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auquel avons demandé ses noms, âge, profession, pays et demeure; a répondu se nommer Grammont (Alexandre Nourry) fils, âgé de dix-neuf ans, natif de Limoges (Haute-Vienne), officier dans la cavalerie révolutionnaire et avant employé au bureau de la guerre, demeurant à Paris, passage des Petits Pères, no 3, section de Guillaume Tell.

D. S'il n'a jamais conspiré contre la République.

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Pourquoi lui avons nommé le citoyen La Fleutrie pour conseil. Lecture du présent interrogatoire faite, a persisté et a signé avec nous et notre commis greffier.

>> A. GRAMMONT fils, DOBSEN, A. Q. FOUQUIER, DUCRAY (1). »

L'interrogatoire de Grammont père est conçu dans les mêmes termes (2). Il est à la date du 20 germinal.

Fouquier-Tinville les traita comme de vulgaires subalternes, ne se donna même pas la peine de préciser contre eux un seul grief. Ils furent condamnés à mort le 24 germinal an II et exécutés le même jour.

Le peuple les reconnut dans la charrette qui les menait à l'échafaud, et les hua. Les femmes les montrèrent du doigt à leurs enfants. Il paraît que Grammont père avait perdu son arrogance et sa fierté ; comme il baissait la tête, son fils le traita de misérable. Lucille Desmoulins, qui était de la même fournée, voulut le rappeler à la pudeur. Il l'insulta. Son père, avant de gravir les marches de l'échafaud, se retourna vers lui pour l'embrasser. Il le repoussa. Mourut-il avec courage? Le cynisme n'est pas une preuve de sangfroid.

Ainsi finit, à dix-neuf ans, en scélérat consommé, cet indigne. enfant de Limoges, Alexandre Nourry-Grammont.

René FAGE.

(1) Arch. nationales, W 345, dossier 676, 5e partie. (2) Ibidem.

MICHEL PRADOLO

Évêque auxiliaire de Limoges

A la séance du mois de mai 1870, je présentais à la Société archéologique une petite bande de parchemin portant l'inscription commémorative de la consécration d'un autel à saint Eutrope, dans une chapelle située sur le territoire de la paroisse de Saint-Junienles-Combes. L'évêque consécrateur était désigné par ces mots : Dns Michael eps. Nyocen. (Bulletin, tome XXII, page 196.) Mais alors les documents me faisaient défaut pour déterminer le nom de famille et même le siège de cet évêque auxiliaire et je ne pouvais faire que des hypothèses.

Précédemment, M. l'abbé Texier, qui avait publié cette inscription dans son Manuel d'épigraphie (page 261), n'avait pu lire le mot Nyocensis, et par suite faire connaître le siège de cet évêque. Plus tard, notre excellent ami et savant confrère, M. l'abbé Poulbrière, donnait sur le même évêque une notice biographique (Bulletin de la Société de Tulle, tome XII, page 283) où il réunissait tous les renseignements connus jusqu'alors, mais après plusieurs hypothèses il était obligé d'avouer que le nom de famille, comme celui du siège de l'évêque consécrateur, était encore incertain.

Vingt-cinq ans se sont écoulés depuis la première communication du texte de cette inscription, sans que personne ait pu résoudre ce petit problème historique. Aujourd'hui je me trouve mieux renseigné sur Frère Michel Pradolo, de l'ordre des Frères Prêcheurs, évêque de Nio et auxiliaire de Pierie de Montbrun et de Jean Barton de Montbas, évêques de Limoges.

Les évêques placés à la tête du vaste diocèse de Limoges se trouvaient quelquefois, pour cause de maladie ou d'absence, dans

T. XLIII.

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l'impossibilité de remplir toutes les fonctions de leur charge. Pour l'administration temporelle du diocèse et quelques autres fonctions qui ne nécessitaient pas le caractère épiscopal, ils se faisaient remplacer par des vicaires généraux. Mais pour le sacrement de confirmation, les ordinations, les consécrations d'autels, etc., ils étaient obligés d'avoir recours à un évêque auxiliaire ou suppléant. On a quelquefois appelé ces derniers suffragants et coadjuteurs; ces noms avaient alors un sens différent de celui qu'on leur donne aujourd'hui, car les prélats appelés ainsi n'étaient nullement attachés au siège épiscopal et n'avaient aucun droit à la succession.

Le plus ancien que l'on connaisse à Limoges est celui qui fait le sujet de cette notice :

Michel Pradolo, que quelques-uns ont surnommé l'Espagnol, fit ses études au monastère de Collioure (canton d'Argelès-sur-Mer, Pyrénées-Orientales) Alumnus Caucoliberitani cænobii; et il semble originaire de ce lieu. Il entra dans l'ordre des Frères Prêcheurs et fut élevé à la dignité épiscopale en 1443, par le pape Eugène IV, qui lui donna le titre d'évêque de Nio in partibus, lorsque mourut Hector, évêque de ce diocése. Ces renseignements se trouvent dans le Bullaire de l'ordre des Frères Prêcheurs; ils lèvent entièrement les doutes qui existaient relativement à son nom de famille et à celui de son siège épiscopal. Voici le texte que je dois à l'obligeance du R. P. Marie-Bernard Ducoudray, du monastère de Poitiers:

F. Michael de Pradolo, episcopus Niocensis, vulgo Nio, in ejusdem nominis insula maris Ægei (1). Consulendi :

DIAGO Historia provinciæ Aragoniæ. Lib. II, cap. XCIIII, pag. 273.

FONTANA Theatro Dominicano. Part. I, cap. V, tit. CCCCXXIV, pag. 249, ex libro provisio. Prælatorum, et ex Ughello in mss.

CAVALERIUS: Tomo I, pag. 258, num. CLXIV et CLXV, ubi notat, quod a nonnullis vocatur Fr. Michael Hispanus, alumnus Caucoliberitani cœnobii, in provincia Aragoniæ, episcopus Niocensis, ab aliis episcopatus iste Niochensis dicitur. Sed in Diplomate, quo Michael episcopus renunciatur, Niocensis appellatur. Asservatur in archivo ordinis. Sic incipit: Eugenius, servus servorum Dei, dilecto filio Michaeli, electo Niocen., salutem et apostolicam benedictionem. Apostolatus officium, etc. Dudum siquidem bonæ memoriæ Hectore episcopo Niocen, regimini Niocen. Ecclesiæ, etc. Demum ad te ordinis Fratrum Prædicatorum professorem, etc. Datum Romæ apud sanctum Petrum, anno incarnationis Domini Millesimo Quadringentesimo

(1) Nio est une des îles Cyclades, dans l'Archipel ou mer Egée. Elle est située au sud-ouest de Naxos.

quadragesimo tertio, pridie nonas novembris, Pontificatus nostri anno tertio decimo. Ex archivo apostolico. Lib. CLXXI, fol. 268. (Bullarium Ordinis Præd. tom. III, p. 251.)

Fontana, dans l'ouvrage cité, à la page indiquée par le Bullaire, dit: Pater Fr. Michael Pradolo ab Eugenio IV, Niochensis episcopus creatus est, in Hectoris Episcopi prædefuncti locum, pridie non. novemb., anno millesimo quadringentesimo quadragesimo tertio, sicut in Libr. provis. Prælat. ejusdem Pont. habetur. Ughell. in M. S. Michel Pradolo fut appelé à Limoges en 1454 par Mgr Pierre de Montbrun, évêque de ce diocèse. Cet évêque, élu en 1426, n'avait cessé de visiter et de parcourir pendant près de trente ans le vaste, territoire qui formait le Limousin; et ces visites étaient faites au milieu de difficultés de toutes sortes. Outre la fatigue qu'il y avait pour un prélat âgé de voyager constamment à cheval, il avait eu à souffrir de la cruauté du capitaine de Châlucet qui, en 1434, l'enferma dans ce château et le rançonna; il avait vu ses chevaux capturés à Rougnac le 30 juillet 1436, et sa visite interrompue ; vers 1444 il était tombé entre les mains du vicomte de Turenne, qui l'emprisonna et lui arracha une forte rançon, etc., etc. Aussi n'est-il pas étonnant qu'après tant de fatigues et deux ans avant sa mort, it ait eu besoin d'un évêque auxiliaire pour l'aider dans la visite de son diocèse.

Nous voyons Michel Pradolo le remplacer pour une partie de la visite en 1454 (Nobiliaire du Limousin, tome I, 2e édition, p. 264), pendant que lui-même faisait l'autre, et consacrait un autel au monastère des Ternes, le 14 octobre de cette année.

Au mois de septembre 1455, l'évêque auxiliaire commence une visite dans le cours de laquelle il consacra un grand nombre d'autels. Ce sont les autels de chapelles à Bussière-Dunoise, Maisonfeyne, Fresselines, Lourdoueix-Saint-Pierre, la Celle-Dunoise, la Cellette, Boussac-Bourg, Alleyrat, Betête et Saint-Paul; de plus, l'autel de la chapelle castrale de Comborn (Nobiliaire limousin, tome I, 2o édition, page 265). Un procès-verbal de visite de cette dernière chapelle, du 22 août 1645, nous apprend qu'on trouva alors dans l'autel une bande de parchemin portant cette inscription : ANNO DNI M.CCCC.LV. DIE XVI MENSIS .....BRIS, Rdus PATER ET DNVS MICHAEL.. HOC ALTARE CONSECRAVIT ET RECONDIDIT HAS RELIQVIAS IN HONOREM Sainte Madeleine, d'après la tradition. - (Nobiliaire limousin, tome 1, 2 édition, p. 414.)

BEATE M.

Pendant l'année 1436, Michel Pradolo est encore chargé de faire la visite du diocèse, à titre de vicaire général; les procès-verbaux de ces visites constatent que l'évêque de Limoges était alors «< vieux

et infirme ».

Le 5 avril 1456 « Frère Michel sacra le monastère conventuel de Notre-Dame-de-la-Règle, dans la cité de Limoges. Le compère de cette cérémonie fut prudent homme Mathieu Benoit, bourgeois du château de Limoges, et la commère vénérable et religieuse dame Catherine de Comborn, humble abbesse de ce monastère. Il consacra de même le grand autel de cette église. » (Nobiliaire limousin, tome I, 2e édition, p. 263.)

C'est la dernière cérémonie faite par l'évêque auxiliaire pendant l'épiscopat de Mgr Pierre de Montbrun. Ce dernier mourut à son château d'Isle le 19 février 1456 (nouveau style 1457).

Michel Pradolo n'oubliait pas sa patrie, et nous voyons qu'il était revenu à Collioure au mois de juillet suivant: Dans son Histoire de la province d'Aragon de l'ordre des Frères Prêcheurs, Diago, parlant des hommes célèbres del real convento de Colliure, dit du Père Michel Pradolo : « En la misma casa tomo el habito don fray Miguel Obispo Nocense, el que consagro la yglesia della, y los altares del bienaventuado santo Domingo, de san Pedro Apostol, de santo Thomas de Aquino, de nostra senora, de san Pedro martyr, de san Vincente-Ferrer, y del santo sepulchro, a diez des mes do julio de mil y quatrozientos y cinquenta y siete. » (page 273.)

Au mois d'avril 1457, Jean Barton de Montbas fut élu pour succéder à Pierre de Montbrua sur le siège épiscopal de Limoges. Il connaissait les services qu'avait rendus au diocèse l'évêque de Nio, aussi ne tarda-t-il pas à l'appeler auprès de lui et à lui donner de nouveau le titre de grand vicaire et d'évêque auxiliaire. Sous cet épiscopat il continua à faire la visite du diocèse et à remplir les fonctions réservées aux évêques.

Le 4 août 1460, l'évêque de Nio consacrait l'autel de la chapelle de Saint-Eutrope, placée dans la paroisse de Saint-Junien-les-Combes, canton de Bellac. La bande de parchemin dont j'ai parlé au commencement de cet article et que j'ai donnée à cette église est le seul souvenir qui soit resté de cette consécration. Elle porte cette inscription :

ANNO DNI M° CCCC LX DIE VERO IIII MESIS AVGVSTI Rdus IN X PET DNS MICHAEL EPS NYOCEN CONSECRAVIT HOC ALTARE ET RECONDIDIT PNTES RELIQVIAS IN HONORE STI EVTROPI PONTIFICIS ET MARTYRIS.

Cette petite chapelle de Saint-Eutrope, appelée aussi chapelle des Landes, dont l'autel fut consacré en 1460 par Michel Pradolo, existait encore au moment de la Révolution. Vendue nationalement, dépouillée du peu de mobilier et d'ornements qu'elle possédait, n'étant nullement entretenue, elle ne tarda pas à se dégrader et à

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