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comment de la poussière du passé surgissent de hauts et salutaires enseignements; et que l'histoire, dont toutes les sciences tirent profit, constitue la précieuse expérience des peuples. Mais s'ils doutaient encore, pour convaincre ces aimables sceptiques, j'aurais, Monsieur, un moyen décisif. Je leur ferais lire vos livres et je les renverrais à votre école.

COMPTE RENDU

DE L'EXERCICE 1908-1909

PAR

M. GABRIEL MELIN

MESSIEURS,

En commençant ce compte rendu de la vie intérieure de votre Compagnie pendant l'année qui vient de s'écouler, je sens toute la difficulté de la tâche. Comment rendre, en effet, avec les accents qui conviennent tout à la fois la tristesse que vous avez éprouvée par la mort de ceux qui vous ont quittés pour toujours,

la joie que vous avez ressentie en accueillant des membres nouveaux qui sont vite devenus des confrères très aimés, l'intime satisfaction dont vous avez été pénétrés, soit en saluant les distinctions flatteuses dont plusieurs d'entre vous furent l'objet, soit en goûtant les travaux pleins d'intérêt dont la lecture fut si souvent l'agrément et le charme de vos séances? Comment rendre avec justesse cette infinie nuance de sentiments pénibles ou joyeux?

Mors et vita: c'est là le tout de la condition humaine,

et votre Compagnie n'échappe pas à la destinée commune. La mort impitoyable, toujours trop pressée, quare mors immatura vagatur, a frappé dans vos rangs des coups sensibles et douloureux. Il nous faut donc rendre d'abord un pieux hommage à la mémoire de ceux qui ne sont plus de ce monde, mais dont le souvenir reste à jamais vivant dans vos cœurs.

Vous avez perdu en cette année 1908-1909 un membre honoraire Son Eminence le cardinal Mathieu; un membre titulaire : M. Paul Fliche; quatre anciens membres titulaires: MM. Jules Liégeois, Émile Pierrot, Émile Chasles, Émile Michel; - et quatre associés correspondants: M. Charles Charaux, M. l'abbé Hanauer, M. Perceval de Loriol Le Fort, M. Alfred Lefort.

Vous avez encore présente à l'esprit l'émotion qui s'emparait de tous, lorsque, vers le milieu de septembre 1908, vous appreniez que Son Éminence le cardinal Mathieu (1), arrivé depuis peu de temps à Londres pour prendre part au Congrès eucharistique qui s'y tenait alors, venait d'y tomber subitement et dangereusement malade. Une opération était jugée nécessaire; aussitôt pratiquée, elle réussissait à souhait. Son Éminence semblait sauvée; ce n'était, hélas ! qu'une apparence! Quelques jours après, le mal reparaissait plus grave, plus redoutable; les soins les plus empressés restaient impuissants et, le 26 octobre, loin de Rome, loin de Nancy, loin d'Einville, son village natal, en

(1) Né à Einville-au-Jard, en 1839.

terre étrangère, le cardinal rendait son âme à Dieu. Le corps était ramené en Lorraine et vous vous souvenez des funérailles imposantes qui furent alors célébrées. C'était un deuil pour l'Église entière; c'en était un cruel pour vous, Messieurs, qui aimiez tant votre illustre confrère et vous sentiez si profondément aimés de lui. De ces sentiments, votre président s'est fait l'interprète en des termes tels qu'on n'en aurait su trouver de plus justes, de plus délicats ni de plus émus.

Je n'entreprendrai pas, après les voix éloquentes qui se sont fait entendre sous les voûtes de notre cathédrale, au cimetière du Sud, ici même et dans la presse (1), de retracer cette carrière sacerdotale qui, des modestes fonctions de professeur d'histoire au Petit-Séminaire de Pont-à-Mousson, puis d'aumônier des dames dominicaines de Nancy, conduisait votre confrère, par les échelons successifs de la hiérarchie ecclésiastique, de la cure Saint-Martin de Pont-àMousson au siège épiscopal d'Angers, puis au siège archié iscopal de Toulouse, à Rome enfin où, revêtu de la pourpre et investi de la dignité de cardinal de curie, il était chargé de représenter les intérêts de la France; pas davantage cette carrière littéraire qui, inaugurée par une brillante soutenance de thèses devant la Faculté des lettres de Nancy, continuée par la publication de plusieurs ouvrages remarqués (2),

(1) Voir le recueil des Extraits de journaux, conservé à la Bibliothèque municipale de Nancy.

(2) Thèses, 1878 : L'Ancien régime dans la province de Lorraine et Barrois, d'après des documents inédits (1698-1789); De

aboutissait glorieusement en 1906 à l'Académie française (1).

J'insisterai plus volontiers sur le caractère si aimable, si sympathique de votre confrère, sur ce libéralisme, au meilleur sens du mot, sur cette intelligence si nette des temps présents qui faisait qu'avec lui, quelles que pussent être les divergences partielles d'opinions ou de convictions, on était sûr d'avance de trouver un terrain commun d'entente ou de conciliation; enfin, et surtout, sur cette affection si cordiale et si chaude. qu'il témoignait à tout ce qui, de près ou de loin, lui rappelait la Lorraine, « cette petite patrie qui fait si bien aimer la grande ». De cette affection, il vous a laissé, vous le savez, un précieux témoignage que je ne puis mieux rappeler qu'en citant les termes mêmes de la lettre par laquelle son exécuteur testamentaire vous en donnait connaissance : « Son Eminence, vous écrivait-on, n'a jamais oublié sa chère académie de Stanislas, et voici ce que, dans les derniers jours de sa vie, elle m'a chargé de lui dire: Vous remettrez à l'Académie de Stanislas mon portrait de Benjamin Constant, franc de tous droits, à la condition qu'il sera placé dans la salle des séances de ladite Académie. Veuillez, je vous

Joannis abbatis Gorziensis vita. Autres ouvrages: L'Abbé Rohrbacher (discours de réception à l'Académie de Stanislas) 1882; Une victime de la Révolution en Lorraine, Nancy, 1889; Le Concordat de 1801. Ses origines, son histoire, Paris, 1903; Les derniers jours de Léon XIII et le Conclave, Paris, 1904; L'Ancien régime dans la province de Lorraine et Barrois, 4o édi· tion 1907.

(1) Il y succédait au cardinal Perraud dont il prononça l'éloge dans la séance publique du jeudi 7 février 1907. Il fut reçu par M. le comte d'Haussonville.

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