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avoir été réellement gêné dans ses affaires, tout au moins à la fin de sa vie. Le 24 juillet 1660, peu de temps avant sa mort, il emprunte une somme relativement considérable. A cet effet il baille à Jean Arènes, marchand de Vimenet, par forme d'antichrèse et vente de fruits et non autrement », la propriété et les fruits d'un pré sis dans les appartenances de Vimenet, au terroir de la Rivière, de la contenance de deux journées ou environ, confrontant notamment du levant avec prés d'Antoine Suau, du Moulin-Parayre, et du septentrion avec le chemin allant du Moulin-Parayre à Ganhac, et ce pour le prix de 428 livres. Il promet de rendre cette somme dans un an et, pendant ce terme, Arènes jouira des fruits du pré qui compenseront les intérêts légitimes, attendu que les parties ne les ont pas trouvés de plus grande valeur. Passé ce terme, si Costy n'a pas rendu la somme, Arènes continuera à jouir des fruits du pré pour autant de temps qu'il voudra surseoir au remboursement. Arènes n'aura à payer aucune des charges du pré. Il ne pourra y « coupper aucuns arbres, mais seulement jouir de leurs fruits. En cas de vente du pré par Costý, Arènes aura un droit de préférence, s'il le désire, à dire et estimation d'experts. (Registre de Martin, notaire de Vimenet, chez M. Teyssié, à Aguès.)

PASSAGES DE TROUPES

ET

LOGEMENT DES GENS DE GUERRE

A RODEZ (1666-1670)

C'est aujourd'hui une bonne aubaine pour nos villes que le passage de troupes ou la présence de régiments en garnison : les troupes, en effet, font une consommation considérable dont la remière conséquence est de faciliter l'écoulement des denrées; elles répandent ainsi beaucoup d'argent qui reste dans le pays et y circule à l'avantage du commerce local. Aussi nos « consuls » qui ont charge des intérêts matériels et économiques de la cité font-ils tout ce qui est en leur pouvoir pour y faire séjourner le plus longtemps possible les troupes de passage ou même pour obtenir de nouveaux régiments en garnison.

Il n'en était pas de même jadis ! Le passage et le logement de troupes qui sont pour nous une source de profits étaient pour nos pères la cause de bien des tristesses et de beaucoup de misère. « C'était autrefois un grand fléau, écrit un historien du Quercy, et qui pouvait être mis au rang des impôts les plus onéreux que le séjour ou le passage des troupes dans un pays. Livrés à la cupidité et à l'insolence du soldat, les peuples gémissaient partout à leur approche. Les sa

ges règlements du roi Louis XIV et la sévérité des ordonnances sur cette partie ont tout changé (1).

Même sous Louis XIV tous les abus en cette matière ne disparurent pas complètement. Longtemps encore les logements de troupes ou « les soldats », comme on disait alors, constituèrent avec les autres impôts une lourde charge pour l'infortuné manant dont La Fontaine nous dépeint la triste situation :

Sa femme, ses enfants, LES SOLDATS, les impôts,
Le créancier et la corvée.

Lui font d'un malheureux la peinture achevée (2).

Par suite en effet du mode de recrutement des hommes d'armes, fort défectueux à cette époque, et faute d'une discipline sévère, les troupes se livraient souvent à des exactions déplorables et à des désordres de tous genres au préjudice des pauvres gens contraints de les loger.

Aussi, en apprenant que des troupes se disposaient à traverser une localité ou bien à l'habiter plus ou moins longtemps, les habitants du lieu saisis d'effroi comme à l'approche d'un fléau dévastateur ne négligeaient aucune démarche et savaient s'imposer de lourds sacrifices pour arriver à un changement de direction (3). » De ces démarches et de ces doléances, les registres de Délibérations Communales du temps en sont remplis.

Un article, paru il y a quelque temps dans le Journal de l'Aveyron, nous racontait à l'aide des Annales de

(1) Cathala-Coture, Histoire du Querci.

(2) La Fontaine, Fables, Livre I, 16, La Mort et le Bûcheron. Cette fable appartient au premier Recueil qui parut précisément à l'époque dont nous parlons ici, en 1668. Le fabuliste, en exact observateur, s'était donc bien rendu compte des maux dont souffrait le peuple à ce moment-là. Ces vers font écho aux nombreuses doléances que soulevait un peu partout cette question du logement des troupes.

(3) H. Affre. Lettres à mes neveux sur l'histoire de l'arrondissement d'Espalion, t. I, p. 112.

Millau certains incidents auxquels avaient donné lieu en 1674 « les fréquents et continuels passages de troupes, allant et venant du Roussillon, qui accablaient les habitants de cette ville »> (1).

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Certes sous ce rapport les habitants de Rodez n'avaient rien à envier à ceux de Millau.

Quand on parcourt les Registres des Délibérations Communales du Bourg et de la Cité, on est surpris, en effet, de la fréquence des passages de troupes à Rodez au XVIIe siècle. Du 28 août 1666 au 16 novembre 1669, c'est-à-dire exactement en trois ans et trois mois, cette ville n'eut pas à subir moins de treize passages de troupes diverses auxquelles il fallait fournir vivres et logement et dont on recevait parfois de grands dominages; de tout cela d'ailleurs on n'était que faiblement et bien tard indemnisé.

Voici comment les choses se passaient ordinairement. Un exprès arrivait à Rodez et présentait au premier consul un ordre du Roi ou une lettre de son lieutenant général en Guyenne, informant la Communauté de l'arrivée pour le soir même de telle ou telle compagnie de cavalerie, de tel ou tel détachement d'infanterie et lui enjoignant de leur fournir le logement et les vivres « selon les règlements. >> Aussitôt le premier consul réunissait ses collègues et les notables de la Cité et du Bourg. On délibérait sur les moyens à prendre pour assurer le logement et le << ravitaillement » de ces troupes question difficile, car c'étaient les vivres et les fonds qui manquaient le plus. Aussi l'assemblée faisait-elle entendre ses justes protestations et finalement s'en remettait à la sagesse des consuls chargés des intérêts de la Communauté. Ceux-ci, tout en renouvelant leurs doléances, se soumettaient toujours aux ordres d'en haut et accep

(1) Voir dans le Journal de l'Aveyron du 25 juin 1916 l'article signé J. A. et intitulé: Guerres anciennes.

taient ledit lotgement ». Le moyen de faire autrement ?...

Si d'ailleurs il prenait parfois fantaisie à quelque consul plus osé de refuser le logement, il s'attirait à lui et à ses collègues des ennuis tels, qu'à tout prendre, il valait mieux s'exécuter, comme on le verra dans la suite.

Le logement une fois accordé, restait à l'organiser. Or deux systèmes étaient pratiqués: tantôt on logeait effectivement les soldats chez l'habitant qui, avec le gite, devait leur assurer les vivres : c'était alors le a logement effectif »; tantôt les consuls traitaient avec le capitaine du détachement et, d'accord avec lui, fixaient une contribution de tant par jour que les habitants devaient payer en argent. Moyennant cette contribution, le chef du détachement se chargeait d'assurer lui-même le gite et la subsistance de sa troupe sans que les habitants eussent à s'en occuper.

L'un et l'autre de ces systèmes avait ses inconvénients. Le logement « effectif » présentait de grosses difficultés, car les particuliers manquaient pour la plupart de lits à donner aux soldats et d'écuries pour les chevaux des troupes de cavalerie (1); force était alors aux consuls de loger ces hommes dans les cabarets (2), ce qui favorisait grandement « la desbauche. et la despanse extraordinaire des officiers et cavaliers (3)». Aussi procédait-on le plus souvent par traité.

Du reste, quel que fut le système adopté, qu'il payât en argent ou en nature, logement et subsistance des troupes de passage n'en retombaient pas moins sur le pauvre habitant. De là les plaintes de la population, de là les démarches multiples faites par les consuls pour éviter ces logements.

(1) Cf. Archives municipales de Rodez : Registre des délibérations. Cité BB. 14 fol. XLCI, délibérat. du 1 mars 1667.

(2) Id. fol. LCI, délibérat. du 7 décembre 1667.

(3) Id. fol. LXXVII, délibérat. du 31 juillet 1668,

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