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pas au cœur

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de Hjalli le lâche. Il tremble peu maintenant qu'il est dans le plat. Il tremblait beaucoup moins - quand il était dans sa poitrine. Que n'es-tu, Atli, - aussi loin de mes yeux que tu seras toujours loin de nos colliers, de notre trésor ! A moi seul est confié maintenant tout le trésor caché, toute la richesse des Niflungs, Car Högni n'est plus parmi les vivants. — Je n'étais point rassuré tant que nous vivions tous deux. Mais maintenant je suis tranquille, car je survis seul. Suprême insulte de l'homme sûr de soi, à qui rien ne coûte pour s'assouvir, ni sa vie ni celle d'autrui. On l'a jeté parmi les serpents, et il y est mort, frappant du pied sa harpe. Mais la flamme inextinguible de la vengeance a passé de son cœur dans celui de sa sœur; cadavre sur cadavre, on les voit tomber tour à tour l'un sur l'autre; une sorte de fureur colossale les précipite les yeux ouverts dans la mort, Elle a égorgé les enfants qu'elle a eus d'Atli, elle lui donne à manger leurs cœurs dans du miel, un jour qu'il revient du carnage, et rit froidement en lui découvrant de quelle pâture il s'est repu. Les Huns hurlent, et sur les bancs, sous les tentes, chacun pleure; elle ne pleure point; elle n'a point pleuré depuis la mort de Sigurd, ni sur ses frères au cœur d'ours, » ní sur « ses tendres enfants, ses enfants sans défiance. La nuit venue, elle égorge Atli dans son lit, met le feu au palais, brûle tous les serviteurs et toutes les femmes guerrières. Jugez par ce monceau de dévastations et de carnages à quels excès la vo

lonté ici est tendue. Il y avait des hommes parmi eux, les Berserkirs' qui, dans la bataille, saisis par une sorte de folie, déchaînaient tout d'un coup une force surhumaine et ne sentaient plus les blessures. Voilà le héros tel qu il est conçu dans cette race à sa première aurore. N'est-il pas étrange de les voir mettre le bonheur dans les batailles et la beauté dans. la mort? Y a-t-il un peuple, Hindous, Persans, Grecs ou Gaulois, qui se soit formé de la vie une conception aussi tragique? Y en a-t-il qui ait peuplé sa pensée enfantine de songes aussi funèbres? Y en a-t-il un qui ait chassé aussi entièrement de ses rêves la douceur de la jouissance et la mollesse de la volupté? L'effort, l'effort tenace et douloureux, l'exaltation dans l'effort, voilà leur état préféré. Carlyle disait bien que dans la sombre obstination du travailleur anglais subsiste encore la rage silencieuse de l'ancien guerrier scandinave, Lutter pour lutter, c'est là leur plaisir. Avec quelle tristesse, quelle fureur et quels dégâts un pareil naturel se déborde, on le verra dans Byron et dans Shakspeare; avec quelle efficacité, avec quels services il s'endigue et s'emploie sous les idées morales, on le verra dans les puritains.

1. Ce mot désigne les hommes qui combattaient sans cuirasse, probablement vêtus d'une simple blouse.

IV

Ils viennent s'établir en Angleterre, et si désordonnée que soit la société qui les assemble, elle est fon⚫dée, comme en Germanie, sur des sentiments généreux. La guerre est à chaque porte, je le sais, mais les vertus guerrières sont derrière chaque porte; le courage d'abord, et aussi la fidélité. Sous la brute il y a l'homme libre et aussi l'homme de cœur. Il n'y a point d'homme parmi eux qui, à ses propres risques1, ne puisse faire des ligues, aller combattre au dehors, tenter les entreprises. Il n'y a pas de groupe d'hommes libres parmi eux qui, dans leur Witanagemot, ne renouvelle incessamment ses alliances avec autrui. Chaque parenté, dans sa marche, forme une ligue dont tous les membres, frères de l'épée,» se défendent l'un l'autre, et réclament l'un pour l'autre, aux dépens de leur sang, le prix du sang. Chaque chef dans sa salle compte qu'il a des amis, non des mercenaires, dans les fidèles qui boivent sa bière, et qui ayant reçu de lui, en marque d'estime et de confiance, des bracelets, des épées et des armures, se jetteront entre lui et les blessures le jour du combat2. L'indépendance et l'audace bouillonnent dans ce jeune monde avec des violences et des excès; mais en elles-mêmes ce

«

1. Voyez la vie de Sweyn, d'Hereward, etc., même au temps de la conquête.

2. Beowulf, passim. Death of Byrhtnoth.

sont des choses nobles, et les sentiments qui les disciplinent, je veux dire le dévouement affectueux et le respect de la foi donnée, ne le sont pas moins. Ils apparaissent dans les lois, ils éclatent dans la poésie. C'est la grandeur du cœur ici qui fournit à l'imagination sa matière. Les personnages ne sont point égoïstes et rusés comme ceux d'Homère. Ce sont de braves cœurs, simples et forts, « fidèles à leurs parents, à leur seigneur dans le jeu des épées, fermes et solides envers ennemis et amis,» prodigues de courage et disposés au sacrifice. Tout vieux que je suis, dit l'un d'eux, je ne bougerai pas d'ici. Je pense à mourir au côté de mon seigneur, près de cet homme que j'ai tant aimé.... Il tint sa parole, la parole qu'il avait donnée à son chef, au distributeur des trésors, lui promettant qu'ils reviendraient ensemble à la ville, sains et saufs dans leurs maisons, ou que tous les deux ils tomberaient dans l'armée, à l'endroit du carnage, expirant de leurs blessures. Il gisait comme un fidèle serviteur auprès de son seigneur. Quoique maladroits à parler, leurs vieux poëtes trouvent des mots touchants quand il s'agit de peindre ces amitiés viriles. On est ému quand on les entend conter comment le vieux roi embrassa le meilleur des thanes, et lui mit ses bras autour du col..., » comment les larmes coulaient sur les joues du chef à tête grise.... Le vaillant homme lui était si cher! Il ne pouvait point arrêter le flot qui montait de sa poitrine. Dans son cœur, pro

".

2. «Gens nec callida, nec astuta. » Tacite.

fondément dans les liens de sa pensée, il soupirait secrètement après ce cher homme!» Si peu nombreux que soient les chants qui nous restent, ils reviennent sur ce sujet l'homme exilé pense en rêve à son seigneur1; il lui semble dans son esprit qu'il le baise et l'embrasse, et qu'il pose sur ses genoux

les anciens jours,

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dans

ses mains et sa tête, comme jadis parfois, lorsqu'il jouissait de ses dons. Alors il se réveille, le mortel sans amis. - Il voit devant lui les routes désertes, les oiseaux de la mer qui se baignent, étendant leurs ailes, le givre et la neige qui descendent, mêlés de grêle. Alors sont plus pesantes-les blessures de son cœur.>> -- « Bien souvent, dit un autre, nous étions convenus tous deux que rien ne nous séparerait, mort seule. Maintenant ceci est changé, et notre amitié est comme si elle n'avait jamais été. II faut que j'habite ici-bien loin de mon ami bienaimé, que j'endure des inimitiés. On me contraint à demeurer sous les feuillages de la forêt, sous le chêne, dans cette caverne souterraine.

Froide est cette maison de terre. lassé. Obscurs sont les vallons lines,

triste enceinte de rameaux

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sauf la

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J'en suis tout

et hautes les col

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ronces, séjour sans joie.... Mes amis sont dans

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la terre. Ceux que j'aimais dans leur vie,

beau les garde. Et moi ici avant l'aube,

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sous le chêne, - parmi ces caves souter

1. The Wanderer, the Exile's song. Codex Exoniensis, publié par Thorpe.

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