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la supériorité des Français dans cet art. Le patriarche de Constantinople en félicita le sieur des Noyers dans une lettre fort obligeante qu'il lui écrivit. »

II. Sébastien Cramoisy conserva près de trente ans la charge de directeur, et fut remplacé en 1669 par Sébastien Mabre, son petit-fils, à qui, dès 1660, une ordonnance royale avait accordé la survivance de son grand-père maternel.

Le directeur n'était pas, dans ces premiers temps, un fonctionnaire; c'était un imprimeur, choisi parmi les plus capables, et à qui l'Etat remettait l'établissement avec certaines charges et certains priviléges. Il avait la garde des poinçons, des matrices et de tout le matériel de l'établissement.

Après la mort de Mabre, arrivée en 1687, sa veuve fut continuée provisoirement dans sa place. En 1690, le ministre Louvois appela de Lyon Jean Anisson. Dans les provisions du roi expédiées en 1691 à Jean Anisson, il est qualifié de recteur et de conducteur de son imprimerie royale, et garde des poinçons, matrices, caractères, planches gravées, presses et autres ustensiles servant aux impressions.

Le privilége de directeur se maintint dès lors pendant plus d'un siècle dans cette famille, et on vit même, après la Restauration, un de ses descendants l'exercer encore pendant dix ans et jouir ainsi des mêmes avantages qui avaient été accordés à ses ancêtres (1).

III. Les successeurs de Louis XIII tinrent à honneur d'enrichir l'imprimerie royale et d'étendre sa renommée; elle acquit bientôt un matériel considérable en caractères précieux, surtout pour les langues orientales.

A cette nombreuse collection vinrent s'ajouter successive

(1) Nous croyons devoir donner ici, pour aider à l'intelligence des faits

ment les poinçons et les matrices des caractères grecs que François Ier avait fait graver par Garamond (1), et qui, en vertu de lettres patentes de Louis XIV, du 15 décembre 1683, furent retirés de la chambre des comptes, où ils étaient déposés, pour être remis entre les mains de Sébastien Mabre, alors directeur de l'imprimerie royale; - les poinçons arabes, syriaques et persans, dont Savary de Brèves avait surveillé l'exécution à Constantinople, pendant qu'il y était ambassa

rappelés dans ce chapitre, la liste générale des directeurs de l'imprimerie impériale, depuis son origine jusqu'à nos jours.

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Cramoisy (Sébastien II).

Mabre-Cramoisy (Sébastien III), petit-fils du précédent.

Dame Mabre-Cramoisy, veuve du précédent.

4. 1691-1707. Anisson (Jean II).

5. 1707-1723. 6. 1723-1735. 7. 1735-1760.

8. 1760-1789. 9. 1789-1794.

10. 1794-1802. 11. 1802-1814. 12. 1814-1823. 13. 1823-1824. 14. 1824-1830.

15. 1830-1831. 16. 1831-1848.

17. 1848-1850.

18. 1850.

19. 1850.

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Rigaud (Claude), beau-frère de Jean Anisson.
Anisson (Louis-Laurent), adjoint du précédent.

Anisson (Jacques-Louis-Laurent), frère puîné du pré-
cédent.

Anisson (Louis-Laurent), fils du précédent.
Anisson-Duperon (Etienne-Alexandre-Jacques), fils du
précédent.

Duboy-Laverne (Philippe-Daniel).

Marcel (Jean-Joseph).

Anisson-Duperon (Alexandre-Jacques-Laurent).

Michaud (Louis-Gabriel).

De Villebois (Etienne-Marie-Louis).

Vieillard dit Duverger (Eug.), commissaire-provisoire.
Lebrun (Pierre), de l'Académie française.
Desenne (Auguste).

Peauger.

Vernoy de Saint-Georges, directeur actuel.

(1) Robert Estienne, en se réfugiant à Genève, avait emporté ces poinçons ou ces matrices, car les avis sont partagés à cause de l'obscurité des documents historiques sur cette circonstance; mais ces types, quels qu'ils fussent, lui appartenaient. Son fils Henri ou son petit-fils Paul les ayant engagés pour une somme d'argent, Louis XIII les fit racheter à ses frais en 1619, et déposer plus tard à la cour des comptes.

deur, et qui avaient été achetés de ses héritiers par Antoine Vitré, sur l'ordre du cardinal de Richelieu; les poinçons arméniens que Vitré avait fait graver aux frais du roi par Jacques de Sanlecque; enfin, les poinçons et matrices de caractères syriaques et samaritains, et les matrices de caractères arméniens, offerts en 1692 à la Bibliothèque royale par l'abbé Le Jay, et que son père avait fait graver pour l'impression de la Bible polyglotte.

En outre, le chancelier de Pontchartrain chargea, en 1692, le graveur Grandjean de faire un grand nombre de poinçons grecs, soit pour compléter les trois corps qui existaient déjà, soit pour suppléer aux pertes qu'ils avaient éprouvées.

Ainsi retrouvés, accrus et complétés, les types de François Ier restèrent la principale richesse de l'imprimerie royale. Les étrangers mêmes les trouvèrent si parfaits de formes et de précision, que l'université de Cambridge en demanda une fonte pour son usage particulier. Le gouvernement français consentit à la lui accorder, mais à la condition qu'on rappellerait le fait dans le premier volume imprimé avec ces caractères et qu'on mettrait sur le frontispice de chaque volume une ligne ainsi conçue: Characteribus græcis e typographeio regio parisiensi. L'Université de Cambridge ne voulut point se soumettre à cette condition, et ce sentiment d'amour-propre national mal entendu fut un obstacle à la conclusion d'une affaire qui eût honoré les deux pays.

Les premiers caractères employés à l'imprimerie royale, qu'on désignait sous le nom de caractères de l'Université (1), étaient les mêmes que ceux dont se servaient les imprimeurs

(1) On trouve un alphabet de ces caractères dans le specimen de l'im primerie royale, publié en 1847.

de Paris. Mais, en 1692, Louis XIV ordonna l'exécution d'un caractère spécial pour le service de l'imprimerie royale, en remplacement des types dont on avait fait usage jusqu'alors.

Un comité composé de Jaugeon, membre de l'Académie des sciences, l'abbé Bignon, Filleau des Billettes, le père Sébastien Truchet, religieux de l'ordre des Carmes, Anisson, directeur de l'imprimerie royale, Simonneau et Grandjean, graveurs, fut chargé de déterminer, d'après des principes généraux, la meilleure forme des lettres. Après avoir compilé à cet effet les manuscrits et les plus belles éditions de la Bibliothèque royale et autres, on eut recours aux procédés de la géométrie, et l'on obtint par ce moyen des types dont la configuration parut devoir être la plus agréable à l'œil. Ce travail considérable occupa le comité pendant plusieurs années, et il en résulta une table exacte des proportions des lettres, où chaque sorte était en même rapport avec celle qui la suivait et celle qui la précédait (1).

Philippe Grandjean et Alexandre, son élève, furent chargés de la gravure et de la fonte des nouveaux caractères. Trente corps de caractères romains et italiques, de rondes, bâtardes, coulées, vignettes assorties, furent successivement gravés et fondus par ces deux habiles artistes. Plus tard, Louis Luce, gendre d'Alexandre, exécuta dans le même style deux autres corps de caractères qui complétèrent la typographie dont Louis XIV avait ordonné la création.

Les beaux ouvrages auxquels elle fut employée élevèrent, dès ce moment, l'imprimerie royale au rang de la première imprimerie du monde. Parmi ceux qu'elle fit paraître sous le

(1) Extrait d'un rapport déposé aux Archives nationales.

règne même de Louis XIV on peut citer les grandes collections des historiens bysantins, des actes des conciles, etc.

C'est à cette typographie que furent ajoutés pour la première fois, sur l'ordre même du roi, les signes qui distinguent les caractères de l'imprimerie royale, et qu'il est formellement interdit aux autres imprimeries d'imiter. Ces signes consistaient alors dans le doublement du délié supérieur des lettres b, d, h, i, j, k, l, et dans le trait dont était flanquée cette dernière lettre. Ces doubles déliés n'ont pas été conservés dans les nouveaux types de l'imprimerie impériale; mais le trait latéral de la lettre l est resté et forme encore aujourd'hui un des signes les plus apparents des caractères de cet établissement.

Le Régent et Louis XV voulurent aussi ajouter de nouvelles richesses à celles que possédait déjà l'imprimerie du Louvre. De 1715 à 1742, on grava, sous la direction de Fourmont, savant orientaliste, des caractères chinois, dont les modèles furent pris dans les dictionnaires Tching-tse-tong et Tseoey (1). Ce sont les premiers types de langue chinoise qui aient été gravés en Europe.

Louis XV ordonna aussi, en 1722, la gravure des types hébraïques qui manquaient encore à l'imprimerie royale. Ces types furent exécutés en quatre corps différents par Villeneuve et aussi sous la direction de Fourmont.

Pour faciliter la surveillance de ces travaux, on réunit, en 1725, à l'imprimerie du Louvre la fonderie royale, dont était

(1) Ce travail, interrompu en 1742 par la mort de Fourmont, ne fut repris qu'en 1811, sous la direction de M. de Guignes fils, pour l'impression du Dictionnaire chinois du P. Basile, publié en 1813 par ordre de Napoléon.

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