore cette rondeur dans le haut des joues, et ce méplat dans le visage, si remarquable dans l'Apollon Pythien et dans la Vénus de Médicis. Ceux des par

ties septentrionales out, comme les Écossois, et un grand nombre de Hollandois, la tête étroite et le visage pointu; c'est-à-dire, que les mâchoires, Planche II, Fig. 1, 2, fuient en arrière, et ne saillissent pas en avant comme chez le Calmuque, Planche 1, Fig. 4, S. On ne peut guère s'appercevoir de cette différence, à moins qu'on ne modele ces parties.

Ω.

Mais il n'y a point de nation qui offre des particularités aussi distinctives que les Juifs. Les hommes, les femmes, et même les enfans nouveaux nés portent tous des marques de leur origine. Ayant fait connoître au célèbre peintre West, à Londres, la difficulté que je trouvois à saisir le caractère national de ce peuple; il me dit que, suivant lui, il falloit le chercher dans la ligne courbe du nez. Je conviens que le nez y fait beaucoup, et que la forme de celui des Juifs a une grande analogie avec celle du nez des habitans du Mogol, peuple dont j'ai vu plusieurs individus à Londres, et dont j'ai dans mon cabinet une tête moulée sur la nature. Mais malgré cela, je ne suis pas satisfait sur cet article. C'est par cette raison que J. de Wit, artiste d'ailleurs fort habile, a bien peint, dans une salle du conseil de la maison de ville d'Amsterdam, plusieurs hommes avec de longues barbes, sans qu'il ait néanmoins représenté de véritables Israélites.

S. V I.

D'APRÈS tous ces caractères distinctifs, il me paroît que, pour éviter le trop grand nombre de planches, nous pouvons prendre le Calmuque pour modèle des peuples de toute l'Asie, de la Sibérie, jusqu'à la Nouvelle-Zélande, et pour ceux de l'Amérique septentrionale; parce que ceux-ci sont probablement une colonie venue de la partie septentrionale de l'Asie. Comme on ne connoît point la

souche des Mexicains et des Patagons, qui, n'étant pas aborigènes, descendent peut-être de quelque peuple européen, nous n'en pouvons rien dire avec certitude.

La tête de l'Européen pourra servir de modèle pour les peuples de toute l'Europe, de la Turquie, de la Perse et de la plus grande partie de l'Arabie, jusqu'à l'Indostan.

Nous pouvons prendre la tête du Nègre d'Angola pour modèle des peuples de toute l'Afrique, des Hottentots, (qui véritablement ne different point des Nègres ) et même des Caffres et des habitans de l'île de Madagascar. Il semble qu'on retrouve dans les in sulaires des Moluques les caractères de l'Asiatique et de l'Africain.

J'y ai joint la tête du Cercopithèque ou Singe à queue, et du petit Orang-Outang, pour faire mieux remarquer la valeur de la ligne faciale; c'est-à-dire, la ligne que décrit la physionomie de l'homme et des animaux.

CHAPITRE II.

Des causes qui produisent les variétés des formes qu'offrent, suivant les auteurs anciens et modernes, les tétes et les physionomies des différens peuples de la terre.

S. I.

Tous les écrivains de l'antiquité, Hérodote, Hippocrate, Suidas, Aristote, Pline, Pomponius Mela, etc.; et, à leur exemple, les

principaux parmi les modernes, tels que Cardan, Vesale, Schenckius; et, après ceux-ci, Haller et Buffon, appuyés sur le témoignage d'un grand nombre de voyageurs, assurent tous unanimement que la différence qui subsiste entre divers peuples, dépend nonseulement du climat qu'ils habitent, mais aussi de l'art qu'ils emploient; de sorte même que ces formes artificielles deviennent à la fin naturelles aux individus. J'ai démontré, il y a quelques années, exactement le contraire dans ma Dissertation sur l'Éducation des Enfans.

le

Quelque minutieuse que soit cette application, il n'en paroîtra pas moins certain à quiconque veut réfléchir, que ce n'est pas nez qui est écrasé chez les Nègres; mais que leurs joues saillant beaucoup plus en avant que chez nous, ils ne peuvent avoir un plus grand nez. Si cette forme dépend de l'art, d'où vient donc que leurs joues sont si larges et leurs lèvres si grosses.

Je n'ai osé avancer un sentiment contraire à celui qui étoit soutenu par des gens d'esprit, qu'après qu'on m'eut donné, il y a plus de trente ans, l'avorton d'une Négresse, dans lequel, quoiqu'il eut à peine six mois, tous les traits étoient si bien formés, que ceux qui le virent ne purent manquer de le prendre pour un Négrillon, quoique la peau ne fut pas encore noire.

En 1758, je disséquai publiquement, au collège de chirurgie à Amsterdam, un Négrillon âgé d'environ onze ans, dont je conserve encore la boîte osseuse, par laquelle je prouvai alors toutes les variétés que produit la nature; c'est-à-dire, le sol, le climat et la nourriture, sans qu'il soit besoin pour cela que la main de l'homme y contribue pour quelque chose.

Qu'on ne pense pas cependant que je croye qu'il soit impossible d'obtenir quelques variétés par l'art. Me trouvant, en 1785, à

Londres,

mas,

Londres, M. Cline, premier chirurgien de l'hôpital de Saint Thome permit de dessiner la boîte osseuse d'un homme âgé de Saint-Vincent, une des îles Caraïbes, dont l'os frontal se trouve totalement applati par la compression qu'on lui avoit fait subir.

M. Hunauld a décrit et fait graver une pareille boîte osseuse dans les Mémoires de l'Académie des Sciences, 1740, in-8°., p. 529, Planche XVIII, Figure 1. Winslow parle aussi d'une semblable boîte osseuse, qu'on doit avoir apportée de l'île des Chiens, sur la côte occidentale de l'Amérique. Il se trompe beaucoup sur le gissement de ces îles, qui se trouve mieux déterminé par M. Hubner, dans sa Géographie, page 572, qui les place proche du tropique du capricorne, vis-à-vis le Pérou.

Dans le même tems que j'ai peint à Oxford la tête décharnée d'un Otahitien, le 28 Octobre 1785, j'ai dessiné une semblable boîte osseuse d'un jeune sujet de l'île de Saint-George ou Nootka-Sound, également apportée par le capitaine King, et qui se conservent, l'une et l'autre, dans le cabinet d'anatomie du collège du Christ (1).·

Si c'est à quelque usage particulier de ces nations qu'il faut attribuer cette variété, on doit s'étonner de ce que cette étrange coutume ait lieu dans trois pays situés à une si grande distance l'un de l'autre ; d'autant plus que ces peuples ne semblent point perdre par-là leurs facultés intellectuelles ; à moins qu'il n'y en ait quelques exemples fort rares; ce qui ne paroît pas invraisemblable puisque le capitaine Cook dit seulement, dans son dernier voyage,

(1) Forster remarque, dans ses Observations faites pendant le second voyage du capitaine Cook, que les habitans de Mallicolo ont le front fort court et quelquefois extrêmement comprimé, avec les os des joues proéminens; sans oser dire si cela vient de l'art, ou si c'est la nature seule qui produit ce phénomène, après une compression préalable,

D

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