en face du prédicateur, l'écouta avee attention, et fut frappé de l'ordre, de la clarté, de la méthode, de la logique vive et pressante qui régnaient dans son discours. Le sermon fini, il suivit le P. Elisée à la sacristie, et lui demanda si c'était lui qui avait composé le sermon qu'il venait de prononcer? Le P. Elisée lui en donna l'assurance. Diderot, enchanté de ce qu'il nommait sa découverte, parla du nouveau prédicateur avec enthousiasme, et inspira à chacun le désir de l'entendre. Bientôt l'église qu'avait choisie le P. Elisée, fut trop petite pour contenir le nombre de ses auditeurs, et cédant aux invita tions qu'on lui adressait de toutes parts, il parut successivement dans les chaires les plus brillantes de la capitale. Désigné pour prêcher devant le roi, il eut l'honneur de le complimen ter dans deux circonstances bien remarquables; la première fois, après la signature de la paix avec l'Angleterre, en 1763, et la seconde fois, après la mort du dauphin, père de Louis XVI. Le P. Elisée, bon et indulgent envers les autres, était très sévère pour lui-même; la pâleur de son visage annonçait ses austérités; il jeûnait continuellement, et consacrait à la prière tous les moments qu'il ne donnait pas à l'étude. L'excès du travail affaiblit sa santé, et les inédecins lui conseillèrent de prendre quelque repos dans sa famille. Il cédait à leurs invitations, à celles de ses parents, mais l'évêque de Dijon le retint pour prêcher le Carême dans sa cathédrale; les efforts qu'il fut obligé de faire, achevèrent de l'épuiser. Il mourut le 11 juin 1783, à Pontarlier, en allant en Suisse, prendre les eaux de la tire vine. Son corps fut rapporté à Besançon, et inhumédans l'église des Carmes Déchaussés. Les Sermons du P. Elisée ont été recueillis par le P, Césaire, son cousin, et publiés à Paris, 17841786, 4 vol. in-12, avec la vie de l'auteur. Ils ont été traduits en allemand, Bamberg, 1786, 4 volumes in-8°., et en espagnol, Madrid, 1787, 4 vol. in-4°.; le quatrième volume contient les Panegyriques, parmi lesquels on distingue celui de S. Louis; et les Oraisons funèbres du Grand Condé, de Stanislas I., roi de Pologne, et du dauphin, père de Louis XVI. On n'a pas la prétention d'assigner ici la place que doit occuper le P. Elisée parmi les orateurs chrétiens; on se contentera de dire que ses sermons se distinguent, de la plupart des productions de ce genre, par la sagesse de la composition, l'enchaînement des pensées, par la pureté et l'élégance de style; et que la lecture en est aussi agréable qu'utile aux personnes qui aiment à réfléchir sur elles-mêmes. On y trouve quelques morceaux digues de Bossuet et de Massillon; mais, en gé néral, on désirerait chez lui une connaissance plus grande des livres saints; plus de force et de justesse dans le raisonnement; plus d'abondance dans ses preuves; une onction plus pénétrante; une éloquence plus douce (1); plus de majesté; plus d'élévation; des idées moins vagues; des traits plus marqués. La contenance modeste du P. Elisée, l'air de mortification qui paraissait sur son visage, commencaient par inspirer une prévention favorable; la simplicité de son débit forçait ses auditeurs à redoubler d'attention, et cette négligence était assortie à l'espèce d'eloquence qu'il avait adoptée. Peu d'art, de la préci sion dans l'exposition de son sujet, de la simplicité dans ses plans, un (1) fl est quelquefois caustique; dans son ser mon sur le mauvais riche, il s'exprime ainsi : « Le » riche mourut, et ce fut le premier service qu'il » rendit à la société, a style pur, clair et élégant; presque point de figures et de mouvements. Il n'a ni la logique pressante et la raison profonde de Bourdaloue, ni le pinceau magique et le brillant coloris de Massillon. Quoiqu'il ne manque pas de s'élever contre les systèmes monstrueux de la philosophie moderne, il porte dans ces morceaux qui semblent exiger une certaine véhémence, plutôt le sentiment de la douleur qui s'en afflige, que celui de l'indignation qui les combat et les anéantit. Dans l'endroit de son sermon sur l'incrédulité, où il trace le tableau de l'orgueil de l'esprit et de cette inquiétude qui le porte à secouer le joug de la religion, On trouve une imitation trop marquée. de Bossuet, dans l'endroit de l'Oraison funèbre de la reine d'Angleterre, où ce grand évêque dit des protestants ce que le P. Elisée applique aux incrédules. Le portrait qu'il fait de Bayle dans le sermon qui a pour titre: Fausseté de la probité sans la religion, rappelle aussi un peu trop ceJui que Bossuet a tracé de Cromwell. Les principes de la morale sont présentés, dans ses sermons, d'une inanière trop benevole, sans qu'il entre dans aucun détail particulier, ce qui ne jette pas, à beaucoup près, autant d'intérêt dans ses discussions, que s'il luttait, pour ainsi dire, corps à corps avec les obstacles qu'il combat. Il est rare, par conséquent, de trouver chez lui de ces morceaux pleins de force et de vigueur, qui subjuguent l'esprit et dominent la volonté; de ces tirades où règnent l'affection et le sentiment, qui pénètrent le cœur et l'embrasent, qui le touchent et l'attendrissent. C'est moins à présenter à chaque individu le miroir de ses passions, que l'orateur semble s'être appliqué, qu'à peindre les funestes effets qu'elles produisent dans la société. Or cette seconde étude est beaucoup plus facile que la première, et il est plus aisé de saisir ces résultats géné raux que de descendre dans le cœur de l'homme, d'en sonder les plus sombres replis, et de les exposer au grand jour. On trouve cependant quel quefois de la force, de l'élévation et de la profondeur, comme dans le sermon sur la fausseté de la probité sans la religion; une connaissance plus développée des passions, comme dans celui sur la vie religieuse, où en opposant partout le calme de la solitude au tumulte du monde, il peint supérieurement le vide et le néant des plaisirs et des honneurs. Son sermon sur la mort et celui sur les afflictions, sont ceux où l'ordonnance est la plus belle et les développements plus lumineux. W-s. ELIUS (LUCIUS Ælius Cæsar), fils de Céjonius Commodus, fut adopté par l'empereur Adrien: on n'est pas d'accord sur l'époque précise de son adoption; il paraît qu'elle eut lieu en l'an 135. Elius portait alors les noms de Lucius Aurelius Verus, qu'on donnait à son père. Adrien, dout la santé s'affaiblissait tous les jours, vou lut désigner son successeur. Après avoir jeté les yeux sur plusieurs de ses parents et de ses amis, il choisit enfin Lucius Verus, que sa complexion délicate aurait seule dû écarter du trône. Adrien ne se contenta pas de le créer César, il l'adopta comme son fils, et Ini donna le nom d'Elius, qu'il portait lui-même. C'est pourquoi Spartien compare cette adoption à celle de Galère Maximien et de Constance Chiore, qui, en devenant Césars, devinrent aussi les fils des empereurs. Elius avait un grand ascendant sur l'esprit d'Adrien, qui le fit ensuite préteur et consul, et lui donna le gouvernement de la Pannonic. Spar tien fait l'éloge de sa conduite et nous vante sa justice et son habileté. Néanmoins la faiblesse de sa constitution fit quelquefois regretter à Adrien cette adoption. On dit que l'empereur, qui l'aimait passionnément, n'avait consenti à le créer César que pour tenir la promesse qu'il lui avait faite en secret; mais qu'il savait bien qu'Elius ne vivrait pas assez long-temps pour réguer. (Adrien était fort adonné à la magie, et avait, dit-on, tiré l'horoscope d'Elius). Les destins de Rome réservaient à l'empire un prince dont les vertus devaient rappeler l'âge d'or. Elius, après un séjour d'environ deux ans en Pannonie, revint à Rome, et le 1. janvier, au moment même où il se disposait à prononcer un discours qu'il avait préparé pour l'empereur, il mourut presque subitement : ce fut Antonin-le-Pieux qui lui succéda comme césar. On donne à Elius plusieurs brillantes qualités; il était instruit dans les belles-lettres; il cultivait l'éloquence et la poésie; mais quelques personnes prétendent qu'il était plutôt chéri d'Adrien à cause de sa belle figure que pour ses vertus. Il était fort recherché dans sa toilette et dans ses plaisirs. On lui reproche de les avoir aimés jusqu'à la volupté. Spartien nous dit qu'il faisait quelquefois mettre des ailes à ses coureurs, et qu'il leur donnait le nom des vents, Borée, Aquilon, etc. Quoiqu'Adrien s'attendit à ne pas conserver longtemps Ælius, sa perte lui fut sensible; et s'il ne le pleura pas comme prince, il donna des larmes à son fils, et le fit ensevelir avec toute la pompe réservée aux empereurs, dans le même tombeau qu'il avait fait construire pour lui-même. Il lui décerna des statues et des temples, et ce fut en mémoire de ce prince qu'il exigea qu'Antonin, son successeur, adoptât le fils d'E lius, qui régna ensuite avec MarcAurèle. Elius avait épousé Domitia Lucilla, fille de Nigrinus, qui lai donna Lucius Verus, dont nous venons de parler, et Fabia ou Fadia, qui fut fiancée à Marc-Aurèle. Ælius ne vécut pas assez long-temps comme prince pour nous avoir laissé une grande variété dans les types de ses médailles. Le symbole de la Pannonie, qu'il gouverna, est le sujet qui s'y trouve le plus fréquemment. Les autres sont généralement peu communes, surtout les grecques. Il n'y prend que le nom de Lucius Elius, et n'y porte que le titre de césar. T-s. ELIUS-GALLUS. V. GALLUS. ELIZABETH. Voy. ELISABETH. ELLAIN (NICOLAS), né à Paris en 1534, s'appliqua d'abord à l'étude du droit, et se fit recevoir avocat au parlement. Au bout de quelques anuées, il renonça à la jurisprudence pour étudier la médecine, acquit en peu de temps la réputation d'un praticien habile, et mourut en 1621 doyen de la faculté de Paris, à l'âge de quatre-vingt-sept ans. Ellain avait du goût pour la littérature, et il a cultivé la poésie avec quelque succès. On a de lui: I. des Sonnets Paris, 1561, in-8°. L'abbé Goujet trouve du naturel et de la facilité dans sa versification; II. Discours panégyrique à Pierre de Gondy, évéque de Paris, sur son entrée dans cette ville, ibid., 1570, in- 4o. Cette pièce est en vers; III. Ad cardinalem Rettensem nuper pileo cardinalitio donatum, carmen, ibid., 1618, in-4°. Le seul ouvrage de médecine qu'il ait publié est un Advis sur la peste, Paris, 1606, in-8°., réimprimé en 1623, in-12, avec celui d'Antoine Mizauld, intitulé : Divers Remèdes et Préservatifs contre la peste. W-s. ELLEBODE (NICAISE VAN), en latin Ellebodius, né à Cassel en Flandre au commencement du 16o. siècle, fit ses études à l'université de Padoue, et y prit ses grades en médecine avec distinction. Il acquit une connaissance profonde des langues anciennes, et particulièrement de la langue grecque. Il mérita par ses talents la protection du cardinal Grandvelle et l'estime des savants, entre autres de Vincent Pinelli et de PaulManuce. Radecius, évêque d'Agria, lui fit obtenir un canonicat de sa cathédrale. Il mourut à Presbourg d'une fièvre pestilentielle le 14 juin 1577. C'est à Ellebode qu'on doit la première édition du texte grec de l'ouvrage de Némésius sur la nature de l'homme. Il le publia à Anvers, 1565, in-8., avec une traduction latine supérieure à celle de Valla, et réimprimée dans le tome VIII de la Bibliotheca Patrum, Lyon, 1677. On #trouve quelques lettres d'Ellebode dans les Epistolæ illustr. Belgarum, publiées par Bertius, 1617, et quel ques pièces de vers dans les Poëtar. Belgar. delicia, de Gruter. W-s. E ELLER (ELIE), né en 1690, dans le duché de Berg, apprit le métier de tisserand, qu'il exerça dans la petite ville d'Elverfeld. Ou a souvent fait l'observation que les hommes de cette profession sédentaire, se livrent facilement aux rêveries des idées théosophiques. Eller en fut un exemple remarquable. Il s'imagina d'abord avoir des révélations et se persuada, à la fin, qu'il était le Christ en personne. Il se faisait appeler le Père de Sion. L'enthousiasme qui régnait dans ses discours et la régularité de sa vie lui procurèrent des adhérents, dont il réunit le troupeau dans la ville de Rensdorff, que l'électeur palatin, souverain de Berg, venait de fonder, et dont Eller avait été nommé premier bourguemestre. Cette secte est connue dans l'histoire du lutheranisme sous le nom de communion de Rensdorff. Nous pensons qu'elle s'est éteinte bientôt après la mort de son chef, qui arriva le 16 mai 1750. La considération dont jouissait ce visionnaire en imposa tellement au premier roi de Prusse, qu'il l'avait nommé agent des églises protestantes des duchés de Juliers et de Berg. Il avait consigné ses rêveries dans un écrit intitulé : la Panetière, en allemand, Hirten- Tasche. (Voy. page 172, tome X, livraison 30°., édit. nouv. des Cérémonies religieuses, 1809, ou l'Histoire des sectes religieuses, par M. Grégoire, 1, 307 ). S-L. ELLER (JEAN-THÉODORE), né en 1689 à Pleskau, dans la principauté d'Anhalt-Bernbourg, devint en 1755 premier médecin du roi de Prusse, Frédéric-Guillaume. Le grand Frédéric joignit, en 1755, à ce titre, celui de conseiller privé et de directeur du college medico-chirurgical de Berlin, dont il était professeur depuis plus de trente ans. Il fut aussi un des membres les plus laborieux de l'académie des sciences de Berlin, qui le perdit le 31 septembre 1760. Parmi ses ouvrages, les uns sont écrits en latin, quelques-uns en français, et les autres en allemand: I. Gazophylacium, seu Catalogus rerum mineralium et metallicarum, Bernbourg, 1 723, in-8°.; 11. Observations médicales et chirurgicales, Berlin, 1730, in-8'. (en allemand); III. Physiologia et Pa thologia medica, seu philosophia corporis humani sani et morbosi c'est-à-dire, Physiologie et Pathologie, etc. Schneeberg, 1748, 2 vol. in-8°. Ce livre allemand, qui n'a de latin qu'une portion du titre, a été publié par le docteur Jean-Chrétien Zimmermann : il offre le recueil des leçons faites par Eller aux chirurgiens militaires, depuis 1726 jusqu'à 1734, mais tellement mutilées, que le professeur le désavoua. IV. Observationes de cognoscendis et curandis morbis, præsertim acutis, Koenigsberg, 1762, in-8°. ; Amsterdam (Genève), 1766, in-8°. Cet ouvrage estimé, quoique incomplet, a été traduit en français par Jacques - Agathange Le Roy, Paris, 1774, in-12. Presque tous les mémoires présentés par Eller à l'académie des sciences de Berlin ont pour objet des recherches curieuses, des expériences utiles; dans presque tous on reconnaît la sagacité de l'auteur; les principaux traitent, 1°. de la séparation de l'or d'avec l'argent; 2o. de la fertilité des terres et de la végétation des plantes; 3°. de la dissolution des sels dans l'eau commune; 4". de l'analyse du sang humain; 5. du pouvoir de l'imagination des femmes enceintes sur le fœtus. Le docteur Charles- Abrah. Gerhard a extrait des mé moires de l'académie, et traduit en allemand, tous ceux que Eller avait insérés dans cette importante Collection; Berlin, 1764,in-8°., fig. En 1763 on publia, sous le nom de ce médecin, une Chirurgie complète, et en 1767 une Médecine pratique, écrites l'une et l'autre en allemand. Z. ELLERS (JEAN), conseiller de la chancellerie en Suède et chevalier de l'ordre de l'étoile polaire. Il se distingua dans le dernier siècle par son habileté dans les affaires et par ses talents pour les lettres. Gustave III lui avait donné sa confiance et l'employa dans plusieurs occasions importantes. Il est auteur d'un poëme suédois inintitulé: Mes larmes, qui se trouve en français dans les Mélanges de littérature suédoise, publiés à Paris (1788, in-8°. ), par Agander. Peu avant sa mort, Ellers donna une description de Stockholm, en quatre volumes, remplie de recherches et de faits intéressants, mais écrite d'un style diffus. C-AU. ELLIES DUPIN (Louis). Voy. DUPIN. ELLIGER ou ELGER (OTMAR), peintre suédois, naquit à Gothembourg, en 1632 ou 1633. Son père était médecin, et lui fit apprendre les langues. Quelque sagacité qu'il eût, son goût pour la peinture ralentit ses progrès dans toute autre étude. Sa mère se montra très éloignée de seconder son penchant ; mais un mendiant ayant un jour exposé sa misère au médecin, en différentes langues, la femme de celui-ci dit à son mari, que puisqu'il se trouvait des savants aussi pauvres que des peintres, il lui était indifférent quel état prendrait son fils. Elliger, au comble de ses vœux, se mit, à Anvers, sous la conduite du jésuite Daniel Zeghers, habile peintre de fleurs et de fruits, qu'il parvint à égaler. Appelé à Berlin, il fut nommé peintre de l'électeur Frédéric-Guillaume. L'agrément de la conversation de l'artiste le rendit cher au prince, à la cour duquel il passa ses jours dans l'aisance et la considération. On ignore en quelle année il mourut. La plupart de ses tableaux sont en Allemagne, et y sont très estimés.—Otmar ELLIGER, fils du précédent, naquit à Hambourg, en 1666. Il reçut d'abord des leçons de son père, puis celles de Michel Van Musscher, peintre d'Amsterdam; mais, à la vue des ouvrages de La resse, il désira entrer dans son école, et y parvint en 1686. 11 gagna l'affection de son maitre, et, doué d'un esprit qu'il avait eu soin de cultiver par l'étude, il parvint, en une année, à composer des sujets très intéressants. Sa manière était grande et ses fonds |