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de leurs ouvrages. Ils nommaient ce catalogue index ou bien syllabus, du mot grec ovaμbavo, car il résumait les matières contenues dans l'ouvrage. Il n'était point fait comme aujourd'hui par ordre alphabétique, mais sous forme de sommaire et en tête du livre.

Un grand nombre de libraires faisaient revoir et corriger les ouvrages par les auteurs eux-mêmes, afin qu'ils fussent plus corrects. Aulu-Gelle en cite un, qui défiait qu'on lui montrât la moindre faute dans les livres qu'il étalait en vente. Comme on voit, la belle devise sine menda, sans faute, n'est pas nouvelle. Toutefois, ajoute le même auteur, il se trouvait des libraires qui, tout en prétendant n'avoir que des livres corrects, trompaient le public ignorant le charlatanisme est de tous les temps.

Il existait à Rome plusieurs quartiers spécialement consacrés au commerce de la librairie. Dans celui qu'on appelait les Sigilleria, parce qu'on y vendait de petites images des dieux en forme de cachets, il y avait aussi un bazar où l'on pouvait acheter à bon compte les œuvres de Virgile et d'Horace. Un autre marché de librairie se tenait encore in Argileto ad forum Cæsaris, c'est-à-dire sur une grande place que Jules César avait fait construire. C'est là que furent exposés les poëmes de Martial (1).

Plusieurs boutiques de libraires se tenaient aussi in vico Sandaliario, ou dans la rue des Fabricants de chaussures.

Il y en avait aussi beaucoup sous les portiques des temples ou des théâtres. La librairie des Sosies, si vantée par Horace, était située près des temples de Janus et de Vertumne.

(1) Voyez les poésies de Martial; elles sont pleines de renseignements curieux, tant sur les libraires de Rome, leurs boutiques et leurs habi

Les propriétaires de ces boutiques affichaient les titres de leurs ouvrages sur les colonnes du vestibule, d'autres sur les portes, comme on le fait encore de nos jours. On donnait le nom de libraria aux boutiques des libraires, et c'est par analogie que le mot français librairie signifia longtemps bibliothèque.

Les auteurs se servaient de ces boutiques comme de lieux de rendez-vous. Ils y venaient lire leurs ouvrages et discuter sur les nouvelles du jour. Cet usage existait également dans la Grèce.

La probité n'était pas la vertu distinctive des libraires romains, ils avaient souvent recours à des ruses de charlatan pour mystifier le public; c'est ainsi qu'il leur arrivait de mettre sur un nouveau livre le nom d'un auteur connu, afin de donner de la vogue à cet ouvrage. Galien raconte qu'un libraire de Rome fit apposer son nom sur l'œuvre d'un autre auteur; mais qu'un érudit, ne reconnaissant pas son style, s'aperçut bientôt de la supercherie.

Le prix des livres, si l'on considère celui du papyrus, du parchemin et la peine de les copier, était assez modique. Cependant, si les demandes d'un même ouvrage venaient à se multiplier, les libraires en haussaient immédiatement le prix. Ce n'est pas ainsi pourtant qu'en agit le libraire Atrectus, qui demeurait dans le quartier Argilète. Il mit le premier livre des Épigrammes de Martial à un prix si juste, que, déduction faite des frais de parchemin et de copiste, il ne lui restait presque rien. Malgré cela, le poëte se plaignit encore que son ouvrage se vendait trop cher (1).

tudes, que sur les livres, leurs copistes, leurs reliures, leurs affiches et les endroits où ils étaient étalés.

(1) « Pour cinq deniers, il te donnera du premier ou du second rayon

Lucien se moque au contraire d'un Crépis ignorant, qui, voulant se monter une bibliothèque complète, se laissait toujours duper par les libraires, parce qu'il n'avait aucune notion de littérature.

On pense que déjà les libraires achetaient aux auteurs le droit de publier leurs ouvrages. Ils faisaient la chasse aux bons écrivains; et, s'ils en dépistaient un qui eût du talent et de la vogue, ils le relançaient si bien, que de gré ou de force il fallait qu'il comptât avec eux. Ils ne lui laissaient ni repos ni trève qu'il n'eût mis la dernière main à ses œuvres : c'est ainsi qu'en agit Tryphon. Il arrivait souvent que les amateurs surenchérissaient un ouvrage, si cet ouvrage était écrit de la propre main de l'auteur. Cette enchère s'appelait pretium affectionis, prix d'affection. Aulu-Gelle rapporte que l'on offrit vingt pièces d'or du manuscrit de l'Énéide (la pièce d'or valait environ 14 francs).

Les libraires romains faisaient aussi des envois dans les provinces même les plus reculées de l'empire et jusqu'en Afrique; mais il paraît que ce pays ne recevait que les livres de rebut, comme qui dirait des livres de colportage.

Au reste, des établissements de librairie existaient à Naples, à Marseille, à Lyon, dans les Gaules alors soumises aux Romains.

II. Pendant la plus grande partie du moyen âge la transcription des livres en France, comme dans le reste de l'Europe, se faisait presque exclusivement dans les monastères, qui étaient en même temps des écoles publiques, et dans les bibliothèques desquels les étudiants pouvaient consulter ou

(nidus) un Martial, poli à la pierre ponce et colorié en pourpre.. vaux pas tant, me diras-tu.

Tu as raison, Lupercus.

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- Tu ne

copier les livres dont ils avaient besoin. Les monarques, les princes avaient aussi des copistes attachés à leur service.

On comprend que, dans cette période, les libraires ne furent que des espèces de courtiers qui se chargeaient de procurer des livres aux personnes assez riches pour en acheter.

Mais au XIe siècle, après la fondation des universités (1), la profession de copiste (stationarius) se sécularisa; le grand nombre d'écoliers que ces établissements attiraient donna aussi au commerce du libraire (librarius) un plus grand essor; et tout ce qui concernait la confection des livres, papier, parchemin, copie, enluminure, reliure, vente, achat, etc., comme plus tard l'imprimerie elle-même, fut placé sous la juridiction de l'Université de Paris.

Les premiers statuts qu'elle dressa pour la librairie remon

(1) Quoique Charlemagne soit le patron du corps universitaire, à cause de la sollicitude que ce prince montra pour l'établissement d'écoles publiques, où l'on enseignait les lettres et les sciences, il n'est pas, comme on l'a dit quelquefois, le fondateur de l'Université de Paris. Cette institution, telle qu'elle existait jadis, ne remonte qu'au règne de Louis VI ou à celui de Louis VII. Sous saint Louis, on l'appela université, soit parce qu'elle comprenait dans son enseignement l'universalité des connaissances humaines, soit parce qu'elle réunissait sous sa juridiction les maîtres, les écoliers, les écrivains, les libraires, relieurs, papetiers, parcheminiers, et plus tard les imprimeurs. De grands et nombreux priviléges lui furent concédés par les rois de France, et, depuis Charles V, elle prenait le titre de fille aînée du roi. C'était la plus ancienne et la plus illustre université d'Europe. A l'instar de celle-ci, beaucoup d'autres furent fondées en différentes villes et à diverses époques. Il y en eut une à Toulouse, en 1209; à Montpellier, en 1284; à Oxford (Angleterre), vers 1206; à Valence (Espagne), en 1209; puis à Vienne (Autriche), à Prague, à Salamanque, à Louvain, à Florence, etc.; et, dans ces derniers temps, à Berlin, en 1810; à Saint-Pétersbourg, en 1819.

Toutes nos anciennes universités furent supprimées en 1790; ce n'est qu'en 1808 qu'un décret impérial créa un nouveau corps enseignant, sous le nom collectif d'Université de France, dont le siége est à Paris, dans les bâtiments de l'ancienne Sorbonne.

tent à 1275; elles les renouvela et les compléta à diverses époques, notamment en 1323 et 1342. Ces règlements sont communs aux stationnaires et aux libraires, parce que souvent les deux professions étaient exercées par la même personne, ou que, du moins, le libraire, se chargeant de faire transcrire les livres, était responsable de ceux qu'il vendait; il devait, avant de les exposer, les soumettre à l'examen de l'Université, puis en afficher dans sa boutique le catalogue avec le prix.

Les libraires fournissaient un cautionnement et prêtaient serment entre les mains du recteur d'observer fidèlement les règlements; ils n'étaient d'ailleurs reçus que sur l'attestation de leur probité et de leur capacité. Quatre d'entre eux, qu'on appelait grands libraires (majores librarii), étaient spécialement délégués par l'Université pour surveiller le corps de la librairie et taxer le prix des livres (voir ci-dessus, chap. III, et IV). Comme les manuscrits étaient alors rares et chers, l'Université, dans le but de favoriser l'instruction, enjoignait aux libraires de louer des livres, moyennant caution suffisante, à ceux qui, n'ayant pas le moyen de les acheter, voulaient les lire ou les copier.

Les libraires qui signèrent le règlement de 1323, après avoir prêté serment, la main étendue vers un crucifix, manibus omnium et singularium ad crucem extensis, étaient au nombre de vingt-huit, parmi lesquels se trouvaient deux femmes Thomas de Malbodia; Jean Briton dit aussi de SaintPaul; Thomas Normand; Godefroi Briton, notaire public; Geoffroi de Saint-Léger; Guillaume le Grand, rue des Noyers, anglais; Étienne dit Sauvage; Godefroi Lotharingo, lorrain; Pierre dit Bon Enfant; Thomas de Sens; Nicolas dit Petit Clerc; Jean dit Guyvendale, anglais, l'un des servants de

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