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» Creuse; cela exclut toute origine antérieure à la période méro» vingienne très avancée » (1).

Les parties des plus anciennes constructions du château qui subsistent encore aujourd'hui ont conservé, dans certains détails, des caractères assez prononcés pour qu'il soit encore possible d'en reconnaître l'âge approximatif. Une ouverture, en plein ceintre, actuellement encastrée dans la partie inférieure du donjon carré, qui passe pour avoir été le principal bâtiment d'habitation, peut remonter au xe siècle; aux abords de la porte d'entrée, à gauche du pont-levis, l'aspect et la disposition des murailles d'enceinte semble bien indiquer que les premières fortifications sont de la même époque. Telle fut aussi l'opinion de M. Paul Lemoine, qui présenta à la section d'architecture du Salon de 1888 une très ingénieuse restauration de Crozant, basée sur une étude approfondie de ses ruines.

Comme il devait fatalement arriver, les constructions primitives de Crozant furent profondément modifiées dans le cours des siècles, sous l'empire de circonstances diverses, soit qu'il fût devenu nécessaire d'élever de plus vastes locaux, soit qu'il eût fallu réédifier des bâtiments que le temps avait minés ou qui avaient été détruits pendant un siège. Actuellement, nous retrouvons des traces de changement jusqu'au xve siècle. Les chambranles et les hottes de cheminées encore scellés dans les murs du donjon carré sont de cette dernière date, tandis qu'il se trouve, à l'extrémité des murs d'enceinte dans la direction de la pointe de promontoire, une tour renfermant une salle voûtée, dont les arêtes ainsi que les corbeaux sur lesquelles elles sont portées appartiennent au xe siècle.

De toutes les constructions ajoutées au monument primitif, la plus importante et la plus somptueuse fut sans doute celle qu'éleva Isabelle d'Angoulême, lorsqu'elle était la femme de Hugues X de Lusignan, c'est-à-dire entre 1217 et 1245. Les termes trop vagues

(1) Je dois à M. Antoine Thomas, outre cette note, de nombreuses indications qui m'ont beaucoup aidé. Qu'il me permette de lui adresser ici mes plus sincères remerciements.

A rapprocher de l'intéressante étymologie donnée par notre savant compatriote l'orthographe du nom de Crozant au moyen âge. Dans un document de 1390, nous lisons en effet « ..... dum essent in Castro de Trossent, qui distat à Lemovico decem et octo leicas,........... » Il s'agit vraisemblablement de Crozent, château et bourg du canton de Dun, arrondissement de Guéret (Creuse), nous dit Monseigneur Barbier de Montaul: dans une note explicative. Le Spolium de l'évéque de Limoges en 1390, par Mgr Barbier de Montault (Bulletin de la Société archéologique et historique du Limousin, tome XLII, p. 271).

employés par la Chronique de Saint-Martial, pour parler de ce travail qu'elle désigne par les simples mots : « la grande tour », magnam turrem (1), laisse des doutes sur la partie de la forteresse qu'il convient d'attribuer à l'intrigante comtesse de la Marche. J'incline, pour ma part, à la reconnaître dans la tour ronde que renfermait la troisième cour; en effet son diamètre intérieur, de 12 mètres, que seul nous pouvons retrouver aujourd'hui, prouve qu'elle était plus vaste que toutes les autres tours; sa hauteur devait être également plus considérable si nous nous en rapportons à un dessin, pris sur nature en 1801, que possède actuellement M. le Président de la Société des sciences naturelles et archéologiques de la Creuse, et qui nous montre encore debout un large pan de mur de la tour, s'élevant au moins au niveau du donjon carré. Autre détail caractéristique qui nous est fourni par ce dessin : la tour renfermait une belle salle voûtée, occupant environ l'espace de deux étages, éclairée par une double rangée de fenêtres et ornée de colonnes, de chapitaux et d'arêtes qui paraissent bien avoir tous les caractères de l'architecture du commencement du XIIIe siècle.

Un érudit, qui habitait dans les parages de Crozant, à SaintBenoît-du-Sault, le docteur E. de Beaufort, a étudié avec un soin minutieux les ruines du vieux château, et en a donné, dans les Mémoires de la Société des antiquaires de l'Ouest, année 1860-1861, une description détaillée, et en général d'une grande exactitude. Je ne crois pouvoir mieux faire que de m'inspirer de ce travail dans ses grandes lignes, citant ou analysant, suivant le cas; je rectifierai d'ailleurs à l'occasion quelques légères erreurs qui s'y sont glissées.

L'entrée principale du château était tournée du côté du bourg de Crozant; on y avait accès par un pont jeté sur une tranchée creusée de mains d'hommes, d'une largeur de 40 mètres sur 8 de profondeur environ. Les piles et les culées de ce pont se voyaient encore il y a un petit nombre d'années. A l'entrée du château, s'étendait une cour de forme oblongue de 54 mètres sur un peu moins de moitié dans sa largeur, au centre de laquelle se trouvait un «bâtiment de 18 mètres de long, divisé en trois chambres carrées». Je pense que cet emplacement formait la basse-cour autrement dit bayle, et qu'il renfermait les étables et écuries. Un mur, épais de 1m 30,

(1) Nota quod regina Anglie fuit uxor comitis Marchie, et illa fecit magnam turrem in Crosenco. Chroniques de Saint-Martia!, par DuplèsAgier, 1874. Note de la page 21.

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