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Après avoir exercé pendant trente ans les fonctions d'archiviste du département du Loiret, après avoir usé la meilleure partie de sa vie à classer, à étudier et à inventorier le vaste et riche dépôt des titres qui lui étaient confiés, M. de Vassal a encore voulu utiliser les loisirs de sa retraite et s'entretenir dans ses habitudes laborieuses en publiant le Nobiliaire de l'Orléanais, Personne n'était mieux préparé que lui à un pareil travail et n'offrait de meilleures garanties pour sa parfaite exécution. Connaissance approfondie de l'histoire locale, puisée aux sources mêmes; amour de la vérité qui résulte toujours de l'étude des originaux; caractère ferme et droit; abnégation rare, M. de Vassal réunissait toutes les conditions qui font le généalogiste savant et sincère; il était l'homme de la province par excellence.

Il s'est, dit-il dans son avertissement, proposé deux buts dans cette publication: 1° placer les familles au rang qu'elles doivent occuper dans l'opinion publique ; 2° réunir en faisceau des documents actuellement épars dans les dépôts publics et particuliers.

Quel que soit le soin consciencieux que l'on apporte dans l'analyse d'une généalogie, un résumé ne la fait jamais connaître qu'imparfaitement. Le classement d'une famille dépend d'appréciations si délicates, si diverses selon le point de vue où l'on se place, si complexes quand on veut tout peser équitablement, que le parti le plus sage est d'abandonner ce jugement au lecteur même en lui exposant toutes les pièces de la cause. C'est là ce que M. de Vassal a fait, déclinant tout autre rôle que celui de rapporteur.

Le plan qu'il a adopté est bien vaste, trop vaste peut-être pour qu'il puisse espérer de le conduire à sa parfaite exécution; il consiste à donner des généalogies complètes suivies de nombreuses pièces justificatives; c'est bien là l'idéal du genre; mais ce degré de perfection mène loin, quand on prétend l'appliquer à toutes les familles nobles d'une pro

vince. Le premier volume vient de paraître ; c'est un in-4 de 319 p.', et il ne renferme que deux généalogies seulement, celles des maisons. d'ORLEANS et de GAUVIGNON. Ce volume n'est tiré qu'à 150 exemplaires numérotés. Ce sera donc toujours un livre rare, et la collection des volumes dont se composera l'ouvrage entier deviendra promptement bien plus rare encore. L'exécution typographique ne laisse d'ailleurs rien à désirer.

La généalogie d'Orléans présentait des difficultés peu communes à cause des homonymes et de l'antiquité reculée à laquelle elle remonte. La filiation prouvée et sans interruption ne commence qu'au milieu du XIVe siècle, à la limite ordinaire des familles les plus favorisées; mais par delà cette époque, et durant les quatre siècles qui l'ont précédée, il se trouve des personnages nombreux et importants qui appartiennent incontestablement à la même race par l'identité de leurs possessions et de leurs armoiries aussi bien que par leurs noms. Plusieurs degrés de ces premiers sujets se relient même entre eux par des fragments de filiation bien établis. M. de Vassal a sagement traité cette partie épineuse, qui forme l'objet de son deuxième chapitre; il n'affirme jamais que ce qui est certain et signale avec franchise le doute partout où il existe. Il a cru devoir rejeter à la fin de son travail, dans un chapitre séparé, certains personnages isolés du nom d'Orléans. De ce nombre, il y aurait à retrancher, il le dit lui-même, quelques dignitaires ecclésiastiques, qui ne tenaient le nom d'Orléans que du lieu de leur naissance, suivant un usage assez répandu parmi eux autrefois, et que nous avons vu renouveler par les niveleurs de la Convention. Cette élimination opérée, les autres personnages isolés nous sembleraient mieux placés s'ils étaient intercalés dans le chapitre II, chacun à sa date; leur présence montrerait plus clairement que la suite qui y est exposée ne constitue pas une ligne unique, mais bien réellement un ensemble de collatéraux, isolés comme les autres, ou du moins reliés imparfaitement entre eux, en sorte qu'il n'y a réellement d'autre distinction à faire entre eux que celle des époques où ils vivaient.

A la suite de la branche des seigneurs de Rère, qui est très-complète, M. de Vassal a donné les seigneurs de Villechauve, dont il montre bien l'extinction, mais il n'est pas aussi satisfaisant pour les branches de Tracy et de Crécy qu'il a abandonnées en 1741, époque où d'Hozier les avait laissées. Il dit bien que ces branches sont éteintes, mais il aurait fallu montrer comment et quand elles ont fini. Cette lacune qui

1 A Orléans, chez Herluison, et à Paris, chez Aug. Aubry, rue Dauphine, 46. Prix: 42 fr.

ressemble à de l'indifférence pour les morts est une petite tache dans son beau travail; il eût été facile de la faire disparaître. Les preuves de cour qu'on dit avoir été faites en 1787 doivent encore exister au cabinet du Saint- Esprit; elles comprenaient d'ordinaire toutes les branches collatérales; il est d'autant plus regrettable qu'elles n'aient pas été consultées qu'elles auraient donné non-seulement la solution désirée, mais peut-être encore des compléments importants aux recherches de M. de Vassal et de ses devanciers. A défaut de la généalogie de Chérin, les titres de propriété des terres possédées par les seigneurs de Tracy et de Crécy et les registres de l'état civil de leurs paroisses auraient facilement appris comment ils se sont éteints.

Dans son récit, M. de Vassal a su éviter la sécheresse et l'aridité de son sujet; il l'a semé d'épisodes intéressants et de traits de mœurs instructifs; souvent la lecture en est attachante, même pour un étranger. Les chartes qui lui servent de preuves ont une importance exceptionnelle par leur ancienneté et par les objets qu'elles concernent; il en donne vingt-cinq antérieures au xv° siècle, qui sont d'un intérêt général pour l'Orléanais, dépourvu jusqu'ici de tout recueil imprimé en ce genre. Parmi les actes postérieurs, il s'en trouve encore de fort curieux, tels que des partages de serfs qui prouvent combien le servage s'était conservé en vigueur dans le Berry, en plein xve siècle, alors qu'il avait déjà disparu de la plupart des autres provinces.

La généalogie de Gauvignon est traitée avec le même soin que celle d'Orléans, et justifiée dans toutes ses parties avec le même scrupule. Nous n'y avons remarqué qu'une petite négligence, c'est que l'auteur, aux pages 231, 242 et 277, semble confondre deux charges qui étaient fort distinctes: celle de trésorier de France et celle de secrétaire du roi. Bien que M. de Vassal n'ait encore donné l'histoire que de deux familles, il en a déjà, par le fait, intéressé un bien plus grand nombre dans sa publication. Parmi ses pièces justificatives se trouvent toujours les contrats de mariage; or, il est d'usage constant et immémorial dans l'Orléanais d'insérer dans ces contrats des généalogies fort étendues des parties; souvent la filiation des père et mère de chacun des conjoints est remontée à cinq, six ou sept générations; on voit combien il y a là une source abondante de renseignements pour des tiers.

Au lieu de donner ses notes au bas des pages, M. de Vassal les a toutes rejetées à la fin de ses généalogies, dans un appendice séparé. Cette disposition est bonne quand il s'agit de pièces d'une certaine étendue et qui embarrasseraient le texte principal; mais obliger le lecteur de feuilleter le livre à chaque renvoi (et il y en a en moyenne plus de deux par page) pour ne trouver souvent que la simple et brève indication

d'une source, est lui imposer un exercice très-fatigant, et qui finit bientôt par rebuter son zèle de vérification. L'auteur pourrait à l'avenir modifier ce système en ce qu'il a de trop radical dans son application.

A la suite des familles d'Orléans et de Gauvignon, d'autres s'empresseront sans doute de communiquer leurs titres à M. de Vassal et de profiter d'une circonstance bien rare pour faire établir leur histoire d'une manière solide, complète et véridique. Au point de vue purement matériel, une bonne généalogie est indispensable pour justifier des prétentions à une succession un peu éloignée. Si les prétentions ont un but tout moral pour l'objet, il faut au moins savoir les établir. Il n'existe plus aujourd'hui de démarcation légale ou apparente entre les personnes: la distinction que l'usage a conservée entre elles n'est qu'une réminiscence du passé on de l'histoire; elle n'a pas d'autre base; or, l'histoire ne se conserve que par la tradition ou par l'écriture. Longtemps la tradition scule a suffi à l'histoire des familles, alors qu'elles vivaient côte à côte pendant des siècles; mais l'âge sédentaire a disparu avec la facilité des communications; les chemins de fer dispersent les générations, et la tradition se perd dans le mouvement. On se mêle incessamment, on se réunit de points éloignés et chacun ignore les antécédents de son voisin improvisé. Déjà, dans le monde, la valeur d'une famille ne s'apprécie plus guère que sur l'étiquette de son titre. Cette marque superficielle de la qualité véritable est devenue une sorte de monnaie représentative ayant cours dans la société. Sa circulation n'est pas acceptée par l'effet d'un pur caprice; elle répond à l'un des besoins de notre époque, à laquelle il faut un renseignement prompt et laconique, et elle excuse bien des usurpations devepues nécessaires pour maintenir une situation acquise. Cependant, cette monnaie reçue est souvent trompeuse, même quand elle est de bon aloi telle maison qui n'est pas titrée régulièrement vaut mieux quelquefois que telle autre munie de lettres patentes dûment enregistrées. Ce sont les annales d'une famille qui seules peuvent en donner une idée exacte à des tiers qui ne la connaissent pas par tradition; les négliger est une grande faute, et c'est les compromettre que de ne pas en assurer la perpétuité par l'impression. Elles aussi font partie de l'héritage à transmettre, héritage moins aléatoire que les terres et les écus, plus honorable que les richesses, et qui ne laisse pas, tout moral qu'il soit, d'avoir aussi sa valeur matérielle, un nom étant toujours compté pour quelque chose. Enfin, une généalogie bien faite est une leçon continuelle; elle équivaut pour ainsi dire à une expérience directe dans une famille, le contre-coup des sages mesures ou des fautes d'un ancêtre ayant un long retentissement dans sa postérité.

L'histoire n'est pas un objet de pure curiosité; l'homme d'État cherche dans l'histoire générale et plus particulièrement dans celle de son pays des règles de conduite qu'il puisse appliquer; le père de famille doit en trouver à sa portée dans les annales domestiques de sa maison. Des enfants seraient bien ingrats s'ils ne prenaient aucun souci de ce que leurs auteurs ont fait pour leur préparer la position dont ils jouissent. Paterna vestis et annulus tanto carior est posteris quanto erga parentes major affectus.

E. de CORNULIER.

LES BIBLIOTHÈQUES DE LONDRES AU SIÈCLE DERNIER,

(QUATRIÈME ARTICLE.)

EGLISE HOLLANDAISE.

Dans la rue des Frères augustins (Austin friars) se trouve la portion qui reste d'une église conventuelle attribuée sous le règne d'Édouard VI aux protestants hollandais et flamands pour y célébrer le service divin. Au-dessus de la porte d'entrée on voit une bibliothèque bien fournie d'ouvrages de théologie et contenant en outre plusieurs lettres manuscrites originales des premiers réformateurs, pièces qui n'ont jamais été imprimées. Les livres sont principalement en langue hollandaise. Les dix commandements paraissent avoir été peints par Rubens luimême.

Note. Dans la partie occidentale de l'église se trouve une assez bonne collection de livres avec l'inscription suivante: a Ecclesiæ Londino-Belgica Bibliotheca, exstructa sumptibus Maria Dubois, 1659.» Cette collection renferme diverses lettres et autres manuscrits de Calvin, Pierre Martyr, etc. (Strype, Stow., lib. II, pag. 116). M. Bagford ne semble pas bien renseigné lorsqu'il nomme Rubens comme celui qui peignit les tables de la loi dans l'église dont il est question. D'après un passage de W. Sanderson (Graphice, p. 15, édit. de 1658), il faudrait plutôt mettre cet ouvrage insignifiant sur le compte d'un artiste assez ignoré, Gerbier, qui fut, ainsi que Rubens et Van Dyck, créé chevalier par Charles Ier, roi d'Angleterre.

ÉGLISES FRANÇAISES.

Avant le terrible incendie, l'église française, située dans Threadneedle street, était pourvue d'une bibliothèque. La congrégation française, autorisée à se réunir pour le culte public, dans une partie de l'hôpital de la Savoie, a aussi son dépôt de livres.

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