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Jérôme, que des volumes qui, en d'autres temps, auraient coûté 100 écus d'or (environ 450 francs) en coûtaient à peine 20 (90 francs), et que ceux qui auraient coûté jadis 20 écus n'en coûtaient tout au plus que 4 (18 francs).

Les livres furent encore moins chers dans le siècle suivant; car plus l'imprimerie prenait de l'accroissement, plus le prix des livres diminuait.

On trouve dans les premières productions typographiques une foule d'irrégularités qui tiennent à l'enfance de l'art et à l'état d'imperfection de la langue à cette époque.

Ainsi, des imprimeurs, n'ayant pas de lettres capitales, mettaient une petite lettre à un nom propre où il aurait fallu une majuscule; manquant d'œ, ils mettaient un e simple, epistole pour epistola. Les signes prosodiques, d'accentuation et de ponctuation, alors peu connus, sont fréquemment omis ou mal placés; l'orthographe française n'étant pas encore fixée, présente des bizarreries, dont quelques-unes se reproduisent dans l'orthographe latine: on lit, par exemple, hystoria, ou même ystoria, simbolum, Horacius, etc. Les abré viations sont nombreuses et souvent peu intelligibles (1). Au reste, toutes ces anomalies se rencontrent aussi dans les anciens manuscrits, copiés quelquefois trop servilement par les typographes.

Quoique la typographie soit devenue l'unique moyen qu'on emploie pour la reproduction des livres à un grand nombre d'exemplaires, la calligraphie n'a pas été entièrement abandonnée; mais elle n'a plus été considérée que comme une œuvre artistique.

(1) On remarque aujourd'hui le même défaut dans quelques ouvrages usuels, notamment dans les dictionnaires géographiques. L'économie qui en résulte ne nous paraît pas un motif valable.

Les scribes si renommés du moyen åge ont eu des rivaux non moins célèbres dans le xvie siècle, dans le xvne siècle et jusque dans ces derniers temps.

Ainsi Ange Végèce ou Vergèce, né dans l'ile de Crète, excellait à écrire le grec. Appelé en France par François Ier, il fut nommé calligraphe du roi et pensionnaire du collège de France. On conserve à la Bibliothèque impériale un Oppien, que Vergèce écrivit par ordre de Henri II, pour Diane de Poitiers, maîtresse de ce prince; il est de toute beauté et orné de figures supérieurement peintes. L'écriture de ce manuscrit est si régulière et si gracieuse, que c'est sur ce modèle que les beaux caractères grecs dont s'est servi Robert Estienne pour ses magnifiques éditions ont été gravés par Garamond. La reliure de ce manuscrit est très-curieuse; d'un côté sont les armes de Henri II, de l'autre on voit Diane de Poitiers représentée avec les attributs de la déesse dont elle portait le nom. Ange Vergèce fut le maître d'écriture grecque de Henri Estienne. Il vécut jusque sous le règne de Charles IX. On dit que son talent calligraphique a donné naissance à cette expression proverbiale : Écrire comme un ange.

Nicolas Jarry, né à Paris vers 1620, écrivain et noteur de la musique de Louis XIV, fut un des plus habiles calligraphes du xviie siècle. La beauté de son écriture surpassa tout ce que l'on connaissait jusqu'alors. Les productions de sa plume sont nombreuses et atteignent encore dans les ventes des prix très-élevés. La plupart sont des livres d'office écrits sur vélin, parmi lesquels nous citerons le volume intitulé: Preces christianæ (1652, in-12), avec miniatures, vendu 1,210 fr.; les Heures de Notre-Dame (1647, in-8° de 120 feuillets), en lettres rondes et bâtardes, ornées de sept miniatures. Ce manuscrit a été vendu 1,601 francs à la vente de la bibliothèque

du duc de La Vallière; il passa plus tard dans le cabinet de M. De Bure l'aîné.

On regarde comme un des chefs-d'œuvre de Jarry, la Guirlande de Julie, ouvrage exécuté sur vélin en 1641, par ordre du duc de Montausier, qui en fit hommage à Julie - Lucine d'Angennes de Rambouillet, quelque temps avant son mariage avec cette dame. C'est un volume in-folio dont le frontispice est entouré d'une guirlande de trente fleurs différentes; puis chaque fleur est reproduite sur un feuillet séparé avec un madrigal au-dessous. Les fleurs sont peintes par Robert; les vers ont été composés par le duc de Montausier et par les beaux esprits qui se réunissaient à l'hôtel de Rambouillet; mais ici le calligraphe l'emporte infiniment sur le peintre et sur les poëtes. Après la mort de Montausier, cet admirable manuscrit passa dans la bibliothèque du duc de La Vallière; il fut ensuite vendu 14,510 francs et transporté en Angleterre, d'où la famille de La Vallière l'a fait revenir. Une copie sur vélin, format in-8°, exécutée par Jarry, mais sans peintures, a été vendue 622 francs.

Didot jeune donna une édition de la Guirlande de Julie, accompagnée d'une notice historique, par M. de Gaignières, 1784, in-8°; papier vélin; tirée à 250 exemplaires.

Une nouvelle édition in-18, avec figures coloriées, a été imprimée à Paris, en 1818, et une autre à Montpellier en 1824, in-18.

Nous citerons encore une merveille calligraphique de Jarry; c'est Adonis, poëme de La Fontaine, dédié au ministre Fouquet, 1658; grand in-4° avec peintures. Ce superbe manuscrit se trouvait dans le cabinet du prince Michel Galitzin à Moscou, lorsqu'il fut rapporté à Paris et vendu 2,900 francs en mars 1825.

Comme on le voit, Jarry écrivait des livres dans tous les formats, depuis l'in-folio jusqu'à l'in-32. L'Office de la Vierge, qu'il écrivit en 1660, dans ce dernier format, a été vendu 850 francs.

Nous dirons à cette occasion que la calligraphie est allée plus loin que la typographie dans l'écriture microscopique. On rapporte qu'un Français offrit à Élisabeth, reine d'Angleterre, un papier de la grandeur d'un liard, où étaient écrits les dix commandements de Dieu, le symbole des apôtres, l'oraison dominicale, le nom de la reine, la date de l'année. Il lui présenta en même temps des lunettes au moyen desquelles on pouvait distinguer toutes les lettres.

La calligraphie a été cultivée avec succès jusqu'à nos jours; les Rossignol, les Roland du dernier siècle ont encore de dignes héritiers dans celui-ci.

Les écrivains experts, chargés des vérifications d'écritures ordonnées par la justice, formaient autrefois une communauté, qui fut même érigée en bureau académique.

IV. Les premiers livres imprimés ne portent pas de titre sur un feuillet séparé. On lit seulement en tête de la première page Incipit liber...... si le livre est en latin, ou, s'il est en français: Cy commence le livre...... par exemple: Incipiunt epistole Horacii; - Cy commence la Légende dorée. Quelquefois, cette espèce d'intitulé est au verso du premier feuillet, apparemment quand on voulait réserver le recto pour dessiner un titre.

Ce ne fut que vers 1470 que l'on imprima séparément sur un feuillet le titre de l'ouvrage.

Beaucoup de ces éditions primitives n'indiquent ni la date, ni le lieu de l'impression, ni le nom de l'imprimeur. Quand on les mettait, c'était ordinairement à la fin du volume, en

forme d'épilogue, comme dans ces exemples: Explicit speculum historiale..... impressum per Johannem Mentelin anno domini, etc. - Cy finist la Légende dorée..... imprimée en la dicte ville de Lyon par Barthelemy Buyer le dix et huitieme iour d'apuril mil quatre cens septante et six.

Ces épilogues, puis les titres, lorsqu'on les imprima séparément, ainsi que les sommaires et les lignes finales des chapitres ou autres divisions des ouvrages, représentaient souvent un cône renversé de cette manière :

Depuis longtemps déjà la typographie donne aux titres principaux et secondaires un aspect plus agréable, tant par la variété des caractères que par une diversité bien entendue dans l'agencement des lignes.

La première impression avec une préface est l'Apulée, et la première avec des notes marginales est l'Aulu-Gelle, l'un et l'autre ouvrage imprimés en 1469, à Rome, par Sweynheym et Pannartz, qui introduisirent l'imprimerie dans cette ville.

Lorsque l'on eut mis des titres imprimés aux livres, la plupart des imprimeurs adoptèrent des marques typographiques, espèces d'écussons ou de cachets qu'ils plaçaient au frontispice de chaque exemplaire de leurs éditions, pour les faire reconnaître et pour opposer à la contrefaçon une barrière trop souvent franchie par les faussaires.

L'origine des emblèmes et devises que les anciens imprimeurs et libraires avaient adoptés provient certainement

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