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sieurs teintes, et on a même réussi, par ce procédé, à imprimer des bouquets de fleurs avec une grande perfection, tout en réalisant une économie notable sur le prix qu'aurait coûté le coloriage fait à la main.

Nous avons parlé plus haut de l'héliochromie, procédé photographique encore peu connu, qui reproduit l'image daguerrienne avec ses couleurs naturelles.

VIII. La stéréotypie, comme l'étymologie du mot l'indique (1), a pour but de substituer des planches d'imprimerie solides et d'une seule pièce aux planches formées par l'assemblage des caractères mobiles.

La stéréotypie ou clichage consiste à mouler en plâtre ou en papier une page de composition typographique; puis à reproduire, au moyen d'un alliage que l'on coule dans ce moule, une planche parfaitement identique à la planche typographique, et dont on se sert pour imprimer.

Tout le monde sait que les ouvrages ne s'écoulent pas toujours rapidement. Il en est, et ce sont quelquefois les meilleurs, dont le placement ne s'opère qu'avec lenteur. Il importait donc de chercher les moyens d'éviter les frais d'une nouvelle composition. La première pensée qui vint à l'esprit fut de conserver les planches toutes composées; mais alors le caractère devenait improductif; peu d'établissements pouvaient en laisser ainsi une partie sans emploi. On essaya ensuite d'imprimer avec des caractères mobiles soudés ensemble, mais c'était tourner la difficulté et non la vaincre, puisque ce procédé exigeait autant de caractères que si l'on se fût contenté de conserver la composition.

(1) Le nom de stéréotypie est formé de deux mots grecs: σTEPEC, solide, et rúnos, type, caractère.

On dut chercher d'autres moyens. Les premières tentatives remontent fort loin, mais c'est seulement depuis le commencement de ce siècle que la stéréotypie est réellement devenue un art d'une application facile.

Vers l'an 1735, l'imprimeur Valleyre imprima, par un procédé stéréotype, le calendrier d'un livre d'heures. Voici quel était ce procédé : la page une fois composée en caractères mobiles, il l'enfonça du côté de la lettre dans une masse d'argile sur laquelle on coulait du cuivre. Mais il n'obtint qu'un résultat imparfait les arêtes des caractères n'étaient pas vives, la surface de la plupart était arrondie, quelques caractères même étaient cassés.

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De 1725 à 1739, un orfévre écossais, nommé Ged, imprima par le même procédé plusieurs livres, notamment une édition de Salluste son essai ne fut guère plus heureux.

En 1783, Hoffmann, imprimeur à Schelestadt, se prévalant des essais de Ged et d'une observation faite par Darcet, en 1773, sur quelques alliages métalliques, essaya d'un nouveau procédé. Il fit avec la planche composée en lettres mobiles une empreinte dans une terre grasse, ramollie, mêlée de plâtre et apprêtée avec une colle gélatineuse; il coula sur cette empreinte une composition de plomb, d'étain et de bismuth, et il obtint ainsi des tables stéréotypes. Alors, il vint à Paris, et un arrêt du conseil du roi, du 5 décembre 1785, lui accorda un privilége exclusif pour un établissement auquel il donna le nom d'imprimerie polytype, et d'où sortirent plusieurs impressions exécutées par ses nouveaux procédés, entre autres les Recherches historiques sur les Maures, de Chénier père (1787); mais un second arrêt du conseil, du mois de novembre 1787, prononça la suppression de l'établissement.

Carez, imprimeur à Toul, employa, en 1785, les mêmes moyens que ses devanciers. Seulement, il remplaça les moules en argile par du métal chaud, et il imagina de frapper un coup vif sur le métal en fusion pour le faire pénétrer plus exactement dans le moule.

Lorsqu'il fut question de fabriquer les assignats, on atteignit promptement la perfection pour le polytypage des planches à graver; mais il n'en fut pas de même du stéréotypage des planches ou formes en caractères saillants, pour imprimer suivant le mode ordinaire de l'imprimerie en lettres. Le moyen qui parut le plus simple fut de réunir les matrices isolées de toutes les parties de l'assignat, pour former une matrice unique que l'on pût clicher. L'idée de ce procédé appartient à Grassal, un des artistes attachés à cette fabrication; il inventa aussi, ou du moins exécuta la machine à clicher nécessaire pour porter la matrice sur la matière en fusion. Ce résultat était le plus important de ceux qu'on avait obtenus jusqu'à ce jour; il assura le succès de la stéréotypie.

M. Gatteaux, qui avait, ainsi que Grassal, travaillé à la confection des assignats, imagina (en l'an vi) d'enfoncer, à froid et à l'aide du balancier, la planche composée de caractères mobiles dans une planche de métal. L'opération fut exécutée le 30 brumaire an vi (20 novembre 1797), en présence de Firmin Didot; la matrice se trouva sans défectuosité. Mais il avait fallu fondre exprès des caractères en matière plus dure que celle dont on se servait ordinairement, et cette matière, composée par Anfry, et dans laquelle il entrait de l'argent, revenait à un prix exorbitant.

Firmin Didot trouva un alliage moins coûteux, qui atteignit exactement le même but. Après s'être muni d'un brevet d'invention, il se réunit à Pierre Didot, son frère, et ils pu

blièrent ensemble un prospectus d'éditions stéréotypes, qui excita de nombreuses critiques. Sans s'arrêter à ces clameurs, ils continuèrent leurs opérations et obtinrent un plein succès. Voici la description sommaire de leur procédé.

La planche, composée en caractères de matière dure, est couchée sur une planche de métal malléable du côté de l'œil de la lettre, et on fait passer les deux planches ensemble sous un balancier, tel que celui des monnayeurs. La pression se fait doucement, de sorte que tous les caractères entrent à la fois dans la seconde planche, sans qu'il y ait de refoulement. La matrice obtenue, on l'ajuste dans un châssis et on l'attache, au moyen d'un écrou, à la vis du mouton de la machine à clicher. On obtient alors, par l'action de cette machine, la forme ou planche solide dont on se sert pour l'impression.

Herhan avait fait connaître, en 1801, son stéréotype en matrices de cuivre creuses. MM. Mame frères, ses successeurs, suivirent et perfectionnèrent plus tard ce procédé. Les caractères creux, ou matrices mobiles, sont frappés au lieu d'être fondus. La page se compose absolument de la même manière que dans la composition en caractères mobiles en relief; mais le clichage a lieu sur la page même. On voit que ce procédé exige une opération de moins que celui dont nous. avons parlé plus haut. Il est vrai que les caractères creux demandent dans la fabrication beaucoup d'adresse, de soin, et qu'ils entraînent des frais considérables.

A raison de ces inconvénients, la supériorité est restée au procédé de Firmin Didot; c'est à cet imprimeur illustre que l'on doit réellement la stéréotypie, ou, du moins, les moyens de l'appliquer avec succès à l'art typographique.

Plus tard on obtint, par quelques modifications, des résultats plus complets encore. Au lieu des alliages employés si

TOME II.

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péniblement pour prendre l'empreinte des caractères mobiles, on se servit de plâtre, qui, à beaucoup moins de frais, les remplace, même avec avantage. Pour obtenir un métal tout à la fois dur et fusible, on mêla au plomb du régule d'antimoine. Enfin, pour prévenir les soufflures, on inventa un instrument qui permet à l'air intérieur de se dégager au dehors, à mesure que le métal en fusion pénètre dans les cavités du moule. Ces nouvelles découvertes sont dues principalement à M. Durouchail.

A partir de cette époque, la stéréotypie a pris un très-grand développement; on en peut juger par le nombre considérable d'ateliers de clichage qui se sont établis à Paris.

Lottin (Augustin-Martin), imprimeur-libraire à Paris, auteur de plusieurs ouvrages, et qui eut l'honneur, en 1766, d'enseigner à Louis XVI (alors dauphin) l'exercice de l'art typographique, avait vu les premières tentatives de la stéréotypie et n'était point partisan de cette découverte. Voici comment il en parle : «Trois siècles après l'invention de l'imprimerie en caractères mobiles, on essaya de faire rétrograder l'art, en prenant toutefois pour base ses premiers principes..., en substituant aux lettres mobiles la fusion de pages entières composées avec des caractères mobiles. » Peut-être aurait-il changé d'avis, s'il eût vu les belles et nombreuses productions stéréotypes que MM. Herhan et Didot ont exécutées par ce procédé.

Une amélioration notable a été obtenue dans la stéréotypie. Jusqu'en 1849, le plâtre avait été seul employé pour la confection des empreintes propres à donner des clichés typographiques. Mais, depuis lors, des perfectionnements apportés dans le clichage au papier, ont fait donner souvent à ce système la préférence sur le plâtre et les autres pâtes.

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