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cidentelles. Notre peau a la même contexture que celle des hommes de couleur; nous sommes donc seulement moins noirs.

Les cheveux sont longs, droits ou bouclés, ou bien crépus; ce qui dépend vraisemblablement le plus de la nourriture qu'on prend. Les habitans des pays de Munster et de Drenthe ont tous les cheveux plats; mais ils commencent, en général, à les avoir frisés après qu'ils ont passé quelques années à Amsterdam.

S. V I.

Les mœurs et les usages ont certainement une grande influence sur la figure de notre corps. Une bonne éducation donne même une certaine élégance à l'homme, ainsi qu'il est facile de s'en convaincre chez les nations policées.

Les manières de s'asseoir, de se coucher, de marcher, et plusieurs autres circonstances de cette espèce, communiquent au corps un développement gracieux. Cela est si vrai, que le visage d'une personne qui a le corps de travers, le devient aussi; c'està-dire, qu'il s'affaisse insensiblement par la pression du cerveau qui, dans ce cas, ne se trouve pas soutenu également; d'où il résulte qu'un des orbites des yeux se trouve, avec le tems, plus bas que l'autre, ainsi que je suis en état de le prouver par l'exemple remarquable qu'offre une tête que j'ai dans mon cabinet.

Chez les boîteux, le genou se tourne entièrement en-dedans le mouvement que lui imprime le fémur.

par

Chez les rachitiques et chez les bossus, toutes les clavicules deviennent droites et s'allongent.

Je ne parlerai point ici des suites terribles de l'usage des corps

de baleine, par lesquels nos femmes nuisent si essentiellement à la santé et au développement des membres de leurs enfans.

Nous nous moquons des Chinois, qui estropient si terriblement les pieds de leurs femmes, tandis que nous sommes nous-mêmes dans l'erreur à cet égard, ainsi que je pense l'avoir prouvé dans ma Dissertation sur la meilleure forme des souliers (1). Nous allons plus loin que les Chinois, puisque nous rendons non - seulement les pieds de nos femmes, mais les nôtres même, peu propres હૈ

marcher.

Le ruban dont les femmes du peuple en Hollande se serrent la tête pour retenir leurs cheveux, occasionne un enfoncement à l'os frontal; de même que nos jarretières impriment un cercle profond au-dessous des genoux, comme cela a lieu aussi chez les peuples du Brésil, qui regardent ce défaut comme un ornement.

L'éducation, les exercices du corps et une vie réglée rendent l'homme plus beau de visage et de corps; par-là ses membres acquièrent une certaine grace, qui forme une différence si remarquable entre l'homme bien éduqué et le rustre, qu'on a de la peine à croire que la même espèce de créatures puisse offrir une pareille disparité par le seul effet de la manière de vivre..

§. VII,

CERTAINES maladies indigènes n'ont pas une moindre influence sur la structure générale de notre corps. Le rachitis occasionne différentes espèces de difformités. Cependant, selon Hippocrate, il paroît que, sous le plus heureux ciel de la terre, on éprouvoit les

(1) Nous donnons ce morceau à la fin du présent volume. Note du Traduc

teur,

mêmes

mêmes incommodités que dans les froides régions du Nord et du Sud; sans cela il lui eût été impossible de parler si pertinemment de toutes les maladies qui en sont les suites.

§. VIII.

LES maladies qui occasionnent les différentes difformités du corps sont sans doute terribles; mais il faut regarder comme plus cruel encore le goût qu'avoient les contemporains de Longin, et dont il parle dans son Traité du Sublime, §. 43, d'avoir des nains, qu'on renfermoit dans des boîtes, et qu'on enveloppoit tellement de bandelettes, qu'ils devenoient ridicules par leur difformité. Il trouve cette méthode si révoltante, qu'il n'a pas osé y ajouter foi. Suétone nous apprend néanmoins qu'on voyoit de pareils nains dans les maisons des gens riches. Tibère ne voulut point souffrir ces ridicules productions de la nature (ludibria naturæ); mais l'empereur Alexandre Sévère en amusoit le peuple de Rome. On trouve encore aujourd'hui de ces monstres à la cour des princes russes.

CHAPITRE II I.

Réflexions physiques sur les variétés qu'on remarque dans le profil des Singes, des Orangs - Outangs, des Nègres et des autres Peuples, ainsi que des figures antiques.

§. I.

ON

N sera sans doute surpris de voir que je place sur la première Planche deux têtes de Singes, ensuite celle d'un Nègre, et enfin

E

celle d'un Calmuque. La singulière analogie qui subsiste entre la tête du Singe et celle du Nègre, particulièrement quand on considère cette analogie d'une manière superficielle, a porté quelques philosophes à cette idée extrême : s'il ne seroit pas possible qu'il y ait eu un mélange entre les hommes blancs et des Orangs -Outangs ou Pangos, auquel les Nègres devroient leur origine; ou bien si ces monstres n'auroient pas pu parvenir insensiblement par l'éducation à une certaine perfection, pour mériter, par la suite des tems, d'être placés au rang de l'espèce humaine.

Ce n'est pas ici le moment de faire voir l'absurdité d'une pareille assertion; je prie le lecteur de consulter sur cela la Dissertation que j'ai publiée en 1782 sur l'Orang-Outang. Je remarquerai seulement, que les Singes, depuis ceux de la plus grande espèce jusqu'à ceux de la plus petite, sont de véritables quadrupèdes, nullement destinés à marcher dans une position verticale, et à qui la construction du gosier ne permet point d'avoir l'usage de la parole. Qu'en second lieu, ils ont beaucoup de rapport avec les Chiens, sur-tout par les parties de la génération; caractères par lesquels il paroît que la nature a voulu principalement distinguer les diverses espèces d'animaux.

Les yeux rapprochés l'un de l'autre, le petit nez épaté et la lèvre supérieure proéminente, forment, en grande partie, la ressemblance qu'il y a entre la tête du Calmuque et celle du Singe, et que les naturalistes de nos jours cherchent à augmenter encore par leurs planches supérieurement gravées et artistement enluminées; mais cette ressemblance s'évanouit bientôt, quand on examine d'un œil exercé et attentif toutes les parties du corps, et particulièrement celles de la tête; ainsi qu'on pourra s'en convaincre par la comparaison du dessin de ces têtes que je donne dans la Planche I.

J'ai dessiné de profil toutes les têtes représentées sur les Pl. I,

II et IV. Pline, qui donne à ces têtes dessinées de profil le nom de catagrapha ou imagines obliquas (1), attribue l'honneur de leur invention au célèbre Cimon de Cléone. C'est de cette manière qu'on peut reconnoître avec le plus d'exactitude et de facilité ces différences; sur-tout lorsqu'on place à côté des têtes les os qui en forment la charpente, et qui donnent aux têtes leur véritable caractère.

J'ai fait ces dessins avec la plus grande exactitude et correction possible. Pour cet effet, j'ai tiré une ligne horizontale le long du bas du nez N (Planche I) et du trou auditif C des quatre têtes, dans la ligne prolongée A B, et cela de la manière la plus nette que j'ai pu; en ne perdant point de vue la ligne que décrivoit l'os de la joue.

Pour obtenir la véritable forme et l'emplacement exact des parties avec justesse, je me suis servi d'un point de vue non fixe, et j'ai pris soin de faire tomber mon rayon visuel rectangulairement sur le milieu de l'objet, comme le sont accoutumés de faire les architectes; en ne me servant point par conséquent des règles de l'optique, qui donnent toujours une difformité aux parties, ou qui, du moins, ne nous les représentent point dans leur véritable position. Outre ces précautions, j'ai eu celle de ne considérer les objets que d'un œil.

Pour rendre ce travail plus facile, j'ai fait une machine d'une grandeur convenable à y pouvoir placer la plus grande boîte osseuse. Cette machine consiste en un plan droit horizontal, sur le milieu duquel il y a un petit chassis carré, dont les côtés horizontaux et perpendiculaires sont percés de trous à des distances égales, pour y passer l'aplomb et des fils perpendiculaires et horizontaux, selon qu'on le juge convenable.

(1) Lib. XXXV, c. 8, paragraph. 34, pag. 690.

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