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CHAPITRE XV.

LITHOGRAPHIE ET AUTRES ARTS GRAPHIQUES AUXILIAIRES

DE LA TYPOGRAPHIE.

I. Lithographie.

SOMMAIRE.

II. Litho-typographie. III. Gravure sur pierre. IV. Gravure sur métal. V. Utilité de ces différents arts pour la typographie.

I. Aloys Senefelder, pauvre choriste du théâtre de Munich et auteur dramatique, né à Prague, en 1772, est l'inventeur de la lithographie.

Réduit à copier de la musique pour se créer des ressources suffisantes, il imagina de multiplier ses copies par des moyens. plus expéditifs que ceux qu'il avait employés jusqu'alors.

Ses premiers essais, pour arriver à ce but, datent de 1796. Il s'exerça d'abord à écrire à rebours, au moyen d'une plume. d'acier, sur une planche de cuivre recouverte de vernis de graveur; il faisait ensuite creuser à l'eau-forte les parties où le vernis avait été enlevé, et se servait de ces planches pour imprimer.

Un peu plus tard, il remplaça les planches de cuivre, qui étaient trop coûteuses et auxquelles il ne pouvait pas donner

un poli convenable, par des pierres calcaires d'un grain trèsfin, qu'on trouve abondamment près de Munich, dans les carrières de Solenhofen.

En 1798, il composa l'encre chimique; les diverses applications qu'il en fit dans ses expériences l'amenèrent, peu à peu, à découvrir tous les procédés de la lithographie, tels qu'on les pratique encore aujourd'hui. Il ne lui resta plus qu'à faciliter le tirage de ses épreuves par des moyens mécaniques; le rouleau et la presse à levier furent alors inventés et suppléèrent à tous ses besoins.

En 1800, le roi de Bavière lui accorda un privilége exclusif pour l'exercice de son procédé pendant quinze ans. En 1803, il se rendit à Vienne et y fonda une lithographie, sous la garantie d'un autre privilége que l'empereur d'Autriche lui concéda.

En quittant Munich, Senefelder avait laissé son établissement à ses deux frères, Thiébaud et Georges, qui le cédèrent, en 1805, à l'école gratuite de dessin de cette ville. M. Mitterer, habile professeur de dessin, en eut la direction, et il apporta bientôt aux procédés de l'inventeur de remarquables perfectionnements. C'est à lui qu'on doit les premiers travaux importants obtenus par l'emploi du crayon lithographique.

En 1806, Senefelder revint à Munich, où il fit de nouvelles concessions. Strohoffer, qui avait appris la lithographie chez les frères d'Aloys, la porta à Stuttgard. D'autres la répandirent dans les principales villes d'Allemagne. Au commencement de 1807, M. Dallarmi, de Munich, l'introduisit en Italie: Rome, Venise, Florence et Milan eurent leurs lithographies.

Les frères André d'Offenbach, anciens associés de Senefelder, l'avaient aussi importée en France; mais elle n'y eut d'abord aucun succès. En 1810, M. Manlich, voulant fonder

à Paris une imprimerie lithographique, sollicita vainement du gouvernement français une autorisation et des encouragements. C'est seulement en 1814 que le comte de Lasteyrie, après avoir étudié en Allemagne les procédés de Senefelder, commença à obtenir dans cette ville des résultats de quelque importance.

M. Engelmann, de Mulhouse, vint, en 1816, établir à Paris ses ateliers, et les belles lithographies qu'il fit paraître ne tardèrent pas à appeler l'attention des artistes et des ama

teurs.

La Société d'encouragement pour l'industrie nationale applaudit à ces premiers efforts. Le gouvernement se décida enfin à seconder l'impulsion donnée par des hommes si recommandables, et envoya en Allemagne M. Marcel de Serres, pour s'y initier à tous les secrets de l'art. Celui-ci s'acquitta dignement de sa mission; il inséra à son retour, dans les Annales des arts et des manufactures, divers Mémoires qui répandirent en France les connaissances spéciales qu'il était allé puiser à leur source même.

Un ouvrage de M. Raucourt, publié en 1819, et intitulé Manuel théorique et pratique de l'imprimeur lithographe, dévoila plus complétement encore les secrets de l'invention.

Peu de temps après, Senefelder lui-même démontra tous ses procédés en publiant, à Paris, son Traité sur l'art de la lithographie.

Cet ouvrage donne lieu à une remarque singulière. Senefelder s'est appliqué à parler de toutes les découvertes ou perfectionnements qui pourraient se rattacher plus tard à la lithographie: le décalque des vieux livres ou vieux manuscrits, les tirages en couleurs y sont annoncés, mais sans aucune indication des moyens qui doivent être employés pour

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les réaliser. Il semble que cet homme remarquable ait mis un certain amour-propre à ce qu'on ne pût, après lui, rien inventer qu'il n'eût prévu ou indiqué.

Depuis cette époque, la lithographie a fait de rapides progrès en France, et elle est à peu près parvenue aujourd'hui à son plus haut degré de perfection.

Elle sert à multiplier en écriture courante des copies d'un écrit qu'il serait trop dispendieux de transcrire à la main, et dont les exemplaires ne seraient pas assez nombreux pour payer les frais d'impression typographique.

Elle reproduit l'écriture même d'un auteur, et elle prend alors le nom d'autographie. C'est par ce procédé qu'on obtient à bas prix des modèles d'écritures et de dessin linéaire pour nos écoles primaires.

Elle reproduit aussi les dessins originaux d'un artiste, et rend aux beaux-arts un service immense, en livrant à des prix modérés des copies pures et fidèles de tableaux que la gravure sur cuivre aurait fait payer beaucoup plus cher. Nos dessinateurs lithographes ont surtout porté jusqu'à la perfection l'art du paysage.

Le commerce emploie la lithographie pour ses annonces, afin d'offrir la représentation de produits, de machines, d'édifices, etc.

L'industrie manufacturière s'en est également emparée en l'appliquant aux décorations de la poterie, de la faïence, de la porcelaine; aux dessins qu'elle transporte sur les tissus de tout genre, sur les cuirs, sur les bois et sur les métaux vernis.

Enfin, par une découverte récente, et dont nous parlerons plus loin, on est parvenu à l'appliquer à la reproduction des vieux ouvrages.

Il y a aujourd'hui près de deux cents ateliers lithographi

ques à Paris, et plus de mille dans les autres villes de France. Nous citerons, parmi les hommes qui ont le plus contribué en France aux progrès de la lithographie, MM. Engelmann, Thierry frères, Motte, Cattier, Koeppelin, Mlle Fromentin et surtout M. Lemercier, qui a obtenu la médaille d'or à l'exposition de 1844, et, depuis, la croix de la Légion d'honneur.

Nous devons encore citer, comme ayant rendu un service immense à la lithographie, M. Auguste Dupont (1), imprimeur à Périgueux, à qui on doit la découverte des pierres lithographiques de Châteauroux. On sait que ces pierres remplacent avantageusement celles qu'on faisait venir à grands frais de Munich. La Société d'encouragement pour l'industrie nationale, frappée des heureux résultats de cette découverte, lui a décerné, en 1836, une médaille d'argent, et, en 1837, la médaille d'or et le grand prix de 3,000 francs. Enfin, aux expositions générales, il obtint, en 1834, une médaille de bronze; en 1839, une médaille d'argent; en 1844, rappel de médaille d'argent; en 1849, une médaille d'or. Déjà, il avait reçu la . croix de la Légion d'honneur.

La lithographie est l'auxiliaire indispensable de toute imprimerie en lettres.

L'une des conditions essentielles du commerce et de l'industrie en général est de tendre constamment à simplifier les moyens de production, pour amener d'abord l'abaissement du prix des produits, et, comme conséquence, un accroissement de la consommation. Sous ce rapport, la typographie, abandonnée à ses seules ressources, est restée depuis bien des années

(1) Ancien membre de l'Assemblée nationale, rédacteur en chef de l'Echo de Vésone, mort en duel, le 20 août 1851, sous la balle d'un de ses anciens collègues à la Constituante, qui siégeait à la Montagne.

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