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L'ouvrage du P. Fournier dont nous nous occuperons particulièrement porte le titre de Hydrographie contenant la théorie et la pratique de toutes les parties de la navigation, imprimée en 1643, à Paris, chez Michel Soly, rue Sainct-Jacques, au Phoenix. Le livre eut du succès, puisque vingt-quatre ans après, en 1667, il en fut fait une seconde édition « augmentée d'une instruction aux pilotes qui navigent autour de l'Écosse ». J'ai pu consulter la première édition; la seconde édition, que je n'ai pas eue entre les mains, a donc paru quinze ans après la mort de l'auteur, ce qui ne semble pas être une garantie d'amélioration. Jal, dans son Dictionnaire critique de biographie et d'histoire, la prétend « remplie de fautes d'impression et encore plus fâcheuse que la première » dont « la lecture serait, d'après lui, très dangereuse pour le vulgaire des marins ». Le jugement est plus que sévère et j'avoue n'en avoir pas réussi à découvrir les motifs (). La

populorum mores, mira deteguntur et hactenus inedita. Paris, 1656, in-folio.

Voir pour plus de détails: Bibliothèque de la Compagnie de Jésus. Première partie, Bibliographie, par Carlos SOMMERVOGEL S. J. Nouvelle édition, Bruxelles et Paris, 1892, t. III, p. 909, art. George Fournier.

(1) J'ai consulté, pour cette étude, un volume du P. Fournier appartenant à la bibliothèque municipale de la ville de Dieppe et j'ai eu l'heureuse fortune de trouver le mème ouvrage à la bibliothèque publique de Nancy. Bien que les deux volumes aient porté la même indication de première édition, la même date 1643 et le même nom de libraire, Michel Soly, il me semble qu'ils ne sont pas identiques. Alors que j'ai le souvenir de l'extrême correction du texte de l'exemplaire de Dieppe, j'ai au contraire trouvé d'assez nombreuses fautes dans celui de Nancy, ce qui justifierait en quelque mesure les critiques de Jal. En outre, la distribution des figures me paraît être différente. Peut-être

SÉRIE VI, t. v, 1907

première édition est un volume in-folio de 922 pages en outre de la dédicace au Roi et d'une table alphabétique des matières; l'impression, quoique très serrée, est nette et facile à lire; les figures dans le texte sont assez peu nombreuses et ne se rapportent guère qu'à la géométrie et à la cartographie, mais elles sont bien exécutées et en nombre suffisant. Une seule planche hors texte, gravée sur cuivre, représente un vaisseau sous voiles dont les diverses parties, mâts, vergues, cordages, pavillons, portent leur nom inscrit; la figure est donc l'illustration partielle de « l'inventaire des mots et façons de parler dont on use sur mer ». Au total, l'ouvrage, dans le fond comme dans la forme, fait l'éloge du remarquable esprit méthodique de l'auteur; la division par livres et chapitres est aussi claire à l'œil qu'à l'intelligence, le style reste simple et concis et, quel que soit le sujet traité, quelques facilités qu'il puisse prêter aux digressions, l'auteur ne se laisse jamais entraîner plus loin qu'il n'est indispensable; il dit ce qu'il veut et doit dire et rien de plus ; il demeure aussi maître de son sujet et de sa plume qu'il devait l'être de sa parole, car on voit qu'il possédait pleinement l'art et l'habitude de l'enseignement. Les fortes études littéraires qui jusqu'à ces derniers temps étaient considérées comme la base indispensable de toute éducation libérale, disposaient merveilleusement à la netteté dans la forme et dans l'expression, et, à son tour, celle-ci réagissait sur la netteté de la pensée et

s'agirait-il d'une contrefaçon. Comme je n'ai pu avoir les deux textes en même temps sous les yeux, je donne mon hypothèse pour ce qu'elle vaut; elle n'est qu'une simple impression.

la provoquait. S'il est vrai que « ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement », on serait aussi justement en droit de retourner la phrase et d'affirmer que l'horreur presque instinctive pour les phrases impropres et mal écrites qu'éprouvent ceux qui sont devenus familiers avec les admirables modèles laissés par l'antiquité, oblige presque malgré soi à penser correctement. En lisant le P. Fournier, on retrouve la langue limpide, souple, serrée qu'emploie Pascal, aussi bien dans ses œuvres littéraires et philosophiques que dans ses mémoires scientifiques et dans les lettres où il traitait de questions de physique ou de mathématiques.

L'Hydrographie est une encyclopédie complète des choses de la mer; toutes les connaissances du temps. y trouvent place: histoire, architecture navale, conduite du navire, astronomie, navigation, cartographie, mécanique, tactique navale, météorologie, rien n'est omis, pas mêmes certaines légendes de la mer, vraies ou fausses et plutôt fausses ou demi-fausses que vraies, mais alors courantes, et des considérations philosophiques originales sur le métier de marin où l'auteur défend les gens de mer et cherche à rehausser l'estime où mérite d'être tenue leur profession. Le chapitre intitulé « Que c'est à tort qu'on estime les gens de mer demi-barbares, n'y ayant façon de vivre plus raisonnable et mieux policée », ne perd pas à être comparé à ce sermon du Petit Carême où Massillon traitait durement les militaires et, sans sortir de la marine, aux passages où Marsigli, entre le P. Fournier et Massillon, parlait des matelots comme de véritables brutes. Marsigli était un savant qui ne s'était servi

des marins que par occasion, pour le conduire sur la mer aux endroits où il désirait faire ses observations; au contraire, le P. Fournier avait réellement vécu de leur vie, au milieu d'eux; il les avait vus se livrer à leurs durs travaux; sa profession d'aumônier de vaisseau lui avait donné le loisir de bien pénétrer leur âme et par conséquent de les aimer; mieux que personne, il savait apprécier à quel dévouement, à quelle abnégation s'alliait leur rudesse ; il connaissait ce que l'on pourrait appeler leur servitude et leur grandeur.

L'ouvrage est divisé en vingt livres subdivisés en chapitres portant chacun leur titre, de sorte qu'il est approprié aussi bien à ceux qui en voudraient entreprendre d'un bout à l'autre la lecture extrêmement intéressante et souvent même amusante, qu'à ceux qui, désireux d'un renseignement, sont heureux de le trouver sans peine, détaché de toute considération accessoire. Rien ne donnera une idée plus exacte de cette œuvre si pratique que de transcrire ici les titres des livres qui la composent. Le simple énoncé découvrira mieux que toute explication ce qu'était à cette époque l'ensemble des connaissances navales, y compris ce qui devait, environ un demi-siècle plus tard, devenir cette science de la mer, l'océanographie, que le génie de Marsigli allait coordonner et mettre sous forme de doctrine.

LIVRE I (31 chapitres).

LIVRE II (53 chapitres).

De l'architecture navale.
Des havres et ports de mer,

de l'arsenal royal et de la façon de les bâtir, de les

nettoyer et y conserver les vaisseaux.

LIVRE III. De l'ordre qu'il faut tenir pour équiper un vaisseau de vivres, d'armes et d'hommes et du devoir en particulier de tous ceux de l'équipage.

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Sommaire des choses auxquelles il faut prendre garde en tout embarquement.

Première partie (18 chapitres). nécessaires à une armée navale.

Deuxième partie (14 chapitres).

Des officiers

Des officiers

nécessaires dans un vaisseau pour être bien policé.

Troisième partie (15 chapitres). Des officiers nécessaires dans un vaisseau pour le conduire et gouverner.

Quatrième partie (11 chapitres).

LIVRE IV (10 chapitres). - De l'usage et bon emploi des

vaisseaux.

(20 chapitres).

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LIVRE V (28 chapitres). De ceux qui ont été les plus puissants sur mer et ont mieux cultivé l'art de naviguer soit en guerre, soit en paix.

LIVRE VI (47 chapitres). Mémoires de la marine de

France.

LIVRE VII (11 chapitres). - De l'amirauté de France. LIVRE VIII (26 chapitres). -Des principes de l'art de naviguer et de la bonne conduite d'un navire.

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