medical Swet 8-19-39 38537 JOURNAL UNIVERSEL DES SCIENCES MÉDICALES. Nouveau Mémoire sur la Rage (1); par Félix Despiney, docteur en médecine de la Faculté de Paris, membre correspondant de l'Académie de Médecine, etc. Première observation. Le 11 novembre 1827, à neuf heures du matin, traversant un des faubourgs de la ville, j'entends tirer deux coups de fusil, et je vois un grand nombre de personnes courir et s'attrouper. Je m'approche; un chien noir, taille moyenne, dans la force de l'âge, enragé, venait d'être tué. On l'avait traîné dans un fossé; je l'en fais tirer, il palpitait encore: le pénis était dans une érection presque complète, une bave écumeuse sortait de sa gueule. Je prends mes mesures pour qu'il soit transporté chez un jardinier voisin. A trois heures du soir, même jour, accompagné de MM. les docteurs Buget, Silvent, et (1) Ce Mémoire a été présenté à l'Académie de Médecine au commencement de l'année 1828; en le faisant insérer dans ce journal, je place à la fin quelques additions. des élèves de l'hôpital, je pratique l'autopsie, et je trouve : Le pénis dans une érection étonnante; les testicules tellement gonflés, tellement pleins, que j'avais peine à les inciser, ils roulaient sous mon bistouri; leur tissu, traversé par quelques artérioles rouges, était d'une blancheur remarquable et d'une résistance comme lardacée. Les poumons, traversés par des grains de plomb, étaient affaissés, crépitans néanmoins dans quelques endroits. Du sang noir était épanché dans les plèvres. L'estomac, entièrement vide, était tellement contracté que sa muqueuse, extrêmement ridée, plissée, était partout en contact avec elle-même. Les intestins grêles vides et sains. Les gros intestins contenaient çà et là quelques matières fécales demi-fluides, et beaucoup de mucosités écumeuses. Quelques plaques d'un rouge foncé, mais sans ulcération, sans injection, correspondaient aux matières fécales. Tout le reste de l'abdomen, péritoine, foie, etc., sain; rate très-dure, très-petite. Cerveau peu injecté; les membranes du cervelet et de la moelle épinière présentent supérieurement leurs vaisseaux sanguins un peu plus injectés que dans l'état normal. Bulbe rachidien très-dur, trèsferme, sans changement de couleur, sans altération, plus consistant que le reste de ce cordon. Rien de particulier dans le pharynx et dans la bouche; seulement la muqueuse un peu plus rouge dans la glotte. RÉFLEXIONS. Le chien était des environs de la ville; d'après les renseignemens que j'ai pris, il paraît qu'il venait d'être saisi de la rage depuis quelques heures seulement. Il avait été vu la veille errant et agité, de manière à éveiller les inquiétudes; le lendemain, 11 novembre, il mordit différens animaux et donna des signes non équivoques de rage. Ainsi les désordres pathologiques n'avaient pas eu le temps de se prononcer. Il n'existait qu'une névrose du bulbe rachidien, et c'est précisément cette irritation nerveuse qui constitue, selon moi, le premier degré de la maladie. Si le chien eût vécu un jour ou deux de plus, cette irritation nerveuse serait devenue une véritable inflammation; et selon le laps de temps écoulé depuis l'invasion rabienne jusqu'à la mort de l'animal, nous aurions trouvé des désordres plus ou moins étendus dans cette même portion de l'axe cérébro-spinal. Deuxième observation. — Un fermier de SaintAndré, village éloigné de Bourg de deux lieues, vint me consulter pour quelque dérangement de sa santé. Il me raconta en même temps qu'un chien enragé avait parcouru son pays et mordu plusieurs de ses cochons. Je l'engageai à les faire tuer; il me répondit qu'il préférait les tenir enfermés pendant longtemps, dans l'espérance d'en sauver quelques-uns. Alors je lui fis promettre, si l'un d'eux devenait enragé, de m'envoyer aussitôt un exprès pour m'en avertir. C'est le 14 novembre 1827 que les cochons ont 1 été mordus. Un enfant aperçoit le chien couché sur la paille, dans les cours du domaine; il s'en approche pour le regarder, prend peur et s'enfuit, Au même instant, le chien s'élance sur huit petits cochons qui étaient devant la maison, et les couvre de morsures. Il retourne ensuite se coucher, à quelque distance de la ferme, sur des bruyères desséchées, et là fut tué par un coup de fusil et plusieurs coups de fourche. Le dimanche 25 novembre un des petits cochons, âgé de quatre mois, devint enragé. Le jour précédent, dans la soirée, il avait donné des signes de maladie et avait refusé les alimens; jusqu'à ce moment il avait constamment bu et mangé comme les autres, mordus en même temps que lui. Dans la nuit du 24 au 25 on l'entendit faire beaucoup de bruit; le matin on le trouva presque sans mouvement, et le fermier, homme intelligent, qui s'attachait à l'observer, le vit périr au milieu des convulsions. Averti le même jour, je ne pus me transporter à Saint-André que le mardi 27 novembre; j'arrive à la ferme sur les deux heures après midi. Le cochon était déposé sur le petit toit qui couvre leur auge... Le cadavre était raide (tous les jours précédens et le jour même il avait légèrement gelé, le thermomètre marquait quatre degrés au dessous de zéro.) Les muscles et le tissu cellulaire sous-cutané n'étaient pas congelés. Le pénis était d'une longueur extraordinaire, mais très-mince; le corps caverneux se dessinait fortement sous la peau ; il était injecté de sang |