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aussi parlé dignement de l'orateur athénien; mais je préfère le jugement qu'en a porté La Harpe dans son Cours de Littérature (édition de Dijon, tom. 111, p. 184) où il dit : « Raisonnemens et mouvemens, voilà toute l'éloquence de Démosthène. Jamais homme n'a donné à la raison des armes plus pénétrantes, plus inévitables. La vérité est dans sa main un trait perçant qu'il manie avec autant d'agilité que de force, et dont il redouble sans cesse les atteintes. Il frappe sans donner le temps de respirer; il pousse, presse, renverse, et ce n'est pas un de ces hommes qui laissent à l'adversaire terrassé le moyen de nier sa chute. Son style est austère et robuste, tel qu'il convient à une ame franche et impétueuse. Il s'occupe rarement à parer sa pensée : ce soin semble au-dessous de lui; il ne songe qu'à la porter tout entière au fond de votre cœur. Nul n'a moins employé les figures de diction; nul n'a plus négligé lés ornemens; mais dans sa marche rapide il entraîne l'auditeur où il veut ; et ce qui le distingue de tous les orateurs, c'est que l'espèce de suffrage qu'il arrache ést toujours pour l'objet dont il s'agit, et non pas pour lui. On diroît d'un autre : il parle bien ; on dit de Démosthène : il a raison. »>

ANTOINETTE DESHOULIÈRES (n. 1634-m. 1694) a composé beaucoup de poésies parmi lesquelles ses idylles tiennent le premier rang; et entrè celles-ci il faut placer en tête l'idylle des Oiseaux et l'idylle des Moutons. Celle des Moutons, la meilleure,

a plus de douceur et de grâce; l'autre est un peu plus poétique. On peut ajouter à ces deux idylles celle de l'Hiver qui est encore fort bonne. Quant à celles du Ruisseau, des Fleurs, du Tombeau et de la Solitude, elles ne peuvent pas entrer en comparaison avec les trois précédentes. L'églogue intitulée Iris, de 1680, mérite aussi d'être distinguée ; il en est de même des vers allégoriques à ses enfans: Dans ces prés fleuris, etc. L'Épitre à M. Caze pour le jour de sa fête 1690, est encore fort agréable; tout le reste, à part la stance morale sur le jeu et celle sur l'amour propre, ainsi qu'un ou deux rondeaux, est très foible et ne se lit plus guère, surtout la longue correspondance de ses chats et de ses chiens, ses Ballades, ses ses Építres, ses Chansons, ses Odes, etc.

PHIL.-NÉRICAULT DESTOUCHES (n. 1680-m. 1754) est auteur d'an certain nombre de pièces dont la très grande majorité est entièrement oubliée; mais il en est quelques-unes que l'on voit au théâtre toujours avec un nouveau plaisir, telles que le Philosophe marié et le Glorieux, les deux meilleures pièces de Destouches et qui marchent après celles de nos grands maîtres. La Fausse Agnès nous fait encore rire, malgré les invraisemblances. L'Irrésolu a du bon,surtout le dernier vers qui est très caractéristique; le Dissipateur est foible; le Tambour nocturne ne fait plus grand bruit, et le Triple Mariage est assez insignifiant ; quant aux quinze autres

pièces de Destouches, il est fort inutile de les nom

mer,

CHARLES DUCLOS (n. 1705—m. 1772). On regarde ses Considérations sur les Mœurs comme le meilleur de ses ouvrages, celui qui lui fait le plus d'honneur et qui a été le plus souvent réimprimé. Le monde y est vu d'un coup d'œil rapide et perçant. Il est rare de trouver réunis dans un cadre aussi ingénieux un plus grand nombre d'idées justes et fines, de leçons utiles et de mots saillans. Louis XV disoit : « C'est l'ouvrage d'un honnéte homme, » Une chose singulière, c'est que dans ce livre qui traite des mœurs le mot femme n'est pas même prononcé.

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CH.-RIVIÈRE DUFRESNY (n. 1648-m. 1724). Ses meilleures pièces sont 1.° L'Esprit de contradiction, dans laquelle le rôle de la femme contrariante est très comique; 2.o le Double veuvage, où l'on distingue le rôle de la veuve, et 3.o le Mariage fait et rompu, dans laquelle de bons rôles sont ceux du président, de la présidente, et du Gascon Glacignac qui est le meilleur de tous les Gascons que l'on ait mis au théâtre. Ces trois pièces sont fort jolies; la composition en est agréable et piquante, le dialogue vif et saillant. On remarque dans la Coquette de village le rôle de la Coquette, et dans la Réconciliation normande celui de Falaise. Quant à ses au

tres pièces, elles n'ont eu aucun succès et ne se sont jamais relevées de leur chute primitive.

ESCHYLE (n. 526 av. J.-C.-m. 456), est considéré comme le véritable père de la tragédie, celui qui le premier lui donna une forme régulière. Des sept pièces échappées aux ravages du temps sur à-peuprès quatre-vingt-dix qu'il avoit composées, les Coëphores (porteurs de libations) et les Sept Chefs des vant Thèbes sont les meilleures. Les Coëphores surtout renferment des beautés vraiment tragiques, vraiment théâtrales et qui sont assez rares dans les autres pièces d'Eschyle; ces pièces sont Prométhée; les Perses ; Agamemnon; les Suppliantes, et les Euménides.

EURIPIDE ( n. 480 av. J.-C.-m. 406), avoit composé cent vingt-trois pièces dramatiques. Le temps en a épargné seulement dix-huit, à la tête des→ quelles on place Iphigénie en Aulide comme le chefd'œuvre de l'auteur, et comme l'une des tragédies an ciennes où l'art a été porté à sa plus grande perfection. Unité d'action et d'intérêt, exposition admirable, caractères soutenus, vérité dans le dialogue, pathétique dans les situations, éloquence vraiment dramatique, enfin gradation d'intérêt qui va croissant de scène en scène jusqu'au dénouement: voilà ce qui justifie l'admiration qu'on a eue dans tous les temps pour cette tragédie. Racine l'a heureusement imitée, embellie et perfectionnée. Les autres pièces

d'Euripide sont: Hécube; Oreste; les Phénisses Médée; Hippolyte couronné; Alceste, Andromaque; les Suppliantes ; Iphigénie en Tauride; les Troyennes ; les Bacchantes ; les Héraclides; Hélène; Ion; Hercule furieux, et Électre. Il ne reste que le commencement de șa Danaë.

FR. SALIGNAC DE FÉNÉLON (n. 1651—m. 1715). Nous ne considérons ici cet illustre écrivain que comme orateur sacré, ses autres titres littéraires étant suffisamment connus et appréciés; nous dirons donc que comme prédicateur, Fénélon a deux morceaux que M. Maury met au premier rang; mais laissons parler M. Maury lui-même : « Le nom chéri de Fénélon, dit-il, s'est associé à la prééminence de nos trois immortels prédicateurs (Bossuet, Bourdaloue, Massillon), et marche leur égal, sans avoir besoin d'autres titres que deux discours qui lui en assurent le droit aux yeux de la postérité.......... L'un de ces titres oratoires est le sublime et pathétique discours que Fénélon prononça dans l'église collégiale de Lille, en 1708, quand il fit la consécration du prince de Bavière, archevêque électeur de Cologne. C'est une pièce d'éloquence du premier ordre... Le second sermon est celui qui fut prêché une seule fois aux Missions étrangères, le jour de l'Épiphanie, en 1685, par l'abbé de Fénélon alors âgé de trente-quatre ans....» M. Maury prétend qu'on y trouve « tantôt l'imagination d'Homère, tantôt la véhémence de Démosthène, tantôt le génie et le pa

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