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COLLECTION DE PLOMBS HISTORIES TROUVÉS DANS LA SEINE et recueillis par Arthur FORGEAIS. Deuxième série. Enseignes de pèlerinages. Grand in-8 de iv et 220 pages. Paris, A. Aubry. Janvier 1863. 45 >

Nous avons déjà consacré dans le Bulletin du Bouquiniste des comptes rendus développés aux deux premiers volumes publiés par M. Forgeais sur les plombs du moyen âge découverts par le draguage dans le lit de la Seine. C'est une raison pour être bref cette fois-ci. En constatant dès l'abord que cette troisième partie de la curieuse publication de M. Forgeais nous paraît supérieure encore aux deux premières, pour l'intérêt du texte et la perfection des vignettes, nous nous bornerons donc à quelques observations de détail.

Dans notre premier article (Bull. du Bouquiniste, 1er et 15 mars 1860), nous avons assez expliqué ce que sont les enseignes (signa) de pèlerinages, pour n'y plus revenir autrement que par une simple définition. C'étaient de pieuses amulettes, des décorations que l'on attachait à la coiffure ou aux vêtements, en souvenir d'un pèlerinage, des médaillons que l'on suspendait au cou, des broches que l'on agrafait sur le chaperon en signe de ralliement, comme l'a justement indiqué M. Jules Rouyer, dans ses Notes pour servir à l'histoire des méreaux, publiées en 1850 dans la Revue numismatique. Les médailles de piété en usage de nos jours, les cocardes de fer-blanc peint qui font partie des uniformes contemporains, la carte que nos sportmen attachent à leur chapeau les jours de courses, la plaque de nos postillons, de nos appariteurs, de certaines gens de métier, sont les enseignes du XIX siècle. Mais combien notre époque est inférieure, au point de vue de l'art, sur ce point comme sur tant d'autres! Jugez-en plutôt par le charmant médaillon par lequel M. Forgeais a commencé son volume.

Cette enseigne est tout simplement en plomb; cependant le travail en est aussi fin que celui de l'orfévrerie, et l'élégance du dessin en fait un véritable joyau.

M. Forgeais ne donne dans sa collection que des enseignes de plomb; mais il y en avait en argent, en cuivre, en étain, etc. Nous possédons une rondelle du xve siècle en laiton fort mince, bracteate ou estampée avec relief d'un seul côté, qui, évidemment, a été attachée à un vêtement, et qui porte, autour d'une tête mitrée, la légende en lettres gothiques JESUS. QUI.ES. IN. CELIS. Comme les plombs de M. Forgeais, c'est le curage d'une rivière, à Évreux, qui l'a fait découvrir.

Consacré entièrement aux enseignes, le texte du nouveau volume

de M. Forgeais contient naturellement des recherches très-variées sur les pèlerinages. Ceux de la Vierge devaient passer les premiers. NotreDame de Vauvert, Notre-Dame de Boulogne, Notre-Dame de Chartres, Notre-Dame de Liesse, Notre-Dame de Tombelaine, Notre-Dame de Roc-Amadour, et quelques autres sanctuaires célèbres de la Mère de Dieu, ont fourni à l'auteur une série de cinquante images. Voilà certes une bonne récolte pour les curieux qui font des collections d'iconographie mariologique. Il y a là un complément de gravures pour l'Histoire du culte de la Sainte Vierge en France, ouvrage qui forme cependant déjà trois gros volumes in-8°. Les autres saints viennent après. Saint Michel, sous le patronage duquel subsistent encore, en Normandie, des confréries dont j'ai signalé ailleurs les curieux usages, compte là, pour sa part, quinze représentations:

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Et il n'est pas surprenant qu'à Paris saint Maur des Fossés ait fourni jusqu'à neuf types différents. Saint Fiacre et saint Faron ont trouvé des zélateurs encore plus nombreux, car M. Forgeais a fait graver jusqu'à vingt plombs portant l'image de ces saints du diocèse de Meaux. Saint Éloi rivalise pour le nombre de ses enseignes.

Le texte que M. Forgeais a consacré à un plomb du pèlerinage espagnol de saint Dominique de la Calzada nous a beaucoup intéressé, à cause des recherches approfondies qu'il a faites sur une légende qui se rapporte aussi au pèlerinage de saint Jacques en Galice. Il s'agit de la conservation miraculeuse d'un jeune homme condamné innocemment et que les juges avaient fait pendre sur un faux témoignage.

M. Forgeais signale dans l'église de Triel, entre Poissy et Meulan, les restes d'une jolie verrière, où cette lamentable histoire est repré

sentée en une série de tableaux. Nos vieux artistes aimaient fort à peindre en splendides couleurs cette page tragique des erreurs judiciaires. Une verrière de l'église Saint-Jacques de Lisieux, restaurée avec soin il y a quelques années dans l'atelier de MM. Marette et Duhamel, peintres verriers à Évreux, comprend en son entier cette légende, qu'il faut lire dans l'ouvrage de M. Forgeais. Partout nos aïeux exposaient dans leurs temples une histoire qui semble être une leçon indirecte aux juges trop pressés de condamner aussi bien qu'un encouragement à invoquer avec confiance les saints dont la protection aurait opéré un tel prodige. A Rouen, la même légende se voit encore dans l'une des radieuses fenêtres de la charmante église Saint-Vincent: et nous savons qu'elle avait été peinte, peut-être comme un salutaire avertissement à MM. les conseillers du bailliage, dans l'une des verrières de l'église Saint-Léger d'Évreux, démolie sous le premier empire. Que d'autres voient dans ces légendes si souvent reproduites une preuve de la naïve crédulité de nos pères, mais qu'il nous soit permis d'y lire plutôt un enseignement sévère quoique voilé, dont notre époque pourrait encore profiter, puisque la liste douloureuse des condamnés par erreur n'est malheureusement pas close.

M. Forgeais a indiqué, dans son premier volume, comment ces images de plomb étaient fabriquées. On creusait, dans des plaques d'ardoises ou de pierre calcaire très-fine, des moules gravés avec plus ou moins de précision, et le plomb fondu était coulé dans ces creux. A une séance tenue à Elbeuf, en juillet 1862, par la Société française d'archéologie, madame Philippe Lemaître, auteur d'une Histoire de la ville de Dreux et d'autres travaux archéologiques fort estimables, a communiqué un moule de cette espèce découvert en faisant un déblai dans la commune d'Ecaquelon.

Terminons en regrettant, à propos du plomb de Saint-Julien de Vouvant, figuré à la page 180, que la bonne fortune de M. Forgeais, qui l'a si bien favorisé

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dans ses patientes recherches, ne lui ait pas fait connaître un article.

écrit ex professo sur cette enseigne par un antiquaire breton récemment enlevé à la science, le respectable M. Bizeul, de Blain, M. Bizeul avait fourni seize pages de texte et de renseignements curieux sur le pèlerinage de Saint-Julien de Vouvante à la Revue des provinces de l'Ouest (VI° vol., 1858), à propos d'un article sur le même sujet inséré en 1853 dans le Bulletin monumental, par M. Hucher, du Mans. Raymond BORDEAUX.

CAZIN, SA VIE ET SES ÉDITIONS, par un cazinophile. Cazinopolis (Rheims), Paris, chez A. Aubry. 4 vol. in-48.

5.

M. Brissart-Binet, libraire à Reims, est l'auteur de ce livre que nous nous empressons de signaler aux bibliophiles. Jusqu'ici, le célèbre éditeur rémois n'avait pas eu de biographe, car on ne peut compter pour une biographie les six ou sept lignes que lui consacrent MM. Didot dans leur Nouvelle biographie générale, et son nom n'est pas cité dans la nouvelle édition de Michaud.

La bibliographie elle-même avait été ingrate envers Cazin, A l'exception de M. Ferdinand Denis, qui tout récemment lui accordait quelques pages dans son Manuel de bibliographie universelle, aucun bibliographe n'avait eu la pensée de donner une liste raisonnée de ces charmantes petites éditions qui eurent tant de succès à la fin du siècle dernier et que les amateurs de nos jours savent encore apprécier à leur juste valeur.

Il appartenait à M. Brissart-Binet, compatriote de Cazin, de réparer cette longue injustice, et de faire pour Cazin ce que Renouard avait fait pour les Alde et les Estienne, Bérard et Pieters pour les Elzevier.

Les productions de Cazin, en effet, meritent d'être sauvées de l'oubli. Sans avoir la netteté des éditions elzeviriennes, elles se recommandent cependant par la solidité du papier, la correction des textes, l'élégance du format et souvent aussi par la beauté de la reliure. A tous ces titres, auxquels s'ajoutent encore le choix des auteurs qui la composent, le nom des graveurs célèbres qui l'ont illustrée,-Cochin, Delaunay, Eisen, Marillier, la collection dite de Cazin a dû de ne pas être délaissée; et M. Brissart-Binet, en nous guidant dans la recherche des vrais Cazins, en nous indiquant les contrefaçons et la manière de les distinguer des éditions originales, a rendu un véritable service à la science bibliographique.

Ajoutons que ce volume, sortant des presses de M. Martin de Chaons s. M., est parfait aussi sous le rapport typographique, et que

M. Brissart-Binet n'a rien négligé pour rendre plus éclatant et plus durable l'hommage qu'il rendait à un illustre devancier.

A. DETAILLE.

UNE LETTRE INÉDITE DE MONTFAUCON.

Les érudits savent que le Ministre de l'instruction publique a chargé une personne instruite de recueillir les pièces faisant partie de la correspondance inédite des Bénédictins de Saint-Maur. A l'époque où cette savante congrégation accomplissait les grands travaux historiques dont l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés à Paris était le centre principal, les religieux de cette communauté écrivaient à leurs confrères de la province pour leur demander des renseignements historiques et littéraires sur le monastère qu'ils habitaient et les documents manuscrits qu'ils possédaient dans leurs archives1. C'est ainsi que fut échangée entre les Bénédictins des diverses provinces du royaume une correspondance fort intéressante pour la chronique des lettres sacrées et profanes, dans laquelle on trouve la signature des noms les plus illustres de la congrégation, tels que ceux de dom Lue d'Achéry, de J. Mabillon. de Michel Germain, de Thierry Ruinart, de Martène, de Durand, de Bernard de Mentfaucon, d'Estiennot, de Bulteau, de Le Nourry, de dom de Vic, de Clément, etc. Or, quand les ordres religieux furent supprimés en 1790, ces fragments de correspondance, avec les minutes des mémoires qui s'y rapportaient, furent déposés au district le plus voisin, et de là passèrent souvent, en même temps que les pièces administratives, dans les archives départementales. Nous avons été chargé de faire cette recherche pour un département du centre de la France, celui de Loir-etCher, où nos fonctions nous donnent toutes les facilités désirables pour ce genre de travaux. Malheureusement, il paraît que dans ce pays les pièces en question n'ont pas été jointes aux autres pièces relatives à l'histoire des grandes abbayes bénédictines qui s'élevaient autrefois dans le Blésois, telles que Pont-Levoy, dans le bourg de ce nom, la SainteTrinité à Vendôme et Saint-Laumer à Blois. Les archives du départe

Le résidu de ces renseignements, envoyés de tous les points de la France aux Bénédictins comme matériaux de leurs travaux, a été heureusement conservé. On y trouve, rangés par ordre alphabétique de lieu, une foule de notes de diverses espèces : Catalogues et histoires d'abbés et des monastères, nécrologes et martyrologes, chartulaires, analyses et textes complets de chartres, dessins de sceaux, etc. Toutes les abbayes de l'ordre de Saint-Benoît en France et à l'étranger y trouvent leur place. Cela forme une collection considérable de volumes reliés, connus à la Bibliothèque impériale, section des manuscrits, sous le nom de Monasticon benedictinum; Résidu Saint-Germain, XXIV.M. 1020, etc.

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