ville de Modène enlevée à son allié. Les Espagnols s'étaient joints à Jules II; les Français seuls demeuraient fidèles au duc de Ferrare, et Alfonse leur assura par son artillerie la victoire de Ravenne, le 11 avril 1512. Immédiatement après cette victoire, les Français menacés au-delà des monts furent obligés d'évacuer l'Italie. Alfonse, demeuré sans défense au milieu de ses ennemis, rechercha la paix par l'entremise de Fabrice Colonne, général du pape, qu'il avait fait prisonnier, et qu'il avait traité avec beaucoup de générosite. Trompé par les promesses de Jules II, Alfonse se rendit à Rome pour se soumettre au pontife; mais pendant ce temps celui-ci fit avancer ses armées contre Ferrare, et il aurait arrêté le duc lui-même si les Colonne ne l'avaient fait sortir de Rome à main armée. Jules II mourut sur ces entrefaites, et Léon X, qui lui succéda, permit au duc de Ferrare d'exercer à son couronnement les fonctions de gonfalonier de l'Eglise; mais il refusa de lui rendre les villes de Modène et de Reggio: obligé de le promettre par François Ier. qui protégeait la maison d'Este, il manqua pour s'y soustraire aux engagements les plus formels; il tenta même cn1519 de surprendre Ferrare au milieu de la paix, et en 1520 il voulut faire assassiner Alfonse par le capitaine de ses gardes. Hubert Gambara, protonotaire apostolique, qui avait voulu séduire ce capitaine, fut à cette occasion fait cardinal. Les lettres de la cour de Rome relatives à cet assassinat sont conservées dans les archives de la maison d'Este. Alfonse demeuré neutre jusqu'alors, recommença la guerre en 1521, pour délivrer le maréchal de Lescun assiégé dans Parme par Prosper Colonne. Son attaque avec la inattendue sauva les Français, dont la situation était alors très critique en Italie; mais bientôt les échecs éprouvés par Lautrec exposèrent le duc de Ferrare au dernier danger. Il était déjà excommunié par le pape et entouré par les armées de l'empire et de l'Eglise. Il préparait sa défense avec intrépidité lorsque Léon X mourut le 1. décembre 1521, et cet évènement sauva la maison d'Este d'une ruine qui paraissait inévitable. Alfonse fit alors frapper une médaille où l'on voyait un homme arrachant un agneau des griffes d'un lion, cette inscription De manu leonis. Entrant aussitôt en campagne il recouvra Bondeno, Finale, San Felice, les montagnes du Modenèse, Garfagnane, Lugo et Bagnacavallo. Le pape Adrien VI leva les censures prononcées contre le duc. A sa mort Alfonse recouvra encore en 1523 Reggio et Rubiera. Clément VII, il est vrai, parut hériter de la haine de son oncle Léon X contre la maison d'Este; il lui retint Modène, et chercha en même temps à lui enlever les états qui lui restaient; mais Alfonse sut tour à tour s'assurer la protection des Français et de CharlesQuint, et ni l'un ni l'autre ne voulurent l'abandouner à l'ambition du pape. Le duc profitade la prise de Kome pour recouvrer Modène le 5 juin 1527; et lorsque la paix fut rétablie en Italie, Charles-Quint prononça enfin, le 21 avril 1531, une sentence impériale qui confirma les droits de la maison d'Este sur Modène, Reggio et Rubiera. Ces villes, occupées par des commissaires impériaux, furent rendues au duc, et la souveraineté de sa maison fut consolidée. Alfonse Ier. mourut le 31 octobre 1534, un mois après Clément VII. Aucun souverain d'Italic ne réunit dans son siècle au même degré que lui la gloire militaire aux talents politiques; aucun n'a été entouré de plus grands hommes, et aucun n'a été celebré par des poètes plus illustres; l'Arioste fut le plus illustre de tous. Le fils aîné d'Alfonse, Hercule II, lui succéda. S. S-1. ESTE (HERCULE II), duc de Ferrare et de Modène, fils et successeur d'Alfonse I"., régna de 1534 à 1559. Il avait dû épouser en 1526 la fille naturelle de Charles-Quint, Marguerite, qui fut ensuite gouvernante des Pays-Bas; mais deux ans après il contracta un mariage plus illustre encore. Il épousa Renée de France, fille de Louis XII, et sœur de la femme de François Ier. Cette princesse lui apporta en dot les duchés de Chartres et de Montargis. Elle fut, aussi bien que Hercule II et ses enfants, une protectrice zéléc des lettres; mais son attachement pour Calvin, qui pendant son séjour à Ferrare en 1555 l'instruisit dans la réforme, lui attira beaucoup de persécutions pendant la vie, et surtout après la mort de son mari. La grande prépondérance que Charles-Quint avait obtenue en Italie ne permettait plus aux princes de cette contrée de jouer un rôle dans la politique ou la guerre. Hercule II s'efforçait par la plus scrupuleuse déférence de complaire au monarque autrichien. Cependant son frère Hippolite le jeune, cardinal d'Este, avait pris à la cour de Rome la protection de la France pour assurer au besoin à sa maison l'appui de cette couronne. Ce 'prélat, qui éleva la superbe villa d'Este à Tivoli, était le prince le plus magnifique et le plus grand protecteur des lettres de son siècle. (Voy. FERRARE, Hippolite, cardinal de). Ce fut seulement après l'abdication de Char les-Quint qu'Hercule II s'efforça de recouvrer quelque indépendance; il entra même en 1556 dans une ligue avec le pape et les Français contre les Espagnols; mais le duc de Guise, son gendre, qui conduisit en Italie l'armée de Henri II, fut bientôt obligé de se retirer. Le duc de Ferrare fut alors attaqué par ceux de Parme et de Toscane, qui obéissaient aveuglément à Philippe II, et Hercule se trouva heureux de faire, le 22 avril 1558, une paix désavantageuse avec le roi d'Espagne. Hercule, après avoir fait épouser à son fils Alfonse II Lucrèce de Médicis, fille de Cosme I., duc de Florence, mourut le 3 octobre 1559. Son fils aîné, ALFONSE ll, lui succéda. Il était en France lorsque son père mourut; il avait com battu lui-même dans le tournoi où Henri II fut tué; il revint en hâte à Ferrare, où il fit son entrée solennelle le 26 novembre 1559; il avait, comme ses ancêtres, le goût des lettres, mais bien plus encore qu'eux celui des fêtes et de la magnificence. Ala cour de Ferrare, pendant tout son règne, on parut ne songer qu'aux joûtes et aux tournois, au luxe et à la vanité. Des disputes de préséance avec le grand-duc de Toscane, des efforts dispendieux pour acheter les suffrages des Polonais en 1575 et obtenir la couronne de ce royaune, comprirent toute la carrière politique d'Alfonse II. Il épuisa ainsi ses finances, quoiqu'il eût toujours joui d'une profonde paix, et pour corti nuer les fêtes de sa cour, il fut oblige d'accabler ses sujets d'impositions. Alfönse II se maria trois fois, en 1558 avec Lucrèce de Médicis, en 1565 avec Barbe d'Autriche, fille de Ferdinand I., et en 1579 avec Marguerite de Gonzague, fille du duc de Mantoue. Il n'eut d'enfants d'au cune de ces femmes, et la ligne légitime de la maison d'Este fiuissant en lui, il appela à lui succéder don César, son cousin, fils d'un fils naturel d'Alfonse Ier. Le pape Grégoire XIV était sur le point de sanctionner ces dispositions lorsqu'il mouruten 1591. Ses successeurs profitèrent de l'extinction de la ligne légitime pour dépouiller la maison d'Este de tous les fiefs qu'elle tenait de l'Eglise. La cour d'Alfonse II et celle du cardinal Louis d'Este, son frère, était décorée par tous les premiers poètes et tous les hommes les plus célèbres de l'italie. Le Tasse était au nombre de ses courtisans; mais le Tasse, détenu pens dant sept ans entiers à l'hôpital des fous pour avoir aimé Léonore, sœur du duc Alfonse, ou peut-être pour avoir blessé, dans son emportement, l'orgueil de ce prince, ne réveille que des souvenirs tristes ou honteux pour la maison d'Este. Alfonse II mourut le 27 octobre 1597. S. S-1, ESTE (CESAR), duc de Modène et de Reggio, fils d'un fils naturel d'Alfonse I., régna à Modène de 1597 à 1628. Quoique Alfonse, père de César, ne fût pas légitime, on croyait qu'après sa naissance Alfonse 1. avait épousé Laura Eustochia sa nere; il lui avait fait porter le nom de la maison d'Este, et il lui avait fait épouser Julie de la Rovère, fille du due d'Urbin, César, né de ce mariage, etait considéré depuis quelque temps comme l'héritier présomptif des deux duchés, et à la mort de son cousin Alfonse II, le 27 octobre 1597, il fut elu et proclamé duc par les magistrats de Ferrare. Mais Clément VIII, qui occupait alors le siége pontifical, se hata, des qu'il apprit la mort d'Alfense II, de déclarer tous les fiefs ecclesiastiques de la maison d'Este déVolus au Saint-Siege, par l'extinction de la ligne légitime. Cependant Ferrare avait été érigée en duché en faveur de Borso d'Este, qui était batard, et la maison d'Este tenait ses droits bien moins des investitures du Saint-Siege que des élections du peuple. JeanFrançois Aldobrandin, neveu du pape, marcha ensuite sur Ferrare avec vingt-cinq mille homtues de mauvaises milices pontificales, et César, qui n'avait ni résolution ni caractère, ne sut tirer aucun parti des res sources d'un état avec les forces duquel Alphonse Ter. avait lutté vingtcinq ans contre trois papes guerriers, Il demanda immédiatement à traiter, et cédant lâchement à l'Eglise Ferrare et tous ses fiefs ecclésiastiques, il se retira le 15 janvier 1598 à Modène, et il ne conserva, de l'ancien héritage de sa famille dans l'état de Ferrare, que les palais et les campagnes qu'elle y possédait. Après ce honteux accord, lorsque le pape vint prendre possession de Ferrare, César s'avança audevant de lui jusqu'à Rimini pour lui baiser les pieds. En retour de tant d'humiliations, il obtint le chapeau de cardinal pour son frère Alexandre. Heureusement que l'empereur ne contesta point à César le droit de succéder dans les fiefs impériaux de sa famille; mais les Lucquois ini disputèrent la Garfagnane, province dépendante de la maison d'Este depuis l'année 1429. Le duc de Modène cut à cette occasion deux guerres à soutenir contre la république de Lucque, en 1602 et 1613; elles furent terminées par l'arbitrage de la cour d'Espagne, en rétablissant les anciennes limites. César d'Este avait épousé Vir ginie de Médicis, dont il eut six enfants. Ce prince manquait de résolution et d'habileté; mais il avait en revanche une douceur, une clémence et un amour de la paix qui le rendirent cher à ses sujets. Il mourut le 11 décembre 1628. ALFONSE III, son fils aîné, qui lui succéda, avait épousé en 1608 Isabelle de Savoie, et la perdit en 1626. Ce prince, dont le tempérament était violent et emporté, faisait redouter à ses sujets un gouvernement dur et tyrannique. Mais son caractère fut changé par la mort de sa femme, qu'il aimait avec passion, et à peine avait-il régné six mois, que, faisant son testament, il céda le duché de Modène et de Reggio, le 24 juillet 1629, à François, son fils aîné; il pourvut d'apanages ses quatre autres fils, et il se retira dans un couvent du Tyrol, où il prit l'habit de capucin, sous le nom de frère Jean-Baptiste de Modène. Il y donna, depuis et jusqu'à la fin de sa vie, des preuves éclatantes de son zèle, de sa piété et de sa vertu. S. S-1. ESTE (FRANÇOIS Ier.), duc de Modène et de Reggio, fils et successeur d'Alfonse III, s'attacha, au commencement de son règne, aux inté rêts de la monarchie espagnole. Quoiqu'il eût épousé en 1631 Marie Farnėse, sœur d'Edouard, duc de Parme et de Plaisance, il fit en 1635 la guerre à ce prince pour complaire au roi d'Espagne. Celui-ci, pour le récompenser, céda au duc de Modène, en 1636, la principauté de Correggio que l'empereur avait confisquée sur don Cyrus, dernier héritier de cette maison, et vendue ensuite à l'Espa gne. Mais la maison d'Autriche, lente dans tous ses mouvements et infidèle dans ses promesses, ne savait pas conserver ses alliés. Le duc de Modène abandonna son parti en 1647 pour s'attacher à la France, et malgré les revers qu'à cette occasion il éprouva en 1649, il demeura fidèle aux Français jusqu'à la fin de sa vie, Il fit épouser à son fils Alfonse IV Laure Martinozzi, nièce du cardinal Mazarin, et sœur de la princesse de Conti, et il s'engagea ouvertement dans la guerre entre la France et la maison d'Autriche, comme allié de la première et de la maison de Savoie. Nommé généralissime des armées françaises en Italie, il prit Valenza aux Espagnols en 1656, et Mortara en 1658. Il ravagea le duché de Mantoue et le Milanez, et obtint la répu tation d'un bon capitaine; en même temps il se faisait aimer de ses peuples, et il développait, pour l'adminis tration comme pour la guerre, des tlents qui étaient long-temps demeurés cachés. Mais à la suite du siége de Mortara, il contracta dans ce canton malsain une maladie dont il mourut le 14 octobre 1658, à l'âge de quarantehuit ans, laissant trois fils après lui, dont l'aîné, Alfonse IV, lui succéda. ALFONSE IV hérita non seulement des états de son père, Inais aussi du commandement des armées françaises en Italie. Cependant lorsque le cardinal Mazarin prévit une paix prochaine de la France avec l'Espagne, il engagea sous main le duc de Modène à traiter le premier. Alfonse IV suivit ce conseil, et signa, le 11 mars 1659, une paix particulière avec l'Espagne, qui fat confirmée par le traité des Pyrénées, du 7 novembre de la même année. Le frère d'Alfonse, Alméric d'Este, a quel le cardinal Mazarin destinait sa nièce Hortense Mancini et l'héritage de son immense fortune, fut enlevé à Paros par une maladie, le 16 novembre 1660, comme il faisait la guerre aux Turks. Alfonse ne lui survécut pas deux ans ; il mourut le 16 juillet 1662, à l'âge de vingt-huit ans, d'une attaque de goutte, lais sant un fils et une fille en bas âge, François II, qui lui succéda, et Marie Beatrix, qui épousa ensuite Jacques II, roi d'Angleterre. FRANÇOIS II demeura jusqu'en 1676 sous la tutelle de sa mere, Laure Martinozzi, dont le gouvernement sage et doux la fit cherir de ses sujets. Cependant cette princesse fut sur le point de faire la guerre à la duchesse régente de Mantone, pour assurer ses droits sur quelques iles du Pô, entre les deux etats. Lorsqu'elle cut résigné la tutelle, elle se retira à Rome pour y vivre loin des affaires, et y mourut en 1687. François II était d'un tempérament faible et maladif, qui l'empêchait de s'appliquer aux affaires. Lorsqu'il sortit de sous la tutelle de sa mère, il confia son autorité presque entière à son frère naturel don César, qui, pour le tenir mieux dans la dépendance, l'empêcha long-temps de se marier. Eufin François 11 épousa, le 14 juillet 1692, Marguerite Farnèse, fille de Ranuce II, duc de Parme; mais il mourut deux ans après, le 6 septembre 1694, sans en avoir eu d'enfants. Son oncle Renaud, qui était alors cardinal, lui succéda. S.S-I. ESTE (RENAUD), duc de Modène, Reggio et la Mirandole, prince de Correggio, était cardinal lorsque l'extinction de la branche aînée de sa famille l'appela en 1694 à succéder au trône ducal de Modène. L'année suivanteil déposa la pourpre, et il épousa Charlotte-Félicité de Brunswick, fille du duc de Hanovre, en sorte que les deux branches de la maison d'Este, séparées depuis 1070, furent réunies par ce mariage. La sœur de la nouvelle duchesse de Modène ayant épousé Joseph I., roi des Romains, le duc Renaud entra dans l'alliance de la maison d'Autriche pendant la guerre de la succession d'Espagne. Mais bientôt tous ses états furent envahis par les Français, et lui-même viut se réfugier à Bologne pour attendre l'issue d'une guerre à laquelle il ne prenait point de part. Il fut en effet rétabli à Modène, en 1707, par les armées impériales, et en 1718, l'empereur Joseph lui vendit le petit duché de la Mirandole, qu'il avait confisqué sur François Pic, dernier prince de ce nom. L'empereur fit aussi des tentatives pour lui faire rendre par le Saint-Siege le comté de Comacchio, que la maison d'Este possédait dès l'an 1354 par une investiture impériale, et qui avait cependant été réuni à la chambre apostolique avec le duché de Ferrare après la mort d'Alfonse II. Mais les droits de la maison d'Este au comté de Comacchio furent laissés en suspens, et l'Eglise est demeurée en possession de ce petit état. Une nouvelle guerre ayant ramené en 1734 les armées françaises en Italie pour régler la succession Farnèse, et rétablir le royaume de Naples, les états de Modène et de Reggio furent de nouveau occupés par les Français, et le duc avec sa famille retourna s’établir à Bologne. Rentré dans sa capitale en 1756, il y mourut le 26 octobre 1737, âgé de quatre-vingt-deux ans. Son fils François III lui succéda: de ses trois filles une seule avait été mariée, et était veuve du duc de Parme. S. S-1. ESTE (FRANÇOIS III), duc de Modène, Reggio et la Mirandole, avait épousé Charlotte-Aglaé, fille du duc Philippe d'Orléans, et en avait déjà deux fils et quatre filles, lorsqu'en 1737 il succéda à son père. Il était à Vienne lorsqu'il reçut la nouvelle de sa mort, et il avait fait une campagne contre les Turks. A son retour à Modène, il s'efforça de rétablir les finances de l'état, ruinées par les |